À CentraleSupélec, la Deeptech au centre de la stratégie entrepreneuriale 

Ce sont plus de 800 start-ups qui ont été fondées depuis les années 80 par d’anciens élèves de CentraleSupélec. Stéphanie Hajjar, directrice innovation et entrepreneuriat de l’école d’ingénieurs évoque cette valorisation de l’entrepreneuriat à travers des incubateurs et accélérateurs spécialisés dans la Deeptech.  

Quelle place prend l’entrepreneuriat dans la vision de CentraleSupélec ? 

Elle a toujours été dans notre ADN, associée à la notion d’excellence. En restant accessibles sans être élitistes, nous voulons encourager les entrepreneurs à créer des sociétés. Nous sommes conscients qu’on ne peut pas accompagner tout le monde de la même manière. La direction de l’innovation et de l’entrepreneuriat travaille à accompagner nos start-ups en Deeptech, c’est-à-dire proposant des technologies de rupture, à différents stades de maturité et auprès de différentes populations. Ils peuvent être des élèves, des chercheurs ou des anciens diplômés (alumni), mais toujours autour de projets Deeptech orientés sur les trois secteurs que sont la santé, le climat et les industries du futur, en lien avec le plan stratégique de l’école. Nous estimons que les élèves ont la capacité de répondre à des problèmes complexes, que seuls eux peuvent résoudre, adressés aux sujets de demain. Mais comme nous sommes également un établissement de recherche, nous voulons que les travaux qui s’y déroulent puissent aboutir dans l’entrepreneuriat. Ce sont près de 10 % des chercheurs qui se lancent dans une vie d’entrepreneurs. 

Quels éléments vous différencient des nombreux incubateurs ou accélérateurs de start-up indépendants ou également liés à de grandes écoles ? 

Nous sommes la seule école à nous concentrer vraiment sur la Deeptech et les ruptures technologiques grâce à nos 18 laboratoires et 400 enseignants-chercheurs. Ce n’est pas à la portée de tout le monde, car elles ne peuvent venir que d’ingénieurs de haut niveau. Seules les écoles de notre calibre peuvent être éligibles à ce type de programme. Mais également à travers la force du réseau d’alumni de notre école, qui contient beaucoup d’entrepreneurs, nous pouvons facilement les utiliser pour mentorer des jeunes sociétés. Cette volonté de transmettre qu’ont les alumni est très forte. C’est un levier très important pour faire grandir rapidement. 

Comment s’organise l’accompagnement de CentraleSupélec pour favoriser la croissance de ces projets entrepreneuriaux ? 

Au démarrage, il est important de les préparer avec du mentoring et des entrepreneurs pour leur offrir de bons réflexes pour développer le go-to-market. Quand on les sélectionne au sein de l’accélérateur, on prend des sociétés déjà matures sur le plan technologique et qui ont déjà des premières tractions commerciales. On va les aider sur cette approche commerciale, qui est un des éléments essentiels. L’accompagnement dans la Deeptech est sérieux. Il nécessite un investissement en temps, en argent et en accompagnement. Nous ne voulons pas forcément accompagner une plus grande quantité de projets. Il serait possible d’ouvrir les vannes, mais on veut faire grandir plus vite les sociétés et cela est possible seulement avec un nombre limité de projets. Pour cela, nous les aidons également à chercher des fonds à différents stades grâce notamment à des fonds partenaires qui interviennent très tôt. Grâce à ce réseau et le lien avec CentraleSupélec, une confiance a été créée pour aider les entrepreneurs à réussir de bonnes levées de fonds.  

En 2023, nous avons observé une forte baisse des levées de fonds des start-ups. Comment avez-vous adapté votre accompagnement pour permettre aux jeunes entreprises de réussir à obtenir les financements nécessaires ? 

Je pense que c’est plutôt lié au fait qu’il y a eu une survalorisation des solutions SaaS. Dans la Deeptech, nous avons été préservés. Aujourd’hui, il y a du financement pour soutenir les ruptures technologiques. C’est une verticale qui prend de l’importance notamment grâce à une politique très offensive menée par Bpifrance. De notre côté, nous avons mis en place des bourses pour certains projets mais également des prêts d’honneur pour l’ensemble des acteurs qui intègrent notre accélérateur 21st. L’école s’est également dotée d’un fonds l’an passé, CentraleSupélec Venture, qui vient financer certaines sociétés accompagnées. 

On observe la montée de l’intelligence artificielle (IA) dans tous les secteurs. Observez-vous cette même tendance au sein des projets que vous accompagnez aujourd’hui ? 

Dans l’ensemble des sociétés que l’on suit, il y a toujours une part d’IA. Soit elle représente l’activité principale des start-ups, soit elle est utilisée de manière applicative, mais nous allons accueillir de nouveaux projets en IA générative bien que rien n’ait encore été mis en place de spécifique pour suivre ces technologies. En effet, ceux qui se lancent notamment sur les modèles de fondation de l’IA sont souvent des “serial” entrepreneurs qui n’ont pas forcément besoin d’accompagnement. C’est notamment le cas de nos alumni qui ont créé la société H, qui pourrait concurrencer Mistral AI. En revanche, il n’est pas impossible que nous travaillions sur un écosystème particulier avec une accélération spécialisée dans le domaine. Nous avons cette philosophie de travailler en écosystème, avec les autres, et de rallier d’autres programmes. Nous sommes sensibles à la complémentarité des équipes. C’est le cas avec l’école de commerce Essec mais aussi avec AgroParisTech. Beaucoup de sociétés se forment issues de travaux de recherche communs. 

Il existe une guerre des talents qui fait rage dans le numérique avec de nombreuses entreprises qui connaissent des difficultés à recruter. Cette facilité pour trouver un emploi de la part de vos élèves freine-t-elle la création des projets entrepreneuriaux ? 

Tout le monde ne veut pas entreprendre. Il existe encore des parcours relativement classiques, mais dans notre accompagnement, même si les élèves n’ont pas suivi d’options liées à l’entrepreneuriat, ils ont des notions. C’est l’ADN de notre école. Mais nos élèves veulent être hyper généralistes. Nous investissons sur la durée. Quand on sensibilise à l’entrepreneuriat, on donne un socle pour que lorsqu’ils auront ce déclic, ils puissent utiliser ces compétences. C’est un travail qui se mesure sur une échelle de cinq à dix ans.