La croissance dans l’édition de logiciels ne se tarit pas, même après les mois difficiles de pandémie. Au contraire, la digitalisation des entreprises n’a jamais été autant d’actualité.
Numeum et EY présentaient hier soir les résultats de la onzième édition du Top 250 des éditeurs de logiciels français, le panorama de référence du secteur. « En dix ans, le chiffre d’affaires du secteur a plus que doublé, a expliqué Jean-Christophe Pernet, associé EY en charge de l’étude. Il atteint les 17,9 milliards d’euros, en croissance de 9,1 %, porté surtout par le Top 3 (Dassault Systèmes, Ubisoft et Criteo). Hors ces mastodontes, le taux de croissance s’élève à 5 %. Un taux qui reste encore très élevé en ce contexte de crise sanitaire. »
Surtout, l’avenir semble radieux : 56 % des éditeurs misent sur des prévisions de croissance sur 2021 supérieures à 10 %…
Au-delà des besoins croissants de digitalisation des entreprises (encore plus prégnants depuis la crise sanitaire !), la montée en puissance des modèles d’abonnement (43 % du chiffre d’affaires global) reste un pilier incontestable de la résilience du secteur, et le sera encore pour 2021. Ainsi, la part des contrats signés en mode SaaS est désormais majoritaire aujourd’hui. « Ce modèle est un très bon amortisseur de crise, qui offre aussi une meilleure visibilité pour les investisseurs en terme de chiffre d’affaires », précise l’expert.
Malgré la crise, les recrutements chez les pure players s’affichent également au beau fixe (16 700 entre 2018 et 2020), avec une croissance de 8 % des effectifs du secteur en 2020.
Une accélération est même attendue en 2021 : 85 % des éditeurs prévoient d’augmenter leurs effectifs contre 72 % dans l’étude 2020, même si la plupart rappellent leur difficulté à relancer les recrutements… par manque de talents. Le profil le plus demandé reste une fois encore celui de développeur (68 % des profils recherchés !). Et ce n’est pas la toute récente annonce de Facebook, d’un plan de création de 10 000 emplois en Europe étalé sur les cinq prochaines années, qui pourra les rassurer ! « J’en frissonne d’entendre cela », reconnaît Michel Artières, CEO d’Ateme, l’un des lauréats 2021 (lire encadré). Le géant américain entend bâtir le métaverse, ou plateforme de connexion à internet qui succédera au smartphone d’ici à dix ans.
Aussi, pour attirer et garder leurs talents, les entreprises misent largement sur des salaires attractifs et la mise en place de primes. Viennent ensuite les politiques d’intéressement et de participation. Quant à l’accès au capital, il reste encore limité.
Le financement est plus que jamais un enjeu-clé du développement des éditeurs, qui ont réussi à lever 3,7 milliards d’euros en 2020 pour le Top 20 (contre 1,4 milliard en 2019), soit un quasi triplement. « Ce qui permet l’émergence d’acteurs à très forte croissance, fait remarquer Jean-Christophe Pernet. Ces levées se font auprès de fonds spécialisés qui connaissent bien la Tech, dans une logique de les accompagner sur le moyen terme, notamment à l’international. »
Quelques levées de fonds emblématiques récentes…
- Mirakl (solutions de marketplace), 555 millions de dollars en septembre 2021,
- Dataiku (traitement des données), 400 millions de dollars en août 2021,
- Shift Technology(détection de fraudes et prévision des risques), 183 millions d’euros en mai 2021,
- Alan (assurance santé aux entreprises), 185 millions d’euros en avril 2021,
- Sorare (jeu de fantasy football), 580 millions d’euros en septembre 2021,
- Contentsquare (analyse de sites web et applications), 408 millions d’euros en mai 2021,
- ManoMano (produits de bricolage, maison et jardin), 355 millions de dollars en juillet 2021.
Pour autant, la quasi-totalité des éditeurs s’autofinancent (90%), signe d’une bonne santé financière du secteur. 70 % d’entre eux ont aussi recours à l’endettement bancaire.
L’international, qui reste toujours un défi stratégique difficile à relever pour les éditeurs de logiciels français, est porté par les champions nationaux comme Ubisoft. Les éditeurs de plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisent 67% d’activité réalisée en dehors de la France (contre 62 % l’an dernier). Les Etats-Unis représentent d’ailleurs le second marché après la France (16%), même si les éditeurs portent aussi leur regard sur l’Europe (Espagne, Allemagne, Royaume-Uni) pour augmenter leur présence à l’international.
Enfin, peu importe la taille des éditeurs de logiciels, l’innovation reste un facteur clé de succès, avec des investissements qui repartent à la hausse (22 % du chiffre d’affaires et 34 % des effectifs totaux). Ils conservent en général un fort ancrage de cet effectif de R&D en France (59 %) du fait de la qualité des talents présents et d’une fiscalité avantageuse.
Les cinq lauréats des trophées 2021
- Trophée 2021 Croissance en SaaS, décerné à la société Botify, éditeur de logiciels SaaS qui permet aux marques d’augmenter leur trafic (60 % de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis, 200 collaborateurs, 300 recrutements prévus dans les trois ans, 55 millions de dollars levés cet été).
- Trophée 2021 International, décerné à la société Contentsquare, plateforme d’Experience Analytics permettant aux marques de créer les meilleures expériences digitales, 500 millions de dollars levés en mai 2021, 1000 collaborateurs, 1 500 recrutement envisagés.
- Trophée 2021 Innovation, décerné à la société Ateme (solutions de traitement, de diffusion et de streaming de flux vidéos), qui réalise 90 % de son chiffre d’affaires à l’international (500 personnes, dont 50 % en R&D).
- Trophée 2021 Jeux vidéo, décerné à la société Plug in Digital, éditeur français de jeux vidéo opérant sur PC, mobile, console et le cloud gaming (50 personnes, 80% de son chiffre d’affaires à l’international, 1,5 million d’euros levé en 2018, nouvelle levée en préparation).
- Trophée 2021 Prix du jury, décerné à la jeune société Kili Technology, plateforme de création et de gestion des données d’apprentissage pour le machine learning (40 collaborateurs, 25 millions de dollars levés cet été), un nouveau domaine en pleine structuration « entre stockage de données et entraînement des modèles ».
Numeum en chiffres
- 2 300 entreprises dont 50% des membres en régions et 50 % de startups et TPE
- 55 Mds€ de chiffre d’affaires, dont 85 % en France
- 538 000 employés
- 12 délégations régionales