3nder met le feu aux poudres de Tinder

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De gauche à droite :Delphine Brunet Stoclet, associée et Marie André-Nivet, collaboratrice du cabinet SBL

Tinder. Un mot anglo-saxon qui signifie poudrière, inflammable. Prémonitoire d’une position dynamique et d’une politique active de défense de ses droits ?

Son logo surplombé d’une flamme  logo-tinder apparaît ainsi annonciateur.

Pour le public francophone moyen, ce mot peut évoquer phonétiquement, visuellement et conceptuellement la tendresse mêlée de sulfureux.

Jolie trouvaille en tout état de cause pour désigner une application de réseau social permettant à ses inscrits de trouver, à tout le moins chercher, des rencontres amoureuses.

Lancée en 2012, cette application – dans son intitulé – rappelle l’application antérieure Grindr lancée en 2009 et destinée aux homosexuels/bisexuels.

Force est de relever les ressemblances phonétiques de ces noms d’applications, caractérisés par les sonorités finales « n der », mais ne les empêchant pas de coexister pacifiquement.

Il en est autrement s’agissant de la nouvelle venue « 3nder », application de réseau social également, destinée aux personnes recherchant des relations à trois parmi lesquelles un couple.

Tinder qui s’en est plus qu’émue, n’a pas hésité à former une action aux Etats-Unis à l’encontre la Société 3nder Ltd. pour contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitisme.

Tinder considère en effet que la dénomination « 3nder » serait similaire à la sienne du fait d’une proximité phonétique telle qu’elle créerait un risque de confusion dans l’esprit du public. Celui-ci pourrait ainsi croire que cette nouvelle application est déclinée de la première, à destination des plans à 3 et non plus à 2, et proposée par la même entité, voire des entités liées.

Outre cette imitation, Tinder considère que 3nder commet des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, en profitant indûment des investissements marketing et publicitaires réalisés pour faire connaître sa marque, son application et obtenir le succès.

Comment apprécierait-on en France cet éventuel risque de confusion entre les marques Tinder et 3nder

En France, le Code de Propriété Intellectuelle et le règlement applicable aux marques de l’Union Européenne prévoient que le titulaire d’une marque est « habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires :

(…) b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque ; (…) ».

Le risque de confusion est apprécié d’une part, entre les signes en présence et d’autre part, entre les produits et/ou services concernés.

En l’espèce, la marque de l’Union européenne « Tinder » de la Société Tinder, Inc. est protégée notamment pour les « logiciels téléchargeables sous la forme d’une application mobile pour rendez-vous et mises en relation sur l’internet » et des « Services de rencontre, de réseautage social, de rencontres et de rendez-vous, basés sur l’internet », ces services sont à l’évidence identiques à ceux proposés sous la dénomination « 3nder ».

S’agissant des signes en cause, Tinder / 3nder, la Société Tinder retient que leurs ressemblances phonétiques créent le risque que ces marques soient perçues comme des déclinaisons l’une de l’autre.

Cette position est défendable.

En France, il est de jurisprudence constante que le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement, en tenant compte de l’ensemble des facteurs pertinents du cas d’espèce : déterminer sur quels supports, quel mode de distribution les produits visés par les marques en jeu sont diffusés, le degré de distinctivité de la marque dans la concurrence, la connaissance, ou la notoriété des signes…

L’appréciation doit être globale et se fonder sur l’impression d’ensemble produite par les signes, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants tels que : les syllabe, préfixe, radical ou suffixe attirant en premier lieu l’attention du consommateur, quelle sonorité donne l’accent sur la marque, quelle conception du signe sera perçue en premier lieu par le public.

Tels sont les critères qu’il convient de retenir pour comparer les signes et analyser leur similarité et le risque de confusion qu’il présente.

Pour ce litige, la question principale est : le signe « 3nder »  reprend-il suffisamment ces critères, ou « codes » de la marque Tinder pour que le public puisse penser utiliser des services provenant d’une même origine.

Dimo Trifonov, le fondateur de 3nder, dont les moyens et la force de frappe sont à l’évidence limités face à Tinder, réagit dans les media et oppose notamment le fait qu’il existe plusieurs prononciations possibles de son application « 3nder », différentes de celle reprochée par TINDER. Il s’interroge également sur la similitude du signe Tinder avec le signe antérieur Grindr, laquelle n’a pas empêché Tinder d’adopter son nom actuel sur lequel il revendique aujourd’hui un monopole étendu et absolu.

Les suites et conséquences

L’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur.

Une marque n’étant protégée que sur le territoire dans lequel elle est enregistrée, Tinder Inc. va devoir initier une action contre 3nder Ltd. dans chacun des pays dans lequel elle a une marque pertinente enregistrée et dans lequel 3nder exploite son application éponyme. La décision judiciaire n’aura qu’un effet territorial limité.

Pour exemple, étant titulaire d’une marque de l’Union européenne, TINDER pourrait intenter une action à l’encontre de 3nder en France aux fins de voir cesser l’exploitation de la dénomination éponyme et obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice subi sur ce territoire.

Si 3nder Ltd. avait eu un siège en Union européenne, le plus efficace pour Tinder Inc. aurait été de l’assigner devant la juridiction du lieu de son siège social, afin que la décision judiciaire ait un effet sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Or, à notre connaissance, 3nder n’a pas de siège en Union européenne, ni de marque d’ailleurs à l’encontre de laquelle TINDER aurait pu former une action en nullité.

Le risque encouru pour 3nder Ltd. ? devoir cesser immédiatement sous astreinte l’exploitation de sa marque 3nder, être condamnée à payer des dommages et intérêts, publier à ses frais la décision de justice afin d’informer le plus grand nombre du caractère contrefaisant et/ou déloyale et parasitaire de l’exploitation du nom « 3nder » pour désigner son application de rencontres amoureuses.

Nul doute que les débats seront intéressants à suivre, à moins qu’ils ne soient réglés par un accord amiable entre les parties.