« Réussir en tant qu’indépendant, ça s’apprend ! »… Serial-entrepreneure du web, Catherine Barba lance Envi, une école à destination des indépendants. Un statut qui, face à la pénurie de talents dans de nombreux secteurs, s’installe progressivement dans le monde du travail et dans les stratégies RH des entreprises. Entretien.
Alliancy. Vous écrivez sur le site d’Envi : « Nous créons la formation dont on aurait rêvé quand on lançait nos premières entreprises… ». Pourquoi ?
Catherine Barba. Entreprendre, c’est très difficile ! Mais on a tellement lu que c’est à la portée de tous de créer une entreprise, qu’il est important de le redire en amont : ce qui est difficile, c’est de durer et, surtout, d’être rentable…
Jusqu’au point de créer une école pour y parvenir ?
Catherine Barba. En 2020, en rentrant des Etats-Unis où j’avais passé cinq ans, je me suis posée la question de ce que j’allais faire. Au gré d’un échange avec un groupe d’entrepreneurs, j’ai eu un flash sur ce besoin de former des indépendants… En fait, c’est la conjonction de plusieurs choses. D’une part, cette catégorie de travailleurs grossit de façon très significative [+ 33 % en six ans, source Statista, NDLR] et, d’autre part, beaucoup de gens perdent leur job en cette période de crise sanitaire… C’est ainsi que l’idée m’est venue.
Vous souhaitez former des indépendants, mais, plus précisément, quelle est votre cible ?
Catherine Barba. Je peux vous répondre à ce stade, mais les choses peuvent évoluer au fur et à mesure du lancement du projet. Je vois deux populations qui sont concernées. D’un côté, les personnes qui n’ont jamais créé d’entreprise et qui y sont contraintes ou qui en rêvent. Nous souhaitons les accompagner de manière différente et ce jusqu’à leur premier client. Ensuite, il y a plus de 3 millions d’indépendants en France, dont les revenus ne sont pas flamboyants pour différentes raisons. Là aussi, l’idée est de les aider à augmenter leur revenu mensuel et à être plus rentable dans la durée.
Visez-vous des indépendants dans des secteurs particuliers, comme celui du numérique par exemple ?
Catherine Barba. Non, pas spécialement. Aujourd’hui, nous acceptons toute personne qui veut se mettre à son compte, en individuel et peu importe le statut, le métier ou le secteur… Même s’il est possible qu’à terme, une ou deux verticales métiers se dégagent au sein de nos formations. Leur ambition doit être : « Je veux devenir capitaine de ma vie et mon propre centre de profits »…
L’âge également est-il un sujet ?
Catherine Barba. Non plus ! Quand on voit les plans massifs de licenciements dans certains grands groupes, on voit bien que c’est impossible d’avoir une limite. Aujourd’hui, à plus de 45 ans, si vous perdez votre job, il devient très difficile de retrouver un poste et beaucoup pensent donc à créer leur entreprise… Mais, s’ils cherchent de plus en plus d’autonomie, d’équilibre et de sens, il y a aussi un besoin de stabilité et de sécurité et ce n’est pas véritablement ce qu’apporte aujourd’hui le statut d’indépendant, plutôt synonyme de précarité. On voit qu’on est tiraillé entre deux aspirations et peut-être arriverons-nous à concilier les deux dans un futur… plus ou moins proche.
[bctt tweet= »Catherine Barba, fondatrice Envi : « Envi, c’est une école pas comme les autres pour aider les indépendants à se lancer et à être rentables. » » username= »Alliancy_lemag »]Nous allons devoir y arriver, non ?
Catherine Barba. Je le pense car, depuis la crise sanitaire, beaucoup de personnes voient le travail différemment… Avec le télétravail contraint, on a tous expérimenté « l’entreprise hors les murs » au quotidien, ce qui a donné des idées à certains. D’où notre volonté de transformer cette idée en action, en les aidant avec Envi. Au sein de l’école, nous travaillons déjà avec une équipe de chercheurs en neurosciences et sciences cognitives pour évaluer le potentiel entrepreneurial d’une personne… Avec ces experts et d’autres entrepreneurs, nous nous interrogeons sur ce qui fonde cette capacité à créer une entreprise au-delà des compétences : quelles sont les autres aptitudes, ressources ou motivations nécessaires ?…
Pour quel objectif ?
Catherine Barba. Nous voulons proposer à chacun une cartographie de ses forces et faiblesses dans une démarche entrepreneuriale et ce qu’il va falloir muscler s’il veut y arriver de façon pérenne.
En résumé, ce doit être un outil utile pour les talents en entreprise, afin de savoir sur quoi travailler en priorité pour devenir un « change maker », un bougeur de lignes, et pour ceux qui sont déjà installés, savoir sur quoi ils doivent se renforcer. L’idée est d’arriver à questionner son offre, son modèle économique, son plan de trésorerie, ses cibles, sa façon de prospecter, etc. pour durer. Avec une attention particulière pour accompagner les femmes sur des sujets de confiance, de gestion d’argent…
A partir de là, nous pourrons proposer des formations à la carte en fonction des besoins. Et je pense qu’il est intéressant que ce soient des entrepreneurs qui s’adressent à ces indépendants car créer son entreprise est une véritable course de fond… Et tout ce que j’ai appris depuis vingt ans, je vais le mettre au service de cette école pour les accompagner.
Concrètement, où en est votre projet ?
Catherine Barba. L’école ouvrira en septembre avec une première promotion de quelques dizaines de personnes, encadrées par nos mentors, pour une durée de 2 à 6 mois en fonction des compétences à acquérir. Ce sera à la fois une école et une communauté en construction. Il y aura des formations en mode hybride, mais également de nombreux services et événements pour aider les entrepreneurs. C’est très important qu’il y ait des lieux physiques pour se rencontrer ! D’ici là, nous réaliserons un pilote dans deux régions, au mois d’avril, avec une centaine de personnes engagées, qui nous donneront un feedback.
Comment le financez-vous ?
Catherine Barba. C’est mon quatrième projet et le grand projet de ma vie. Pour l’instant, je le finance à titre personnel notamment et beaucoup d’ami-e-s entrepreneurs me soutiennent… Et on verra par la suite, d’ici à deux ans environ, à lever des fonds différemment.