Le think tank Idate Digiworld se penche sur la dualité du numérique, à la fois problème mais aussi solution aux enjeux de sobriété numérique.
Comme l’ont rappelé l’Ademe et l’Arcep dans une étude récente (janvier 2022), l’empreinte carbone du secteur du numérique est estimée à 2,5 % en France et les services numériques sont à l’origine de 10 % de la consommation électrique nationale.
L’Idate Digiworld, Think Tank européen spécialisé dans l’économie numérique, les médias, l’internet et les télécommunications, a récemment pris position sur le numérique responsable, à travers sa commission « Transition écologique et Numérique ».
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Selon l’Idate Digiworld, il convient, comme pour tout autre secteur d’activité, de limiter les effets directs et indirects du numérique sur l’environnement par des actions concrètes. Ces dernières passent notamment par la mise en œuvre de stratégies d’allongement de la durée de vie des équipements numériques, par l’intégration des principes d’écoconception, d’utilité, de durabilité et de sobriété, et par la maîtrise des consommations électriques.
Le Think Tank rappelle cependant que les effets de la numérisation sur d’autres secteurs et activités ont potentiellement des impacts positifs plus importants que son empreinte directe sur d’autres secteurs. Ainsi, selon la GSMA (association internationale d’opérateurs de téléphonie mobile) et l’organisme Carbon Trust, 1 g de CO2e [Équivalent CO2, NDLR] investi dans le numérique représenterait 10 g de CO2e évités dans les autres secteurs. Le numérique aurait ainsi permis d’éviter l’émission de 2,13 Gt de CO2 en 2018, soit 10 fois plus que l’empreinte des réseaux mobiles, elle-même estimée à 0,22 Gt d’équivalent CO2, rappelle l’Idate DigiWorld.
Valoriser les bénéfices du numérique
Malgré les chiffres avancés par la GSMA et Carbon Trust, de nombreuses entreprises peinent à quantifier et à généraliser les bénéfices du numérique. La valorisation des technologies numériques de pointe doit donc intégrer la démonstration de leurs apports en matière de transition écologique et d’impact climatique dès la conception.
« Nous avons une idée relativement précise de l’impact environnemental (négatif) du numérique aujourd’hui, même si cette mesure reste incertaine à horizon 2030 et plus encore à horizon 2050. Mais quand il s’agit de mesurer l’impact positif du numérique, on se heurte à une vraie complexité. Par exemple, quand on s’intéresse aux bénéfices du télétravail, on voit qu’il peut y avoir des effets rebond. Le risque, par exemple, quand vous travaillez depuis chez vous, est que vous alliez faire vos courses en voiture dans la journée, ce qui n’était pas le cas auparavant », analyse Prune Esquerré, Directrice d’études chez Idate DigiWorld.
Les entreprises sont donc confrontées à la difficulté de la mesure des impacts positifs du numérique. « Pour mesurer ces impacts positifs, on passe le plus souvent par des cas d’usage. Mais la question est de savoir si ces cas d’usage peuvent être généralisés, avec toutes les limites que cela peut comporter », ajoute Prune Esquerré.
Le numérique : un secteur « dual »
Le numérique est donc un secteur « dual » : à la fois problème mais aussi solution aux enjeux environnementaux. D’un côté, l’infrastructure IT de l’entreprise, qui consomme de l’énergie et implique des impacts environnementaux non négligeables. De l’autre, les initiatives et projets de type « IT for Green » qui concernent les réseaux électriques intelligents (Smart grids), les bâtiments connectés, la mobilité, la dématérialisation et le télétravail qui sont autant d’impacts positifs pour l’environnement. L’idée est donc d’établir un bilan net des impacts environnementaux négatifs tout autant que positifs du numérique, pour pouvoir prendre des décisions en toute connaissance de cause.
« Sur la partie Green IT, l’axe de travail principal des entreprises doit être d’allonger la durée de vie de leurs équipements, car c’est lors de la phase de production de ces matériels que les impacts environnementaux sont les plus élevés. Sur la partie IT for Green, il faut pratiquer des économies de bouts de chandelles partout. L’alimentation, le transport et les smart cities représentent les plus importants gisements de diminution de l’empreinte environnementale », conclut Prune Esquerré.
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Dans son rapport, l’Idate Digiworld indique par exemple que, dans le domaine de l’énergie, la Smart Energy pourrait représenter 7,5 % d’émissions évitées grâce à la réduction des pertes d’énergie liées à la transmission et à la distribution électrique. Dans le domaine de l’industrie, la Smart Industry aurait un potentiel de réduction de 11 % des émissions de GES, grâce notamment à la mise en place de solutions d’IoT.
Et dans le secteur agricole, l’agriculture connectée pourrait représenter un potentiel de 3 % d’émissions évitées, selon la GSMA. PwC, membre de l’Idate Digiworld, a notamment mis en place une application d’intelligence artificielle permettant d’optimiser la consommation d’engrais chimique par vision satellitaire. Ce type d’initiatives permettrait de réduire de 40 % l’usage des fertilisants chimiques par hectare.