France/Europe : front commun pour davantage de résilience

Trois jours après le sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union européenne,  une conférence interparlementaire sur l’autonomie stratégique économique s’est tenue ce lundi matin au palais du Luxembourg où siège le Sénat. Face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et, depuis deux ans, au contexte sanitaire sans précédent, le débat sur la souveraineté et la résilience des industries européennes a été avancé dans l’agenda public pour mieux définir les objectifs de la France pour sa présidence du Conseil de l’Union européenne. Le commissaire européen Thierry Breton a notamment été invité à partager ses convictions sur la question.

Le commissaire européen Thierry Breton à l'hémicycle du palais du Luxembourg (Sénat).

Le commissaire européen Thierry Breton à l’hémicycle du palais du Luxembourg (Sénat).

Ce matin au palais du Luxembourg, Sophie Primas, présidente de la commission des Affaires économiques du Sénat, a tenu avant toute chose à faire une minute de silence en hommage à l’Ukraine assiégée par la Russie depuis le 24 février. Sophie Primas rappelle ensuite le programme de cette séance : la construction de nos filières industrielles d’avenir, l’approvisionnement en énergie et en métaux rares ainsi que le maintien de notre souveraineté alimentaire. 

C’est ensuite autour de Roland Lescure, Président de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, de s’adresser à l’hémicycle pour rappeler les ambitions souveraines de la France, à quelques mois de sa présidence du Conseil de l’UE. « Le monde actuel est autant porteur de menaces que de promesses », affirme Roland Lescure tout en rappelant la nécessité de resituer notre vision du multilatéralisme à l’heure de l’exacerbation géopolitique que nous connaissons. 

Il apparaît urgent de repositionner l’Europe dans le contexte de compétition économique, géopolitique et militaire qui l’oppose – à différents degrés – à la Russie, à la Chine mais aussi aux Etats-Unis. « La crise sanitaire nous l’a montré de manière pressante et celle de l’Ukraine de manière violente, ajoute-t-il. Il faut s’intéresser aux limites de l’Europe, notamment sur la question de sa dépendance énergétique et aux métaux rares comme le lithium, le cobalt ou encore le silicium ».

ROLAND LESCURE DÉVOILE SON PLAN EN TROIS ÉTAPES

  • l’identification des filières stratégiques comme l’hydrogène, la santé, l’électronique, le cloud ou encore les batteries électriques ;
  • l’identification de nos vulnérabilités à l’égard de pays en dehors de l’UE comme les semi-conducteurs ou encore le gaz russe
  • les stratégies de relocalisation possibles comme sur le sujet des terres rares.

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Avec la flambée de l’énergie et la pénurie de semi-conducteurs en cours, la réévaluation de notre dépendance pousse l’Europe toute entière à trouver des alternatives en matière d’autonomie stratégique et de résilience des chaînes de valeur. C’est en ce sens que le micro est ensuite tendu au commissaire européen Thierry Breton pour inscrire cette volonté d’autonomie française dans la stratégie voulue par l’Europe en la matière.

Un front commun en Europe à renforcer

« La guerre sauvage voulue par Vladimir Poutine aux portes de l’Europe est un moment de vérité pour l’Union car il est temps de démontrer encore plus que nous défendons, ensemble, les valeurs qui nous unissent, déclare Thierry Breton. La démocratie et la solidarité sont l’essence même de notre projet européen ». Pour lui, le bouleversement de l’ordre mondial actuel pousse l’Europe à réévaluer son positionnement en tant que puissance politique et économique. L’aide financière et militaire “unanime” envers l’Ukraine et les sanctions sans précédent à l’égard de la Russie doivent porter comme objectif ‘la paix et la stabilité”.

La série de crises que nous traversons depuis deux ans semble avoir déclenché un nouvel état d’esprit : « la pandémie mondiale, la flambée des prix de l’énergie, la pénurie de semi-conducteurs et de terres rares créent une nouvelle géopolitique des chaînes de valeur », affirme Thierry Breton. Ce dernier défend la nécessité d’un “rapport de force assumé” pour réduire nos dépendances, maîtriser nos chaînes d’approvisionnement et renforcer nos filières stratégiques, en favorisant la relocalisation quand cela est possible.

« Beaucoup pensaient que, grâce à notre monde globalisé, nos chaînes d’approvisionnement étaient inébranlables, poursuit-il. Cette globalisation heureuse a été ébranlée par la pandémie, notamment au travers de l’épisode de la diplomatie des masques avec la Chine et la difficulté d’approvisionnement en vaccins ». 

Il faut donc reprendre le contrôle de nos bases manufacturières et cela semble passer nécessairement par une maîtrise technologique sur tous les points : le numérique occupera une place prépondérante au sein des écosystèmes européens pour que notre industrie puisse produire davantage et de manière décarbonée. Pour cela, la Commission européenne investir 650 milliards d’euros par an pour atteindre ces objectifs de transition verte d’ici 2030.

LES AUTRES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

  • le plan de relance NextGenerationUE alloue 2 018 milliards d’euros pour la reconstruction de l’Europe de l’après-Covid, une Europe plus verte, plus numérique et plus résiliente. Il permettra notamment d’investir dans des technologies respectueuses de l’environnement, d’investir davantage dans la recherche et l’innovation afin de mettre au point des vaccins et des traitements, non seulement contre de nouvelles maladies telles que le coronavirus mais aussi d’encourager les projets d’intelligence artificielle pour nous aider à lutter contre le changement climatique et à améliorer les soins de santé, les transports et l’éducation.
  • Une task force pour la reprise et la résilience (RECOVER) a été créée pour coordonner le soutien apporté aux États membres dans l’élaboration de leurs plans pour la reprise et la résilience. Un moyen de dialoguer avec les États membres afin de faire en sorte que les plans notifiés respectent les exigences réglementaires fixées par la législation et que les initiatives proposées en matière de réforme et d’investissement atteignent les objectifs de la double transition écologique et numérique, de la reprise et de la résilience
  • Un plan “RECOVER EU” sera présenté fin mai pour “éliminer notre dépendance au gaz russe”. Alors que le gaz russe représente 9% du mix énergétique de l’UE aux côtés du nucléaire, des ENR ou encore du charbon, la Commission européenne souhaite réduire cette part à 3% d’ici la fin de l’année.
  • “L’European Chips Act” prévoit 43 milliards d’euros d’investissement pour sécuriser nos chaînes de valeur et financer nos industries pour faire face à la pénurie de semi-conducteurs. L’objectif est d’arriver à produire d’ici la fin de la décennie 20% de nos microprocesseurs. Thierry Breton évoque sur ce point le scénario de crise dans lequel Taïwan pourrait arrêter toutes ces importations et donc mettre à l’arrêt la plupart de nos industries européennes.
  • À la demande du conseil de l’Union européenne, la Commission demandera à tous les pays de l’Union de consacrer au moins 2% de leur PIB au secteur de la défense. Ce qui permettrait de générer environ 70 milliards d’euros de plus tous les ans dans ce domaine stratégique.
  • Dans le cadre du “Programme spatial européen”, la Commission souhaite développer une constellation de satellites souveraine pour assurer des communications cryptées – et basées sur le quantique – sur tout le territoire. Cet objectif reprend de l’importance après plusieurs cas de cyberattaques sur des satellites empêchant ainsi la couverture réseau de l’Ukraine.