Si la crise du Covid-19 a certes demandé aux équipes numériques de Schneider Electric des ajustements rapides et a mis le management de proximité sous une pression inégalée, le groupe était « prêt » à s’adapter aux exigences de l’entreprise connectée, d’après Sébastien Moussin.
Quelles ont été les principales contraintes posées par la crise du Covid-19 et au télétravail généralisé ?
Sébastien Moussin : Le premier défi a été d’assurer des connexions à distance sécurisées. Fort heureusement, nous étions prêts à cela : nous avions déjà les moyens de le faire avant la crise, même si c’était de façon beaucoup plus marginale. Il nous arrivait déjà de travailler de chez nous, chez un client, depuis un autre site ou un hôtel, par exemple.
Il a bien sûr fallu redimensionner notre solution de travail à distance en ajoutant très rapidement un nombre de licences suffisantes pour qu’elle puisse supporter un nombre de connexions simultanées jamais atteint auparavant. En deux jours, nous avons réussi à connecter la majorité de nos collaborateurs à distance.
Comme nous ne pouvions pas servir tout le monde en même temps, il a fallu aussi prioriser les besoins, en collaboration avec des représentants métiers et les ressources humaines pour certains métiers qui ne permettaient pas le télétravail, nous avons mis en place des solutions sanitaires adaptées sur site. Pour les autres, il a fallu équiper beaucoup de collaborateurs d’ordinateurs portables, par exemple. Sur les premières semaines, nous avons décidé de prioriser les métiers en contact avec les clients, c’est-à-dire ceux qui relèvent du service, du commerce et de la facturation.
A l’aune de la crise, le groupe Schneider Electric s’est-il davantage tourné vers l’entreprise connectée ?
En effet, avec la pandémie, Schneider Electric a effectué un virage vers le marketing digital. Comme tous les événements ont été annulés du jour au lendemain, toutes les activités marketing ont dû être dématérialisées, et le reste des services de l’entreprise a suivi. Il a fallu privilégier les outils de transferts de documents en ligne, les signatures électroniques ou les factures dématérialisées, par exemple.
Un changement plutôt positif, notamment pour le développement durable, l’un des chevaux de bataille du groupe.
Quant aux outils de collaboration, nous avions déjà l’usage de Teams avant la pandémie, bien que toutes les fonctionnalités n’étaient pas encore activées. Pour la visioconférence, nous utilisions encore Skype avant la pandémie. Nous avons rapidement basculé sur Teams. Sur l’ensemble des sites Schneider Electric d’Europe, l’adoption des outils de collaboration a grimpé de près de 20% en deux mois, notamment grâce au travail de nos 1 500 Champions digitaux.
Pour aller plus loin : Retour sur le workshop « Entreprise connectée & adaptabilité : quelles recettes pour préparer demain ? »
De quoi s’agit-il ? Qui sont ces Champions digitaux ?
Les Champions digitaux constituent une communauté d’employés métiers, hors des équipes informatiques de l’entreprise, que l’on anime sur trois niveaux – débutants, intermédiaires et experts – qui aident à accélérer l’adoption des outils digitaux en en expliquant l’usage et l’intérêt à nos autres collaborateurs.
D’après une étude du cabinet Gartner en 2019, une transformation digitale réussie est à imputer à 80% à l’humain et à 20% seulement aux outils technologiques.
Au départ, leur rôle principal était d’éclairer leurs collègues sur les solutions de la suite Microsoft Office 365, mais celui-ci s’est rapidement élargi et ils nous ont aussi permis de transmettre aux employés une liste de bonnes pratiques autour du télétravail, le bien-être au travail, le droit à la déconnexion, etc.
Avez-vous mis en place d’autres processus pour répondre aux besoins de vos collaborateurs ?
Oui, nous avons publié un guide du télétravail. Dès le début de la pandémie, notre équipe digitale de gestion du changement a très rapidement voulu se mettre en ordre de marche pour passer la crise et a lancé une foire aux questions (FAQ) sur le télétravail, collectées largement par nos Champions digitaux. En quelques semaines, cette FAQ s’est transformée en un guide sur le travail à distance avec des réponses synthétiques et simples à comprendre à destination de tous nos collaborateurs, dont certains n’avaient pas l’habitude du télétravail.
Nous nous sommes assurés que les informations clés étaient disponibles, sur la connexion à distance, les accès au support informatique, les règles d’usage des outils et de sécurité, de gestion de mot de passe, etc., et que les questions hors du commun d’avant-pandémie étaient répondues.
C’est un outil que nous continuons à utiliser aujourd’hui, que nous avons désormais fusionné avec notre guide de bienvenue, sur lequel on expliquait déjà aux employés le fonctionnement de quelques services de base.
Face à une demande de flexibilité croissante dans la connectivité, certaines entreprises ont permis à leurs collaborateurs d’utiliser leurs propres appareils pour travailler (Bring Your Own Device, ou BYOD). Est-ce le cas chez Schneider Electric ?
Oui, nous avons mis en place le BYOD, mais seulement pour les téléphones portables et à la demande de l’employé. S’il le souhaite, ce dernier peut avoir accès à une liste très limitée d’outils d’entreprises, notamment les solutions de collaboration (e-mails, Teams…).
De plus, cette pratique est très encadrée : le collaborateur doit signer une charte d’engagement sur l’utilisation de son téléphone – certains modèles de téléphones ne sont pas éligibles et certaines actions sont interdites – et nous ajoutons une couche de sécurité sur son appareil.
Le BYOD évite, dans une certaine mesure, la multiplication des terminaux, qui augmente inévitablement l’empreinte carbone. Mais, nous le savons, c’est aussi un grand débat parmi les entreprises, sur les risques de sécurité qu’il pose. Selon nous, le BYOD n’est pas la porte d’entrée à des failles de sécurité s’il est correctement mis en place.
Comment pensez-vous que les usages de l’entreprise connectée vont évoluer dans les prochaines années ?
Je pense que les usages de nos collaborateurs vont se rapprocher de la manière dont nous consommons dans notre vie quotidienne.
Exit les allocations de matériels accompagnées de leur lot de complexité administrative, par exemple, les collaborateurs voudront pouvoir commander un article plus facilement, sur une plateforme de prêt, et pour un usage bien précis et circonscrit dans le temps à la tâche pour laquelle ils en ont besoin.
Je crois aussi que l’on devrait devenir beaucoup plus agnostique concernant les heures de travail et adopter un modèle où les collaborateurs pourront travailler à l’heure qu’ils souhaitent, tant que les tâches sont effectuées en temps et en heure. Un modèle qui me permettrait de prendre deux heures dans l’après-midi pour faire du sport et les rattraper tard le soir si ça m’arrange.