Pour Jean-Marc Lazard, fondateur et CEO d’Opendatasoft, maitriser les dépenses énergétiques nécessite de connaitre leurs natures (où sont-elles dépensées, comment, par qui, à quel moment, etc.). La neutralité carbone, fixée à 2050, ne pourra être atteinte que si tous les acteurs de l’énergie partagent toutes ces données. Pratiqué déjà depuis plusieurs années en France, le partage de ces données arrive au Royaume-Uni avec la mise en place d’un portail d’open data énergétiques.
L’impact des activités humaines sur le réchauffement climatique ne fait plus débat. Vagues de chaleur, pluies torrentielles, cyclones, sécheresses, feux, tous ces phénomènes climatiques décuplés en nombre et en puissance sont aujourd’hui imputables aux émissions de CO2, générées par l’industrie, le bâtiment, et à celles du méthane, issues des activités agricoles.
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Selon le dernier rapport du GIEC, la température moyenne mondiale a atteint une élévation de 1,1°C sur la dernière décennie (2010-2020). Et, depuis quelque temps, les tristes records de température ou de catastrophes naturelles se succèdent.
La France : premier pays européen à s’être mis à l’open data énergétique
En 2015, année de la COP21, le gouvernement français publiait une loi (2015-992) fixant les grands objectifs d’un nouveau modèle énergétique français. Cette même année, Enedis devenait le premier distributeur d’électricité européen à proposer en open data des données énergétiques agrégées. Ainsi le réseau de distribution français mettait gratuitement à disposition de tous professionnels (fournisseurs d’énergie, experts, chercheurs, collectivités, prestataires de services, acteurs de la mobilité, associations) et particuliers, des données sur la consommation et la production énergétique quelle que soit la source d’énergie : nucléaire, charbon, hydraulique, éolien, solaire. Objectif : donner à tous les moyens de se saisir de ce sujet crucial en leur permettant de mettre en place des actions concrètes pour réaliser la transition énergétique.
Rapidement convaincus par cette démarche, de nombreux acteurs énergétiques français ont emboîté le pas. En 2017, GRTgaz, RTE et Teréga rejoints par l’AFGNV, Weathernews France, Elengy, Storengy et Dunkerque LNG ont lancé le Réseaux Énergies, afin de diffuser des données multi-énergies, multi-opérateurs et multi-réseaux. Car, plus la donnée est riche et variée, plus la compréhension des phénomènes est juste et plus les solutions développées pour répondre aux problématiques sont efficaces. Ces acteurs proposent non seulement de grandes quantités de données variées et qualifiées mais aussi des outils ergonomiques de comparaisons et d’analyses de données.
Le Royaume-Uni développe son premier portail d’open data énergétique avec UKPN
Ayant suivi les avancées notables de leurs homologues outre-manche, UK Power Networks, réseau de distribution électrique du Royaume-Uni (Londres, Sud-Est et Est de l’Angleterre) décide à son tour, en 2020, de s’engager dans une politique d’open data. Cette initiative lui permet non seulement d’anticiper la réglementation anglaise prévue en 2023, mais aussi de s’inscrire dans la démarche d’atteindre la neutralité carbone (Net Zéro) d’ici 2050. Un objectif préconisé par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), mais dont la concrétisation ne peut se faire sans le déploiement d’une stratégie d’open data.
Conscient de la dépendance intrinsèque entre la transition vers un réseau intelligent, nécessaire pour soutenir les objectifs de décarbonisation du secteur de l’énergie, et la publication de données visant à permettre le développement de nouveaux services, UKPN a mis en place un point d’accès unique pour ses données sur les réseaux et les actifs afin de faciliter cette transition.
Le portail actuel répond à 4 objectifs principaux :
– Fournir un accès direct et facile à un ensemble de données relatives aux actifs et aux réseaux de la communauté
– Faciliter la réutilisation et la republication des données sans en compromettre la sécurité et la confidentialité
– Augmenter la facilité d’utilisation via une interface intuitive et l’interopérabilité des données
– Développer et assurer une communauté de données ouvertes n’interagissant pas uniquement avec UKPN mais aussi entre elles pour partager des cas d’utilisation et promouvoir les meilleures pratiques dans l’utilisation des données énergétiques ouvertes.
Grâce à cette première pierre, UKPN engage sa communauté dans une activité durable qui doit se développer et évoluer au fur et à mesure que les exigences des différentes parties prenantes changent.
Pour aller encore plus loin et accélérer la compréhension des données ouvertes par le secteur de l’énergie britannique, UKPN souhaite développer et étendre ce projet à d’autres données en s’inspirant notamment des bonnes pratiques d’autres secteurs comme la banque et la finance. Pour ce faire, elle n’hésite pas à communiquer sur les bénéfices de l’open data et à tester et confronter ses idées à celles de ses pairs. Grâce au portail d’open data, l’entreprise a également pu comparer et prendre exemple sur d’autres acteurs européens.
Si jusqu’à récemment de nombreux fournisseurs d’énergies ont traîné des pieds pour ouvrir leurs données, craignant la perte d’un avantage concurrentiel, les impératifs de décarbonisation changent la donne. L’urgence climatique et les pressions gouvernementales les contraignent à se doter de plateformes technologiques pour permettre à leur écosystème ou à tout un chacun d’accéder à des données et de les exploiter à des fins de lutte contre le changement climatique. Sans cette connaissance et les insights associés à la réutilisation des données, les fournisseurs de solutions et les consommateurs ne peuvent agir de façon concrète et optimale pour réduire leur empreinte carbone. Se priver du partage de données, c’est retarder l’atteinte des objectifs de neutralité carbone en Europe !