On me demande souvent quelle différence existe entre les deux concepts que sont l’Open Banking et l’Open Finance, explique Emmanuel Méthivier, Catalyst, Business Program Director chez Axway. S’il devait résumer, il dirait que l’Open Finance aujourd’hui, c’est l’Open banking tel qu’il a été conceptualisé dans les années 2010.
Cette idée d’Open Banking, qui portait en elle le projet d’une ouverture complète et monétisable du « core banking system », a ensuite été dévoyée par les différentes régulations et ne désigne désormais plus qu’une contrainte réglementaire d’intégration technique.
Face à cette vision trop restrictive, le monde de la finance a conçu une nouvelle vision, l’Open Finance, en s’appuyant sur la force des API. Si l’évolution de l’Open Banking vers l’Open Finance semble inévitable, quels sont les enjeux derrière cette (r)évolution ?
Le consommateur, grand gagnant de l’Open Finance ?
L’explosion de l’Open Finance accompagne l’appropriation des API par un nombre croissant d’acteurs qui y trouvent, au-delà de l’intégration technique, une source pour de nouveaux revenus. En ouvrant la porte à de nouveaux business models avec leurs écosystèmes, les établissements bancaires se transforment progressivement en « marketplace » de services digitaux à travers lesquels ils engendrent de nouveaux gisements de valeurs.
A lire aussi : Boris Piquet (GoCardless) : « Les entreprises qui ne prennent pas le virage de l’open banking risquent de disparaître »
A court terme, cette évolution pourrait naturellement profiter au consommateur. Les services innovants proposés par les nouveaux acteurs de l’écosystème Fintech sont venus combler des écueils fonctionnels qui semblaient anachroniques aux yeux des clients, à l’image des services de paiement préhistoriques entre particuliers proposés par les grandes institutions ! Grâce à l’Open Finance, ces innovations ont commencé à s’appliquer largement à des domaines tels que l’épargne, le crédit, les assurances, les fonds d’investissement, etc.
L’évolution numérique a fini par détruire les positions les plus conservatrices des institutions financières, les obligeant, par là même, à s’engager dans une démarche d’ouverture de leur écosystème. Conscients de cette nécessité, certains établissements se sont engagés avec une réelle volonté d’en tirer un bénéfice commercial à terme, tout en faisant vivre un ensemble de Fintech qui n’est plus perçu comme concurrent, mais comme partenaire.
Si tout semble positif pour le consommateur à court terme, dans une optique à moyen et long terme, il convient toutefois de rester plus mesuré : une nouvelle concentration oligopolistique autour de quelques grands acteurs de platesformes régulées est toujours possible – et elle empêcherait alors le marché de jouer un rôle concurrentiel favorable au consommateur final.
Le futur de la banque passe-t-il forcément par la plateforme ?
Assurément, le futur de la banque repose sur cette vision de la plateforme de services digitaux, ou « marketplace digitale ». Les établissements bancaires qui ont été parmi les premiers à se positionner et initier des projets de marketplace possèdent aujourd’hui une longueur d’avance.
Pour parvenir à renforcer leur position sur un marché dynamique – qui pourrait à terme être amené à se concentrer – les banques doivent se pencher sur les problématiques suivantes :
- L’exposition de services « business » facilement utilisables par les écosystèmes : Documentation, simplicité d’accès et d’implémentation, facilité de tests et supports.
- La sécurité au sens large doit être repensée, dans un SI ouvert, en conjuguant deux priorités a priori antinomiques : la sécurité absolue des données du client et la simplicité des parcours ! C’est un véritable défi !
- Un modèle de monétisation directe ou indirecte, adossé à des outils de paiement standards.
- Un « portail » pour animer cette communauté.
- Dès le lancement, un ensemble de services avec une vraie valeur business pour les partenaires.
- Un engagement fort de l’écosystème jusqu’à la gouvernance des services exposés.
Ces pistes sont valables pour toutes les plateformes, bien entendu. Mais le sujet de la sécurité est particulièrement important pour des banques dont le business est bâti en premier lieu sur la confiance.
En effet, la plateformisation n’est pas une technologie en tant que telle. C’est une révolution plus business que technique. Pour en tirer profit, les établissements financiers doivent repenser la valeur d’intermédiation de service, entre d’un côté l’écosystème de partenaires et de l’autre, les clients. Désormais intermédiaires techniques et tiers de confiance, ils doivent tout à la fois maitriser de multiples technologies et sécuriser les données.
Or ces technologies de plateformisation toutes seules ne permettent en aucune manière de réaliser la transformation digitale du business d’une entreprise. D’autres technologies doivent être mises en œuvre pour améliorer les parcours sécurisés (comme par exemple le Machine Learning, pour simplifier et renforcer l’authentification). De la même manière, les fonctions de tiers de confiance technique et de simplification de monétisation tireront bénéfice des outils de blockchain.
Et toutes ces nouvelles technologies s’adossent, à la base, à des API bien construites. L’APIsation du système d’information est la clé de voute de cette évolution. C’est sur elle, et à travers elle, que reposeront les fondations qui permettront une intégration sans couture de toutes ces nouvelles technologies. Alors, même si la transformation n’est pas motivée par la technique, une parfaite maîtrise de ces nouvelles technologies constituera assurément un « plus » qui s’avèrera rapidement indispensable à la réussite de cette mutation.