Une étude récente de Mines Paris Tech souligne qu’à force de « tordre » ces outils asynchrones pour en faire des usages synchrones, l’explosion nous guette. Le numéro de « Repère » de septembre 2022, publié par la Chaire « Futurs de l’industrie et du travail » de Mines Paris Tech, est entièrement consacré à l’e-mail.
Dans « L’email est mort, vive l’email », Suzy Canivenc et Marie-Laure Cahier nous invitent à regarder un peu plus loin que le bout de notre… messagerie. « Après avoir révolutionné nos manières de travailler et de communiquer, l’e-mail est désormais décrié pour les effets négatifs qu’il occasionnerait. Cette mise en cause semble s’être amplifiée à la faveur de la crise sanitaire qui a accéléré le développement d’autres outils digitaux au sein des entreprises.
Mais la mise au pilori de l’e-mail n’est-elle pas l’arbre qui cache la forêt de dysfonctionnements plus profonds? La tendance est aujourd’hui à réduire les e-mails voire à les supprimer au profit de plateformes collaboratives qui tendent pourtant à reproduire les mêmes méfaits », soulignent les autrices.
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La première partie de l’étude porte sur l’email en lui-même, passant au crible les reproches qui lui sont faits. Parmi les problèmes directement liés à nos pratiques, notons celui-ci : « Si l’e-mail est typiquement un outil de communication asynchrone, il est le plus souvent dévoyé en dispositif synchrone. Une étude menée par des chercheurs de Yahoo Labs et l’Information Sciences Institute (ici), portant sur plus de 16 milliards de mails dans le cadre professionnel, a ainsi montré que le temps de réponse médian était de 47 minutes et le temps de réponse le plus fréquent de 2 minutes. »
Du côté des nouveaux outils collaboratifs, qui ont explosé à la faveur de la pandémie, la liste des promesses s’allonge : « accroître votre productivité », « simplifier le travail d’équipe », tout en travaillant « quand, où et comme vous le souhaitez », « gagner en concentration et en efficacité », « faciliter la collaboration en temps réel ou au rythme de chacun »…
Hélas, « plus ça change, plus c’est la même chose », constatent les autrices.
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« Les plateformes d’échanges collaboratives noient en effet très rapidement leurs utilisateurs sous un flot incontrôlé de canaux (Slack) ou d’équipes (Teams). Les mesures qui accompagnent le déploiement de ces outils omettent généralement d’insister sur la nécessité de supprimer les canaux au fur et à mesure de leur obsolescence. »
« Ces nouveaux outils, loin de se substituer aux précédents, se surajoutent les uns aux autres dans une accumulation en strates successives. Un phénomène qualifié de « millefeuilles » dans les milieux académiques où plusieurs recherches ont montré que les réunions n’étaient pas remplacées par les mails, qui eux-mêmes n’étaient pas remplacés par les réseaux sociaux d’entreprise, qui eux-mêmes ne sont pas remplacés par les plateformes collaboratives. »
Et, pendant ce temps, la pile d’emails ne diminue pas. Elle augmente même, puisque certains outils envoient automatiquement des emails à chaque notification reçue…. et que les employés eux-mêmes ont tendance à doubler un message dans Teams par un email !
En conclusion, et que ce soit pour les mails ou les outils collaboratifs, l’étude insiste sur « la revalorisation de la communication asynchrone »
« Il est nécessaire de lutter en permanence contre la tentation de transformer des outils conçus pour l’asynchrone en dispositifs synchrones. Les pratiques asynchrones dépendent moins des outils que d’une culture organisationnelle propice, soutenant par exemple les horaires flexibles, les temps décalés et le respect de plages horaires dédiées à la concentration. »
L’étude complète (avec cas d’usage) est à consulter ici.