La fédération des infrastructures numériques, qui fête ses 10 ans en décembre, est confrontée à un double défi : gérer les difficultés techniques du quotidien tout en organisant la pérennité et résilience du réseau de fibre optique.
Alors que la fédération des infrastructures numériques va fêter ses dix ans en décembre, quelques mois avant le Plan France Très Haut Débit qui soufflera ses dix bougies au printemps 2023, la voilà confrontée à un double défi : celui d’organiser les actions impérieuses pour la pérennité et la résilience du réseau de fibre optique et celui de gérer les difficultés de la filière au quotidien, provoquées par les crises multiples et les problèmes de qualité des raccordements finaux.
A lire aussi : Les risques face à un déficit de « confiance numérique »
Sur la question de la pérennité du réseau, Hervé Rasclard, délégué général d’InfraNum, qu’Alliancy a rencontré à l’Université du très haut débit* à Toulouse, début octobre, a de quoi se réjouir. Durant le grand rendez-vous annuel de la filière, un accord a été signé entre la Haute Garonne et la Banque des Territoires pour la réalisation d’une étude dans le cadre de la mise en place d’un schéma départemental de résilience du réseau FTTH. La Haute Garonne est déjà fibrée à 90 % et le déploiement devrait être terminé à la fin de l’année.
« C’est le premier département à signer un accord de financement avec la Banque des Territoires, mais d’autres sont en train de se positionner, nous a confié Hervé Rasclard. La Gironde va lancer son schéma de résilience tout comme la Corse ou encore l’Hérault. Nous sommes satisfaits de ce mouvement vers la prise en charge de ce dossier. Le réseau fibre optique est devenu un réseau essentiel au même titre que l’énergie, l’électricité et l’eau. Même s’il n’est pas urgent d’y réinvestir, il faut faire en sorte que dans les années à venir, on puisse relever le défi et disposer d’un réseau de fibre résilient et durable partout sur le territoire, d’autant qu’il sera utilisé par tous les secteurs d’activité ». Et d’autant plus que la fermeture du réseau cuivre se profile à l’horizon et devrait être complète en 2030.
La pérennité du réseau : un chantier collectif
En juin dernier, InfraNum a présenté une étude, également réalisée avec la Banque des Territoires, sur les risques associés au réseau et les pistes d’actions possibles pour en assurer la résilience. « Son objectif était de montrer notre responsabilité collective dans la mise en place dans les années à venir d’un beau budget de réinvestissement pour assurer sa durabilité et sa résilience, nous a expliqué Hervé Rasclard.
A contrario du cuivre, il n’y a pas un seul réseau et un seul opérateur, mais une multitude d’opérateurs, une multitude de propriétaires de ces réseaux à travers les délégations de service public. C’est pour cela que l’on parle bien de chantier collectif ». InfraNum préconise un plan national de résilience dont le coût se chiffre en milliards d’euros.
« Plan national ne veut pas dire que c’est l’Etat qui doit faire, a précisé le délégué général. L’étude a été menée pour tenter de mesurer l’ampleur de ce plan. Nous sommes maintenant sur le chemin de la construction d’une méthode pour le réaliser. Tout est possible : soit on trouve des mécanismes pour le mener au niveau national, soit ça peut être, comme les réseaux d’initiative publique, une succession de plans ».
« Passer l’hiver » face aux crises diverses
Sur les perspectives à court terme, l’ambiance était nettement moins au satisfecit durant l’Université du THD. La filière est en effet confrontée depuis plusieurs années à des problèmes de raccordement des utilisateurs, liés au mode Stoc. Celui-ci permet aux opérateurs commerciaux (OC), auxquels les opérateurs d’infrastructures (OI) ont concédé la tâche, de sous-traiter le travail. Les OC pouvant être amenés à confier ces raccordements à des prestataires, il a découlé de cette sous-traitance en cascade de telles malfaçons qu’InfraNnum a été contraint de prendre un certain nombre de mesures.
Philippe Le Grand, président de la fédération, les a rappelées lors de l’Université. « Le plan qualité de la filière, dont les contours ont été esquissés en juin au colloque de l’Avicca, s’est matérialisé, en concertation avec la filière, par un document de cadrage qui comprend quatre axes : la labellisation des entreprises intervenantes, le contrôle des interventions grâce au partage des plannings, le compte rendu d’intervention comme élément contractuel entre l’opérateur d’infrastructures et l’opérateur commercial et enfin, la reprise des points de mutualisation aujourd’hui inexploitables ».
Le président d’InfraNum l’a concédé, ce plan ne résoudra pas dans l’immédiat tous les problèmes mais sa vocation est d’aller dans ce sens. « Il est cohérent parce qu’il est accompagné d’une revalorisation de la filière, a-t-il affirmé. La crise que nous traversons actuellement met en difficulté certaines entreprises et nous devons les soutenir. La chaîne de sous-traitance souffre et elle a besoin d’être accompagnée et mieux rémunérée ». Il a profité de l’Université du THD pour lancer un appel à l’aide au gouvernement, afin de « passer l’hiver ». Un S.O.S entendu par le ministre délégué de la transition numérique et des télécoms, Jean-Noël Barrot, présent à l’Université. Le ministre a proposé la tenue d’un groupe de travail qui doit rendre ses recommandations d’ici la fin de l’année.
Vers une loi coercitive ?
Sur la résolution des dommages du mode Stoc, Patrick Chaize, président de l’Avicca et sénateur de l’Ain, s’est nettement montré moins confiant. « Les intentions sont là mais elles l’étaient déjà il y a six mois, un an, deux ans, et on a pas transformé l’essai, a-t-il constaté. Aujourd’hui, nous n’avons plus le choix, il faut absolument le transformer et je crois qu’il ne faut pas minimiser la tâche ». Le sénateur, se faisant le porte-parole du ras-le-bol des collectivités concernées, a déposé en juillet dernier une proposition de loi visant à contraindre les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants à garantir la qualité des raccordements réalisés jusqu’à l’abonné tout en évitant les dégradations quotidiennes constatées sur les équipements de réseaux optiques. Déjà signée par plus de 130 sénateurs et sénatrices, elle devrait être prochainement discutée en séance publique.
* Co-organisée par InfraNum, IdealCo et l’Avicca