Partie d’une feuille blanche sur la thématique du numérique responsable, la SNCF a posé depuis trois ans différents jalons. Inventaires et bilans carbone, sensibilisation des collaborateurs, rationalisation des infrastructures IT… Xavier Verne nous détaille les principales actions entreprises.
En tant que directeur du Numérique Responsable de la SNCF, quel est votre périmètre ?
Je suis en charge du numérique responsable à la direction du numérique, qui est la direction informatique transverse à la SNCF. Je contribue par ailleurs activement aux travaux du Shift Project.
Il y a trois ans, quand la SNCF a décidé de s’emparer de la thématique du numérique responsable, nous sommes partis d’une feuille blanche. Nous avons démarré avec des actions orientées « green IT ». Nous possédons en effet notre propre réseau de fibre optique et un parc de matériels informatiques de tous les âges et de toutes les technologies, réparti un peu partout où la SNCF intervient, à savoir dans nos centres de maintenance, en gare, le long des voies…
Nous avons commencé par réaliser un important travail d’inventaire et de bilan carbone afin de créer une référence « T0 » et identifier les leviers d’action. Les terminaux représentent 50 % de notre bilan carbone informatique. Nous avons ainsi créé de nombreux outils de sensibilisation, comme des MOOC, des sessions d’e-learning, des conférences, des documents comme « Les 10 écogestes prioritaires », organisé des fresques du Numérique… Nous sommes intervenus des dizaines de fois dans l’objectif de sensibiliser les 150 000 collaborateurs de la SNCF. En 2022 nous aurons par exemple sensibilisé 4 500 personnes.
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Qu’en est-il de la partie « numérique » de la SNCF ?
Actuellement, nous poursuivons la montée en compétences sur les bonnes pratiques numériques responsables, qui cible les 4 000 informaticiens de la SNCF : ce sont de nouveaux réflexes à acquérir, qui ne visent pas uniquement la performance pure, mais également les impacts environnementaux. Nous avons choisi de traiter ce sujet par la thématique de l’écoconception en commençant par sensibiliser les collaborateurs et accompagner une cinquantaine de projets volontaires. Nous ambitionnons de passer à une centaine de projets dans les prochains mois.
À titre d’exemple, si vous changez les PDA des contrôleurs à bord des trains, cela aura beaucoup plus d’impact matériel que d’optimiser l’IHM d’administration des applications qui tournent dessus À l’inverse, pour certains projets avec des traitements Big Data, l’empreinte carbone et la consommation électrique se situent côté serveurs (stockage et calcul).
Un autre sujet fédérateur auprès des utilisateurs est le tri des e-mails, afin de réduire le volume de leur stockage. Même si l’impact carbone de ces actions est faible, nous prenons très au sérieux cette attente des collaborateurs et leur avons fourni un module e-learning et une application. C’est une bonne manière de rentrer sur le sujet, avec ses actions du quotidien. Nous les sensibilisons aussi aux autres actions qu’ils peuvent entreprendre, notamment celles qui concernent l’allongement de la durée de vie des terminaux. Nous leur conseillons par exemple d’acheter une coque de protection pour leur smartphone, disponible au contrat-cadre ou de faire réparer le clavier de leur ordinateur si une touche est défectueuse.
Progressivement, cela nous fait basculer vers des gestes utilisateurs qui ont davantage d’impact. Nous avons d’ailleurs décidé de systématiser cette approche. Nous allons par exemple lancer en 2023 une application qui s’appelle « Mon e-carbone ». Elle permet d’obtenir, pour chaque utilisateur en fonction de son matériel, les impacts environnementaux pour ses usages digitaux courants. Par ailleurs, l’application se connecte à Office 365, plus précisément à OneDrive et Outlook, et propose des scripts de nettoyage des e-mails et des fichiers. Les utilisateurs peuvent ainsi supprimer des newsletters expirées depuis plusieurs années, des e-mails contenant des pièces jointes volumineuses et des fichiers en double dans leur espace de stockage.
D’autres leviers majeurs se situent côté serveur, dans l’exploitation de nos datacenters ou ceux de nos hébergeurs, et via les logiciels que nous utilisons.
Comment abordez-vous la thématique « IT for Green » ?
Dans le périmètre « numérique responsable » de la SNCF, nous donnons également de la visibilité à des projets « IT for Green » dont l’objectif est de nous permettre de réaliser des économies. Je ne dirais pas que nous y mettons moins d’énergie que sur le Green IT, mais le levier financier facilite l’accélération sur le sujet, ce qui n’est pas toujours le cas avec le Green IT où il reste un certain nombre de messages à faire passer et des montées en compétences à réaliser.
Chez nous, les projets « IT for Green » se concrétisent notamment par la rationalisation de nos infrastructures, via une migration vers le cloud AWS et Azure. Nous avons dans ce cadre systématisé les tableaux de bord FinOps afin de vérifier que nos consommations Cloud ne dérivaient pas par effet rebond. Ces actions se sont avérées décisives au moment de la sobriété énergétique, car cela va directement impacter nos coûts et les consommations d’électricité associées.
En tant qu’acteur public, comment la SNCF prend-elle sa part de responsabilité sur le « numérique responsable » ?
En tant qu’acteur public, la SNCF prend sa part de responsabilité sur l’ensemble de ces sujets. Cela passe notamment par la commande publique. Quand nous passons commande de smartphones, ce sont 30 000 ou 40 000 terminaux d’un coup qui peuvent être concernés. C’est la raison pour laquelle les critères RSE sont très présents dans nos achats IT, ils représentent 20 % de la notation lors des appels d’offres. Un message à nos partenaires : « ces attentes sont là pour durer, les fournisseurs qui « qui nous ressemblent », c’est-à-dire qui sont sincères sur leur bilan carbone et mettent en oeuvre une trajectoire de réduction des impacts environnementaux de leur business seront clairement privilégiés ».
Nous avons d’ailleurs lancé une offre de BYOD – Bring Your Own Device – pour nos prestataires : nous ne leur fournissons plus systématiquement un PC, nous mutualisons les licences Office 365 lorsqu’ils en ont déjà une. Il y a un volet économique mais nous parlons de 10 000 PC avec un impact environnemental non négligeable.
Nous nous impliquons également dans diverses contributions, autour notamment des travaux sur la stratégie de sobriété énergétique du CIGREF ou du référentiel d’écoconception de la DINUM. Nous essayons de contribuer à des démarches collectives et de reverser à la communauté open source certains de nos projets, dans une démarche de partage d’outils et de bonnes pratiques.