Au sein de l’industriel Safran, la valorisation de la donnée est pensée pour couvrir tout le spectre de l’industrie 4.0. Des dizaines de cas d’usage sont en cours. Ils portent notamment sur la décarbonation.
A chaque entreprise sa propre organisation Data, avec un rattachement ou non à la DSI. Chez Safran, l’équipe Data, ou Core Team Data 4.0, est ainsi embarquée dans la direction du digital et des systèmes d’information. Cette appellation vise à aligner les enjeux liés aux données sur ceux de transformation industrielle du groupe.
“Le terme Data 4.0 est en écho au manufacturing 4.0, quatrième vague de la révolution industrielle et nous différencie des approches classiques de traitement des données de type business intelligence”, justifie le Chief Data Officer groupe, Christophe Hesters.
3 priorités stratégiques : décarbonation, souveraineté et digital
En matière de cas d’usage, le CDO en revendique des “dizaines en cours”, dont Optiénergie développé au sein de la filiale Safran Helicopters Engines, qui conçoit, produit et maintient des moteurs d’hélicoptères. Le projet se veut “emblématique de la Data 4.0.”
Optiénergie, c’est donc un outil de gestion de la performance énergétique basé sur l’analyse de la data. Pensée dès le départ pour un déploiement à l’échelle, la solution sera dans un premier temps déployée sur les sites français de Safran HE. Pour mieux piloter sa consommation d’énergie, l’industriel a donc mis au point des “indicateurs prédictifs”.
Sa conception repose sur une centralisation initiale des données de supervision GTC des principaux sites industriels. Le système de supervision collecte 25.000 points de données. Pour leur traitement, Safran HE s’appuie sur une plateforme Data interne, Sharp, “conçue pour permettre un travail en mode collaboratif et en self-service.”
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Pour l’optimisation énergétique, Sharp a donc été exploité pour “mettre en place toutes les chaînes d’acquisition de données, notamment des données de capteurs, de les mettre en forme et de les stocker au sein” du data lake. Les données sont ensuite restituées au sein d’une application cloud.
Encore en phase d’implémentation, Optiénergie s’inscrit dans la démarche de sobriété énergétique de l’entreprise et de réduction des émissions de C02. Lors des Assises de la Data Transformation à Bercy, les grandes entreprises, dont Carrefour, ont systématiquement mis en avant leurs projets Data en matière de RSE.
Ces initiatives ne sont toutefois pas les plus abouties. Elles répondent néanmoins à des enjeux stratégiques chez Safran, assure Frédéric Verger, directeur groupe du Digital et des Systèmes d’information. Il rappelle que le directeur général Olivier Andriès a fixé trois priorités : décarbonation, souveraineté et digital. Ainsi, Optiénergie “coche deux cases”.
La Data au coeur de l’ingénierie, de la production et de la maintenance
Plus largement, la Data constitue “un levier majeur” pour la transformation de l’entreprise sur trois de ses cœurs de métier : l’ingénierie, la production (40.000 salariés et 230 sites) et les services & le support (15% de l’effectif mondial). Les enjeux sur chacune de ces activités sont différents cependant.
Sur l’ingénierie, il s’agit d’accélérer et réussir les développements dans un domaine ou la création d’une nouvelle génération de moteur d’avion nécessite de 12 à 15 ans. Sur le manufacturing, la priorité va à la productivité et à la fiabilité des processus et composants. En matière de support, la Data doit cette fois aider à améliorer la satisfaction client, à créer de nouveaux services et à accroître la productivité.
Afin de conduire ses projets de transformation digitale sur les trois axes, Safran compte 450 personnes. Elles sont associées à des équipes Data 4.0, qui englobent au total elles aussi 450 membres. En termes de plateforme, l’industriel exploite un modèle hybride avec de l’on-premise et du cloud (AWS). Pour la gouvernance, le framework mobilisé est le DAMA.
En termes de projets concrets, ces ressources nourrissent par exemple, sur l’ingénierie, un rapprochement des données de simulation et de test “afin d’optimiser le design de nos produits.”
Sur le manufacturing, data et IA interviennent notamment sur le paramétrage des machines. L’usinage d’une pièce complexe peut nécessiter le réglage de 400 paramètres. Ces réglages sont optimisés grâce aux résultats constatés sur les pièces. La data entre aussi dans les contrôles qualité non destructifs. Un tel contrôle peut consister à chauffer une pièce et à examiner les photos de son refroidissement en infrarouge via de la computer vision et du machine learning.
En ce qui concerne les services et la maintenance, le DSI de Safran rappelle que tous les équipements sont aujourd’hui connectés et captent donc des données. L’exploitation de ces données IoT peut consister en de la maintenance prédictive et du “health monitoring.” En outre, “cela nous amène à proposer des services premium afin de minimiser les cycles de maintenance et donc l’immobilisation d’un appareil”, cite Frédéric Verger.
Pas de transformation sans compétences : upskilling et reskilling
Pour développer ces usages des données, Safran a comme ses concurrents et les autres grands groupes des enjeux forts de compétences. Pour ses experts de la Data (Data analystes, ingénieurs, scientist…), l’industriel a mis en place des parcours de formation “définis et structurés”. De durées variables, ces parcours peuvent aboutir à des certifications et même des diplômes.
Pour Anne Farah, DRH de la Transformation Digitale et de la filière Digitale, un plan de transformation ne peut cependant reposer sur des actions ciblant uniquement “les profils data purs. On a aussi un enjeu d’acculturation avec la volonté de toucher un maximum de collaborateurs.”
Depuis 2022, Safran dispose donc d’une plateforme d’e-learning ou Digital Academy. 14.000 modules de formation ont été réalisés l’année dernière sur les grandes tendances du digital. L’Academy compte en outre 7000 modules sur la seule thématique de la Data et de l’IA
L’upskilling est un levier d’action en matière de montée en compétence, comme l’est aussi le reskilling. Safran forme ainsi des collaborateurs au métier de data ingénieur. En 2023, l’entreprise prévoit la mise en place d’un second parcours, celui de data architecte, “un autre profil, comme le data ingénieur, très recherché actuellement sur le marché.”
Mais avant de former ou reskiller, insiste Anne Farah, la première étape a visé à faire connaître les métiers de la data, “finalement pas si connus”. L’équipe RH a communiqué en interne sur ces métiers via des publications et la réalisation de portraits métiers. Elle a aussi créé des modules dédiés à la présentation de ces métiers pour la Digital Academy.
Enfin, Safran a recours à des recrutements. En 2022, sur la Data et le SI en France, 400 entrées ont été comptabilisées. L’entreprise table sur un résultat similaire en 2023. La DRH ne précise pas le nombre de sorties sur ces mêmes métiers. Car dans ce domaine, la concurrence est féroce et internationale, et les talents volatils.