La commission Smart de la fédération InfraNum a lancé une série d’actions pour favoriser le déploiement des projets de territoires connectés et durables et pour favoriser l’acculturation des industriels et des collectivités sur les enjeux de leur mise en œuvre. Rencontre avec Bertrand Blaise, président de la commission.
Alliancy. Quel a été l’élément fondateur de la commission Smart ?
Bertrand Blaise. L’étude Pipame, « De la smart city à la réalité des territoires connectés. L’émergence d’un modèle français ? », réalisée en 2021 à la demande de la Direction Générale des Entreprises et du Comité Stratégique de Filière « Infrastructures Numériques », a été fondatrice. Elle avait pour but d’élaborer un diagnostic des initiatives existantes et de construire une vision commune des territoires intelligents.
Elle nous a fourni un premier état des lieux et de l’acculturation des collectivités locales et a permis d’identifier les écueils et les freins. En amont de l’étude, la commission a posé les premiers jalons d’une définition commune du territoire connecté et durable comme étant un territoire mettant en oeuvre des projets qui reposent sur une infrastructure utilisant la donnée pour créer de nouveaux services.
Qu’est-il ressorti de l’étude ?
Bertrand Blaise. L’existence de grands projets fondateurs comme ceux d’Angers et de Dijon, qui sont un peu comme les éléphants blancs, mais qui ont permis à un territoire de se lancer. D’un autre côté, on a constaté la forte demande d’autres territoires, plutôt des petites communes, pour lesquels il est très compliqué de démarrer parce qu’il est très difficile d’avoir avoir une multicompétence dans une collectivité en dessous de 20 000 habitants. On s’est aussi aperçu que souvent, l’approche se faisait brique par brique du fait que sur un même territoire, à un kilomètre de distance, les demandes des collectivités pouvaient être différentes. A partir de cette étude, nous avons lancé un certain nombre de groupes de travail sur les années 2022 et 2023 (voir encadré ci-dessous).
Quels sont ces groupes de travail et comment sont restitués leurs travaux?
Bertrand Blaise. Le premier groupe de travail s’est penché sur l’élaboration d’une définition partagée d’un projet de territoire connecté durable. Le deuxième a eu pour rôle de déterminer les pré-requis d’un projet de smart territoire : ses résultats doivent être mesurables et quantifiables et amener des externalités positives, c’est-à-dire des retours, sur investissement, mais pas uniquement. Également des retours environnementaux, des retours sur l’inclusivité des citoyens et des bénéfices politiques. Le troisième groupe de travail a défini la méthodologie pour rendre pérenne un projet de territoire connecté et durable en partant de l’élaboration du cahier des charges.
Nous avons donc travaillé en 2022 sur une sorte d’abécédaire des bonnes pratiques et continué ces travaux cette année dans le cadre d’ateliers sur des thématiques plus pointues comme « pourquoi la 5G versus le LoRa » ou encore « la cybersécurité dans les projets »… Tous les travaux de la commission seront rendus publics dans des livrables, soient sous forme de fiches mémo, soit de fiches de synthèse, qui seront accessibles dans le centre de ressources mutualisé du nouveau site web d’InfraNum, prévu pour la rentrée de septembre. Ils viennent nourrir le Comité Stratégique de Filière « Infrastructures Numériques », qui est coordonné sous mandat par la DGE.
La Vigie des Territoires, intégrée en 2022 dans votre Observatoire du très haut débit annuel, devient cette année un Observatoire à part. En quoi consiste-t-il exactement ?
Bertrand Blaise. L’Observatoire Smart des Territoires Durables et Connectés, qui sera publié en novembre, dressera un état de l’art des différents projets, deux ans après l’étude PIPAME. Il analysera les besoins réels par typologie de territoire, dressera un état des lieux des plate-formes de données en fonction des besoins adressés, et enfin, donnera une vision à date de la structuration des projets sur les territoires. L’Observatoire sera réalisé en collaboration avec la FNCCR (fédération nationale des collectivités concédantes et des régies) et la Banque des Territoires. Le consortium qui effectuera l’étude est composé d’Artelia, INLO Avocats et KPMG.
Ces territoires connectés, voilà des années qu’on en parle, mais on a l’impression que les projets ne dépassent que rarement le stade de l’expérimentation, et qu’il n’y a jamais de passage à l’échelle…
Bertrand Blaise. C’était encore exactement le panorama il y a deux ans. Quelques projets de grande ampleur, à Angers à Dijon ou récemment à Chalon, sont auto financés dès le début car développés pour résoudre des problèmes d’optimisation de la performance énergétique ou de l’éclairage. Ils ont du sens mais sont très longs à monter et ne sont pas forcement réplicables. Par-contre, nombre de petits projets étaient plutôt des démonstrateurs ou des POC (Proof Of Concept) et ne sont pas passés à l’échelle pour différentes raisons : certains des premiers projets ont servi à faire de l’évaluation des technologies ou à démontrer des usages sans une programmation avec des externalités positives dans la durée. Ou encore, il s’est révélé complexe d’incrémenter différents usages et solutions entre les projets alors qu’un seuil critique de 20 000 habitants était nécessaire pour avoir une capacité de pilotage projet suffisante en interne. Enfin, les projets passés à l’échelle sont souvent des projets d’agglomérations ou de départements via des structures de mutualisation.
Les choses sont en train de changer, on le constate à travers des projets autour par exemple du Sipperec. Ce syndicat numérique met à disposition des collectivités tout un socle de solutions et d’applicatifs métier à la carte, qui sont interopérables et scalables. La ville d’Asnières en est un bel exemple. Grâce à ce tiers de confiance, elle a mis en place des solutions de parking connecté, de vidéoprotection, de mesure de la qualité d’air, de comptage de vélos pour adapter les pistes cyclables … Le syndicat mixte ouvert Seine-et-Yvelines Numérique fait de même pour les villes de ses départements.
Certains projets ne rencontrent-ils pas malgré tout des problèmes de financement ?
Bertrand Blaise. C’est exact et c’est la raison pour laquelle, afin de ne pas créer un clivage territorial, une mission a été confiée en mars par Jean-Noël Barrot et Dominique Faure à Valérie Nouvel, vice- présidente du département de la Manche et Carlos Moreno, professeur à l’Université Paris-Sorbonne et expert des villes et territoires de demain, dans le cadre du renouvellement du contrat de filière.
Sa vocation est de structurer l’offre souveraine et de la rendre lisible et adaptée aux besoins des collectivités encore éloignées du sujet ou à la recherche de solutions localement pertinentes et pérennes. Les chargés de mission vont réaliser d’ici la rentrée un état des lieux des projets qui marchent et de ceux qui ne fonctionnent pas. Ils établiront ensuite des recommandations pour donner aux projets de territoires connectés et durables, qui ont des perspectives de gains financiers, socio-économiques et environnementaux, l’étincelle qui leur manque.
Les groupes de travail de la commission Smart
GT 2022 :
- Définition d’un projet territoire connecté et comment l’initier
- Quels résultats en attendre
- Comment assurer la pérennité d’un projet /Cf cahier des charges
GT 2023/GT opérationnels :
- Interopérabilité
- Sobriété
- Sécurité
- Technologie radio IoT
- IA
GT 2023/GT stratégiques :
- État des lieux des modèles économiques et contractuels
- Avec quel schéma directeur initier un projet ? quel contenu ?