Comment redéfinir une politique de contribution globale positive des entreprises à la société ? Des réponses directement inspirées du livre intitulé « L’entreprise contributive. Comment concilier monde des affaires et limites planétaires ».
Selon une étude publiée dans la revue Nature, sept des huit limites assurant la stabilité et la bonne santé du système planétaire ont déjà été dépassées. Et selon une autre étude, publiée par l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), la concentration de CO2 dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevée sur Terre depuis quatre millions d’années.
« Le diagnostic est sans appel, l’humanité vit au-dessus de ses moyens. D’abord financiers, si on en juge par l’endettement privé et public, de la majorité des pays. Mais surtout, sur le front de l’utilisation des ressources naturelles nécessaires au fonctionnement d’une économie mondialisée, prédatrice du vivant et incompatible avec les écosystèmes dont nous dépendons pour vivre », écrivent Fabrice Bonnifet, Directeur du développement durable du Groupe Bouygues et Céline Puff Ardichvili, Directrice générale de Look Sharp PR, tous deux auteurs du livre « L’entreprise contributive. Comment concilier monde des affaires et limites planétaires » (Dunod).
Dans cet ouvrage, les deux experts des questions environnementales donnent des pistes pour redéfinir une politique de contribution globale positive des entreprises à la société. Ils fondent leur démonstration sur cinq grands piliers.
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L’alignement sur les faits scientifiques
Le premier de ces piliers est l’alignement sur les faits scientifiques. Qu’est-ce à dire précisément ? Tout simplement que le concept même d’entreprise contributive repose sur le respect des informations, études et données fournies par les chercheurs, notamment ceux du GIEC.
Les auteurs du livre rappellent à ce titre que « le climat et la biodiversité sont régis par des principes physiques. Ce sont eux qui vont conditionner la pérennité de votre business et donc sa compétitivité, pas l’inverse. À l’entreprise de respecter sa trajectoire climat dans l’univers des possibles de son modèle d’affaires ».
Cela signifie par exemple que la métrique de la performance économique n’intègre pas le coût réel des matières premières et des services rendus par la nature. Le coût environnemental des techniques d’extraction par fracturation hydraulique, par exemple, n’est jamais pris en compte et pourtant, il y aurait de nombreuses raisons de prendre en considération ces externalités négatives. Cela veut dire également que nous nous berçons d’illusions quant à l’importance des stocks disponibles et facilement accessibles.
La raison d’être au service du bien commun
Selon les auteurs du livre, « l’ambition de la raison d’être de l’entreprise contributive dépend en grande partie de sa gouvernance, c’est-à-dire la manière dont elle est dirigée. L’entreprise ne deviendra contributive que si son état-major, à commencer par son principal dirigeant, en a vraiment envie ».
Seule une concertation sincère avec l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise peut faire émerger des solutions originales qu’aucune autre forme de négociation classique ne permettrait d’obtenir.
Deux questions fondamentales doivent être posées selon Fabrice Bonnifet et Céline Puff Ardichvili. La première est la suivante : « Que manquerait-il au monde si l’entreprise n’existait pas ? » La réponse concerne directement les externalités positives de l’entreprise. La deuxième question est : « Qu’est-ce qui irait mieux si l’entreprise n’existait pas ? » L’enjeu est ici d’identifier les externalités négatives.
Définir une raison d’être sincère requiert de procéder à des arbitrages, comme mettre un terme à l’importation de certaines matières premières (huile de palme) ou renoncer à des produits incompatibles avec le principe de sobriété (comme les SUV). « Les renoncements constituent certainement la meilleure preuve de l’engagement sincère des dirigeants. C’est aussi celle qui requiert le plus de courage », affirment les auteurs.
Le modèle d’affaire contributif
Pour devenir réellement durable, les entreprises ne pourront pas se contenter d’ajustements « à la marge ». Pour respecter l’Accord de Paris, les objectifs de réduction des émissions de CO2 sont de 50 % d’ici 2030, pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. On en est encore très loin.
« Les entreprises doivent viser des ruptures. Pour cela, elles devront procéder à des changements structurels et s’organiser autour d’un modèle économique régénératif radicalement nouveau. Il doit affirmer la possibilité de développer une relation symbiotique (donc de croissance mutuelle) entre des écosystèmes naturels prospères et une activité humaine intense, et ce, dans tous les domaines de l’économie », rappellent les auteurs.
Pour mener à bien ces ruptures, les dirigeants devront s’attaquer au cœur de leur réacteur : leur modèle d’affaire. Les réflexions qu’ils mèneront impacteront leur mode de financement, leur actionnariat, leur proposition de valeur, leurs canaux de commercialisation, les segments de clientèle visée, leurs partenaires et fournisseurs stratégiques et les ressources nécessaires à l’élaboration des livrables.
Le système de management par la valeur perçue
Le management par la valeur perçue consiste à faire en sorte que les pratiques d’une entreprise contributive puissent être appréciées à leur juste valeur par tous, de manière transparente. Il faut pour cela opérer un type de management guidé par la valeur générée par l’entreprise au profit de son écosystème
« Oui, nous allons avoir besoin de principes et d’un mode d’emploi, pour réellement peser sur la transformation des modèles », notent les auteurs.
Les principes propres à l’entreprise contributive sont la confiance et le respect, l’innovation, la sobriété et la frugalité, ainsi que l’amélioration continue des processus. L’implémentation de ces principes ne peut venir que du management.
La valorisation de l’immatériel
Selon Fabrice Bonnifet et Céline Puff Ardichvili, la notion de valeur (pour l’entreprise, ses clients et ses actionnaires) est à redéfinir d’urgence.
« L’entreprise peut-elle être un commun mieux partagé par les parties prenantes éligibles ? Autrement dit, pourrait-on enfin reconnaître que les impacts globaux de l’entreprise font sa valeur, positive ou négative, et ce, pour tous ses acteurs internes et externes ? », questionnent les auteurs.
La notion de valeur qui serait adaptée à l’entreprise contributive serait celle de la valeur étendue. « Cette appellation de la valeur propre aux entreprises contributives serait celle de l’émergence d’un nouveau modèle de développement bio-inspiré et décarboné, conçu pour combler les clients, tout en améliorant le mieux-vivre ensemble des parties prenantes au service du bien commun », concluent les auteurs.