Ce fonds d’investissement lance régulièrement des start-up, uniquement pour répondre aux enjeux de l’industrie 4.0. Son objectif ? Disposer à terme d’un portfolio des meilleures solutions en Europe et dans le monde, soit en créant ou en investissement dans de jeunes pépites. Entretien.
Début juillet, Juno a levé 3 millions d’euros auprès de Digital Venture de Bpifrance, MAIF Avenir et OSS Ventures ainsi que des Business Angels experts de l’industrie. Cette start-up de l’industrie 4.0, fondée il y a un an par OSS Ventures, digitalise les processus opérationnels des usines en Europe et leur permet une traçabilité complète et en temps réel des données terrain grâce à une solution en mode Saas dédiée au pilotage des opérations industrielles. Un tour de table qui va lui permettre de recruter, de développer de nouvelles fonctionnalités (machine learning, IA) et de s’étendre à l’international.
L’originalité de Juno ? Elle a été créée il y a un an par OSS Ventures, un fonds d’investissement également start-up studio, spécialisé dans l’industrie du futur. Une double activité lancée en 2019 par Renan Devillières, CEO, aux côtés de Michaël Valentin et Charles Bouygues.
Lire aussi sur Alliancy : Avec l’IA, le groupe Eramet relève à la fois ses défis environnementaux et de production
Ancien directeur d’usine, puis fondateur de deux start-up, ce passionné de mathématiques a toujours aimé les usines et souhaitait rapprocher les mondes de la Tech et de la Fab. « L’industrie représente 20 % du PIB mondial, mais seulement 0,7 % des start-ups… C’est pourquoi l’on crée des boîtes qui n’existent pas ! En moins de quatre ans d’existence, nous en sommes à la quinzième, explique-t-il, et nous avons également investi dans cinq autres sociétés, pour des montants allant de 100 000 à 1 million d’euros ».
Leur méthode ? L’équipe visite régulièrement des sites de production en Europe (plus de 850 à ce jour !), identifie et remonte les problèmes rencontrés sur le terrain. Un diagnostic qu’elle propose gratuitement. Quand le même problème se répète et que la réponse technologique n’existe pas, OSS Ventures se charge de trouver un entrepreneur, qu’elle soutient financièrement pour lancer sa start-up afin de mettre au point la solution. Coût de l’opération : environ 500 000 euros, sachant qu’OSS Ventures prend 25 % du capital. Si la réponse existe, le fonds s’empresse de faire la mise en relation entre l’industriel et la start-up.
A ce jour, plus de 1 000 usines utilisent l’une de leurs solutions, principalement des ETI (80 %), comme Petit Bateau ; et des grands groupes (15 %). « D’ici à fin 2023, nous comptons passer à 2 000 sites et continuer à ce rythme. Notre objectif à trois ans est aussi de créer quatre start-up par an et d’investir dans 4 ou 5 autres sociétés », précise Renan Devillières, qui souhaite aussi internationaliser ses pépites. Ses secteurs de prédilection ? La transition énergétique (avec NRJx) ou, encore, le recrutement et la formation des cols bleus (avec Mercateam, un Learning Machine System). Lancée il y a deux ans avec deux cofondateurs, cette dernière société compte aujourd’hui 60 collaborateurs… et est présente dans plus de 300 usines. Autre sujet : l’Advanced Robotics : « Aujourd’hui, c’est encore le futur, mais on va vers cela. »
Un socle technologique partagé
Si OSS Ventures propose beaucoup de solutions pour l’industrie 4.0, la transformation numérique est encore très disparate chez les industriels, selon l’expert. « Pour seulement 8 % des sites que l’on visite, c’est déjà leur nouvelle réalité (Michelin, SEB…). Environ 25 % ont implémenté des solutions, mais ne sont pas vraiment opérationnels et 20 % se posent des questions, mais n’y sont pas encore ».
Plus grave, environ la moitié des usines y font obstacle… Ce sont des entreprises familiales, ayant très peu de capacité d’investissement et souvent prises à la gorge par la concurrence étrangère. « Certaines ne savent même pas ce qu’est le code. Et sans cette compréhension, ça ne marche pas… », précise-t-il. Sur le 4.0, la révolution commence vraiment maintenant, poursuit-il. « On vit actuellement la même chose sur l’IT et le code que ce que l’on a vu sur la qualité. Cela devient l’affaire de tous dans l’entreprise, à tous les niveaux des opérations ».
Concernant la cybersécurité de ses solutions, OSS Ventures répond à cette question cruciale par la création du « Base Project », soit une couche de logiciels dans laquelle on retrouve les bonnes pratiques en la matière que se partagent les entreprises de son portfolio, de la même façon que la structuration unique des données (CDM/Common Data Model) pour tous (idem SAP, 3DS, Microsoft…). Des « assets répétables » mis au point par les cinq codeurs d’OSS (sur 20 collaborateurs). « Nous nous partageons également une base d’interviews, ajoute Renan Devillières, soit plus de 11 000 heures de vidéos tournées sur le terrain. C’est en quelque sorte un podcast documentaire pour mieux vivre l’usine avec ceux qui y travaillent. Enfin, nos start-up disposent d’un seul fichier clients pour leurs actions commerciales. » Résultat : 40 % des ventes de l’ensemble de la communauté OSS Ventures vient de ce partage.