En quoi l’intelligence artificielle générative peut-elle contribuer à un numérique plus responsable ? John Armstrong, directeur de la technologie de Worldly, plateforme de mesure d’impact, répond à cette question complexe.
L’IA générative peut-elle apporter des bénéfices sur le terrain du Green IT, comme pour la consommation énergétique des datacenters ?
L’IA générative, lorsqu’elle s’appuie sur des données fiables et des modèles correctement entraînés, peut fournir des informations à forte valeur ajoutée, en particulier dans le cadre d’ensembles de problèmes quantitatifs limités, tels que les datacenters. Pour les usines qui produisent des biens physiques, les modèles d’IA viennent tout juste d’être formés, mais nous nous attendons à pouvoir obtenir des résultats similaires. Ces derniers seront cependant plus difficiles à mesurer et à arbitrer, car les modèles sont plus complexes et imposent de prendre en compte une plus large étendue de critères.
À titre d’exemple, si l’objectif de réduction des émissions carbone peut passer par la limitation de l’utilisation de la climatisation au sein d’une usine, se pose alors la question des conditions de travail des salariés, qui peuvent se retrouver dans un environnement très inconfortable, voire dangereux pour la santé. L’IA doit donc être formée à prendre en compte la problématique dans son ensemble, en intégrant à la fois les aspects quantitatifs, mais aussi qualitatifs.
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En définitive, pour être capable d’établir des recommandations d’axes d’améliorations pertinentes, le modèle doit disposer d’un ensemble solide de données détaillant les stratégies d’intervention et d’une quantité significative de résultats réels à analyser. Ces données commencent tout juste à émerger et il faudra du temps pour les déployer à grande échelle.
Dans tous les cas, cela implique d’être en mesure de dresser un état des lieux de la situation actuelle et de définir des objectifs précis à atteindre afin de mesurer le chemin à parcourir, d’identifier les actions à mettre en place et de définir des priorités. Cela passe en premier lieu par l’évaluation des impacts globaux de l’entité définie, qu’il s’agisse d’un datacenter ou d’une usine.
Avez-vous en tête des projets menés avec de l’IA générative qui permettent d’améliorer les indicateurs d’une entreprise en matière de numérique responsable ?
Il est pour l’heure encore tôt pour qu’il existe, dans le domaine du développement durable, des projets d’IA générative à grande échelle ayant un impact significatif. Peu d’organisations disposent de données fiables, exploitables et en quantité suffisante pour entraîner de manière assez significative les modèles d’IA, d‘où une évolution encore timide dans le domaine du Green IT.
Dans le cas de l’industrie textile, pour permettre aux entreprises d’améliorer véritablement leurs pratiques et enclencher une transformation réelle du secteur, nous devons être en capacité de recueillir, fréquemment et à grande échelle, des données primaires de haute qualité de scope 1 à 3 voire plus, et ce sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Cela sous-entend un spectre large, incluant les émissions carbone, la gestion de l’eau et des déchets, la consommation d’énergie ou encore le respect des droits de l’homme. Seule cette vision holistique de la gestion des données procurera aux entreprises les informations qui leur sont nécessaires pour la définition de priorités et la prise de décision, afin d’améliorer leur impact environnemental et social à grande échelle.
L’un des plus grands défis qui découlent de cette vision holistique est d’inciter davantage d’organisations à fournir leurs données afin de les rendre plus précises, plus accessibles et plus exploitables. Ce n’est qu’en adoptant cette démarche de transparence que les entreprises seront en mesure d’atteindre leurs objectifs et de répondre aux attentes de leurs clients et de leurs investisseurs, mais aussi à se mettre en conformité avec une législation de plus en plus exigeante en la matière. Ensuite, à mesure que la science et la technologie évolueront et que les systèmes deviendront plus sophistiqués, les données seront encore plus nuancées, granulaires et exploitables.
Plus globalement, en quoi l’IA générative peut-elle contribuer à un numérique porteur de sens (inclusion, accessibilité, éthique…) ?
L’IA a le potentiel de révolutionner la manière dont les organisations extraient des informations à partir d’ensembles de données qualitatives vastes et complexes. En automatisant les processus de vérification par exemple, l’IA peut analyser rapidement de grandes quantités de données, identifiant ainsi les anomalies et les incohérences qui pourraient passer inaperçues aux yeux des analystes humains dans leur prise de décision.
À mesure que l’IA évolue, sa capacité à identifier des modèles, des corrélations et des tendances évoluera également. En tirant parti des algorithmes, les systèmes d’IA peuvent détecter des relations complexes, effectuer des prévisions plus précises et permettre aux organisations d’optimiser leurs opérations, d’améliorer l’expérience client et de stimuler l’innovation au service de modèles plus durables.
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L’IA générative doit toutefois être appréhendée avec prudence, notamment en ce qui concerne les droits de l’homme et du travail. La technologie à elle seule ne peut pas remplacer l’humain en matière d’ESG et de durabilité, et les entreprises ne peuvent pas se reposer exclusivement sur l’IA pour prendre des décisions. C’est d’autant plus vrai dans le cas de l’industrie textile, où la chaîne d’approvisionnement est vaste et complexe, et impacte les vies de millions de personnes. Au lieu de cela, l’IA devrait être considérée comme un outil permettant d’identifier rapidement des axes d’amélioration, ce qui en temps normal aurait pris des semaines. Nous sommes encore loin d’une IA capable de prendre des décisions ou de disposer de capacités prédictives permettant de formuler des recommandations d’optimisations.
Par ailleurs, les organisations doivent garantir des pratiques responsables en matière d’IA, en abordant des problèmes tels que les préjugés, la confidentialité et la transparence. Le développement d’une IA responsable implique des capacités de surveillance, d’évaluation et d’adaptation continues pour limiter les risques de dérives. Même si l’IA offre d’immenses possibilités, il est essentiel de reconnaître ses limites et sa dépendance à l’égard de sources de données ou d’algorithmes potentiellement biaisés.
Les systèmes d’IA dépendent de la qualité et de la disponibilité de données qui ont historiquement été construites sans la contribution des minorités. Au sein de l’industrie textile, un pourcentage important de la main-d’œuvre est constitué de femmes et de communautés minoritaires. Avec l’augmentation des données provenant de sources situées tout au long de la chaîne d’approvisionnement, nous devons trouver des moyens d’intégrer les enjeux de ces populations dans les modèles que nous construisons, plutôt que de renforcer les biais existants.