En charge de la data et de l’architecture, Laurent Verhoest entend d’abord mener le combat de la maturité et de l’acculturation de tous au sein du groupe Transdev pour viser une cible qui est bien celle d’une organisation inspirée du data mesh. Le CDO du groupe dessine sa trajectoire alignée sur la stratégie business.
>> Cet article est extrait du carnet d’expériences à télécharger : Modernisation des plateformes de données : les meilleurs accélérateurs des grandes entreprises.
Quels sont les principaux freins auxquels se heurte Transdev sur la data ?
Un frein – commun par ailleurs à toutes les entreprises – est la maturité globale de l’organisation sur le sujet. Chez Transdev, il est en outre amplifié par notre intense décentralisation native, car il faut construire cette maturité à partir de petites structures locales.
Cette décentralisation, si elle constitue une force en matière d’agilité opérationnelle, est en effet une difficulté supplémentaire pour la diffusion des cas d’usage sur la data et l’acculturation, car elle rend plus complexe la mise en œuvre d’étages de mutualisation et de partage qui permettraient d’opérer cette montée en compétences à plus large échelle.
L’autonomie locale joue également un rôle d’amplificateur. Pour mener des stratégies globales, comme sur la data, il est par conséquent nécessaire de convaincre à chaque échelon. Enfin, je citerai un frein structurel au secteur du transport public : l’hétérogénéité des systèmes d’information, qui découle de la notion de bien de retour et fait que nous héritons de morceaux de SI qu’il faut pouvoir aussi restituer en fin de contrat.
Dès lors, le déploiement des sujets data – outils, cas d’usage, acculturation… – se complexifie. La conséquence, c’est un programme global qui s’avère complexe et qui requiert des capacités d’orchestration et même du marketing interne afin de briser les silos de l’organisation.
Quelles actions privilégiez-vous dans votre environnement contraint pour acculturer et démocratiser les sujets de la data ?
Nous travaillons notamment sur des axes classiques orientés RH. L’acculturation passe déjà par le fait de parler au plus grand nombre. Dans cette optique, nous avons développé du e-learning en mode self-service.
Nous nous efforçons, à travers cet outil, d’acculturer, c’est-à-dire d’éveiller. Ce n’est pas de la formation à ce stade. Les contenus disponibles abordent des sujets comme l’intérêt de la data pour les métiers, la qualité des données, l’intelligence artificielle, etc. Nous les illustrons à travers des cas d’usage réels déployés chez Transdev, dans le but de contextualiser.
Ce type de programme d’acculturation, nous en menons aussi sur des thèmes comme la cybersécurité, l’environnement et la safety. Cette démarche est nécessaire certes, mais pas suffisante.
Par conséquent, par quoi la compléter ?
L’acculturation ne peut se déployer ensuite que par de l’accompagnement, puis de la formation pour certains rôles. Nous avons donc conçu, en complément, des formats de type workshop en présentiel. De manière plus interactive, ces rendez-vous en petits comités interdisciplinaires permettent de créer de la participation, de l’engagement et de la collaboration entre métiers.
Une de nos convictions fortes, c’est que la création de valeur provient de la libération des données et de leurs croisements, car les cas d’usage générant le plus de valeur sont ceux qui s’appuient sur de l’inter-domaine. Générer des échanges entre différents départements est une première étape pour viser, à plus long terme, des interactions entre futurs domaines de données tels qu’ils sont définis dans le data mesh. Nous n’y sommes pas encore, mais ces actions en constituent une préparation.
En quoi le data mesh peut-il être une source d’inspiration ?
Nous avons le désavantage d’une faible maturité globale. En revanche, nous bénéficions de l’organisation cible pour le data mesh ! À ce stade, nous faisons le grand écart puisque cette cible requiert un haut niveau de maturité.
Nous avons débuté par une équipe centrale groupe et avons aussi commencé à déléguer en animant une communauté d’acteurs opérationnels de niveau pays. L’objectif à terme, ce sont des entités dotées d’un data office ou assez matures pour prendre en charge la définition de leur domaine de données, l’exposition au reste de l’entreprise et à l’extérieur, et tout cela dans un cadre gouverné et fédéré.
Pour tendre vers cette cible, quels piliers vous semblent-ils prioritaires ?
Deux piliers se démarquent pour nous chez Transdev, à savoir celui des domaines de données et de la gouvernance fédérée. Ceux du produit et de l’infrastructure sont intéressants oui, mais moins inspirants pour nous.
Le challenge consiste donc à définir la granularité des domaines et de la fédération, mais également les moyens d’embarquer les individus et services qui les composent. Le but est de parvenir à une fédération dans laquelle chacun conserve un niveau d’autonomie tout en permettant des convergences et des mutualisations à l’échelle d’un pays, puis du groupe.
Faut-il repartir de l’urbanisation du SI pour progresser et libérer la donnée ?
Chez Transdev, je gère la data et l’architecture d’entreprise. Les deux vont ensemble. L’urbanisation du SI, au sens de l’architecture, consiste à aligner le SI avec l’ambition business et la stratégie du métier.
La particularité de l’architecte d’entreprise est la transversalité, qui est aussi la caractéristique clé des équipes data et du data office. La donnée, et même si on parle de domaines, est transverse et appartient à l’entreprise et pas uniquement au domaine qui en porte la responsabilité.
Et de manière opérationnelle, comment opérer le rapprochement ?
L’architecte s’intéresse aux processus et à leur transversalité. Pour la data, c’est la mutualisation, l’exposition commune et la qualité, qui se pilote notamment par les process, designés par l’architecte ! Il y a donc une jonction assez naturelle entre les deux.
En matière d’organisation, c’est la raison pour laquelle nous avons réuni ces compétences sous le même toit. La transformation d’une donnée tout au long de la chaîne de valeur est la suite de traitements par différents process métier. En cas de problème sur la qualité ou un processus, il faut pouvoir revenir vers l’applicatif et la donnée source.
La synergie architecture d’entreprise et architecture data est évidente. Libérer la donnée et déployer des plateformes data posent évidemment un sujet d’architecture d’entreprise. La mise en place d’une architecture data centric a des impacts au niveau de la stratégie d’intégration et de la roadmap de différents outils.
Mettre à disposition de fournisseurs et de clients des données via des API, est un sujet d’architecture et pas seulement data. Et cela nécessite des compétences et une vision qui ne sont pas uniquement celles du data office.