Avec l’avènement des réseaux sociaux et des sites de vente en ligne, nul ne peut se considérer à l’abri de la cybercriminalité. La simplicité d’accès au digital, à Internet, facilite la croissance de réseaux cybercriminels spécialisés dans la contrefaçon ou les fraudes en ligne. L’État français n’a, quant à lui, plus les moyens financiers ni humains de stopper seul ces activités et leurs responsables. Pour Hervé Putigny, Directeur Général et co-fondateur de Webdrone et Didier Douilly, Business Developer, état et acteurs privés doivent donc s’allier dans cette lutte.
Avec l’arrivée, il y a une dizaine d’années, des réseaux sociaux, on constate une réelle professionnalisation de la contrefaçon en ligne. Elle touche désormais tous les secteurs : la vente de billets pour des événements, les cigarettes, les médicaments, les parfums, les produits de luxe ou articles de sport.
Préjudice pour l’État et les marques
La situation économique joue bien sûr un rôle important dans l’augmentation de ces trafics. Avec la hausse de l’inflation, les acheteurs sont tentés par des produits à bas prix très facilement accessibles en quelques clics. La complicité des consommateurs derrière leurs écrans est implicite : ils n’ont souvent pas conscience de ce qu’ils financent par leur achat. Pour l’État, cela représente évidemment une perte conséquente en matière de revenus, avec des produits qui échappent aux taxes. Le préjudice touche aussi les marques, en termes de revenus comme de réputation.
Ainsi en 2021, la France était le deuxième pays le plus touché par la contrefaçon, après les États-Unis. Selon les chiffres officiels, les saisies douanières en France sont passées de 200 000 articles interceptés en 1994 à 5,64 millions en 2020. La contrefaçon représente une triple menace pour la santé publique, la sécurité des consommateurs et l’économie nationale.
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Risques économiques, sociaux, environnementaux
La contrefaçon en ligne fait courir des risques économiques à la société. Par exemple, la contrefaçon de billets lors d’événements majeurs, comme les Jeux olympiques 2024, peut entraîner une désorganisation totale de l’événement, avec un flux démesuré de spectateurs. On peut aussi évoquer l’impact majeur sur la santé des consommateurs, avec l’utilisation de produits dangereux, notamment dans la contrefaçon de cigarettes, de médicaments ou de parfums.
Les réseaux de contrefaçon fonctionnent avec de la main-d’œuvre exploitée. Au-delà de la perte d’emplois en France, on parle ici de traite d’êtres humains, avec des conditions de travail proches de l’esclavagisme. Enfin, l’enrichissement de ces réseaux sert au financement d’autres organisations et notamment celles liées au terrorisme. Ajoutons que cette contrefaçon en ligne affiche un bilan désastreux en termes d’écologie, avec une absence totale de normes et de contrôle sur les substances utilisées sur les lieux de production.
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Un arsenal juridique inutilisé
La justice française dispose pourtant de tout un arsenal juridique pour contrer ces réseaux, mais dans les faits, peu d’enquêtes démarrent réellement. Les procédures sont complexes et les réseaux opèrent souvent depuis des pays qui obéissent à des réglementations très différentes des nôtres. Même lorsque les enquêtes arrivent à leur terme, que des peines sont prononcées, elles ne sont quasiment jamais appliquées. Ce qui permet aux petits réseaux de se structurer et de s’étendre.
Les effectifs de l’État en matière de lutte contre la cybercriminalité ne sont pas en adéquation avec le phénomène ces dernières années. L’État n’a pas su anticiper l’avènement des réseaux sociaux et s’est laissé distancer en termes de technologie, d’outils, etc. La suppression de certaines couches administratives aurait également été bénéfique pour plus de réactivité, comme autoriser les préfets à intervenir directement à leur niveau sur les trafics locaux.
Des outils éprouvés de traçage, d’enquête et de négociations
Face à cette inaction et à ce cruel manque de moyens, nous appelons l’État à s’allier au secteur du privé pour lutter efficacement contre les réseaux de la contrefaçon en ligne ! Les outils de traçage et de détection de contrefaçon en ligne existent. Ils ont prouvé leur capacité à monitorer, à remonter l’ensemble de ces réseaux et à les traiter. Ils peuvent aller jusqu’à fournir tous les éléments pour ouvrir des enquêtes ou démarrer des négociations avec les trafiquants. Mais sans une volonté politique affichée de démantèlement systématique de ces trafics, adossée à des moyens financiers et humains conséquents, rien ne pourra se faire.
L’importance de la contrefaçon
En 2022, la contrefaçon était responsable de la perte de 38 000 emplois en France.
En 2021, elle représentait 2.5% du commerce mondial.