Le directeur du numérique d’EDF Commerce livre sa vision de la mesure de la performance d’une DSI

François Raynaud, Directeur des Systèmes d’Information et du Numérique chez EDF Commerce, a dirigé l’atelier consacré à la performance des DSI, lors de l’IT Excellence Sprint 2023 d’Alliancy. Il analyse les conditions qui en permettent la définition et la mesure. Et insiste notamment sur la qualité de la relation entre les métiers et la DSI, prérequis à toute calcul objectif de la performance.

En quoi la performance de la DSI est-elle une dimension hautement subjective ?

François Raynaud Directeur des Systèmes dInformation et du Numérique chez EDF Commerce

François Raynaud, Directeur des Systèmes dInformation et du Numérique chez EDF Commerce

La performance de la DSI se décline selon deux dimensions. La première est une dimension très subjective, presque affective ou passionnée, voire passionnelle. Elle consiste à dire que quand le SI ne fonctionne pas, c’est forcément de la responsabilité de la DSI. Si une enquête de satisfaction est réalisée une semaine après un incident, les notes vont généralement être impactées négativement, même si tout s’est bien passé sur l’ensemble de la période précédente. À l’inverse, si le questionnaire est envoyé un ou deux mois après, quand tout se passe bien, l’enquête fera remonter de bien meilleurs retours.

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La deuxième dimension est qu’il faut parvenir à définir et objectiver la performance de la DSI. Selon votre interlocuteur, la performance varie du tout au tout. Un utilisateur, par exemple, veut que cela fonctionne. Le directeur financier, en revanche, regarde le centre de coûts que représente la DSI, et éventuellement sa valeur ajoutée. Quant au patron business, il surveille les coûts, mais aussi la valeur, c’est-à-dire le « time-to-value ». Le RSSI, de son côté, se focalise sur le nombre de cyberattaques et le niveau de risque global. Le directeur technique, lui, met l’accent sur le niveau d’obsolescence du SI…

Quel que soit le domaine fonctionnel dans l’entreprise, chacun peut avoir sa propre vision du SI. La performance de la DSI est donc un concept qui n’existe pas en tant que tel, sauf à créer un radar multifacteur permettant de dire que, sur tel ou tel axe, la performance se situe à tel niveau.

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Existe-t-il malgré tout un certain nombre d’indicateurs communs à toutes les DSI ?

Oui, nous pouvons dire que le SI est un outil commun, mais qui n’est pas utilisé à la même finalité. Autrement dit, il existe une base d’indicateurs sur laquelle toutes les DSI se retrouvent, sans toutefois que cette base ne soit suffisante pour déterminer dans l’absolu la valeur du SI pour un métier donné. Dans cette base se trouvent la qualité de fonctionnement au quotidien, les aspects financiers, la satisfaction des métiers commanditaires et des utilisateurs, et la cybersécurité.

Ensuite, selon les sujets, certaines activités vont souhaiter une plus grande réactivité, au détriment d’une qualité absolue, car elles sont sur des domaines hautement concurrentiels. D’autres, en revanche, sont sur des SI industriels et n’ont pas le droit à l’erreur. En résumé, dans la catégorie de ceux qui veulent aller vite, les méthodes Agile et le DevSecOps sont des facteurs communs. Et pour ceux qui veulent faire des tests exhaustifs, les méthodes de type « testing » sont à prendre en considération.

En quoi la qualité de la relation entre les métiers et la DSI est-elle un prérequis à toute mesure de la performance ?

La création d’une culture commune, depuis le commanditaire stratégique jusqu’à l’utilisateur au quotidien, est absolument fondamentale. Elle nous permet de nous comprendre et, par exemple, de ne pas faire d’erreur dans les spécifications d’un cahier des charges, chacun connaissant bien le métier concerné.

Pour instaurer cette culture commune, il est nécessaire de développer des modèles Agile à l’échelle, de bénéficier d’un sponsorship métier et SI, et d’intégrer ces méthodes dans la gouvernance de l’entreprise, du plus haut niveau de l’alignement stratégique jusqu’en bas du SI. Cela signifie que toute la gouvernance business s’organise autour des rites et des rythmes de la méthode Agile à l’échelle en vigueur dans l’entreprise.

Concrètement, cela se traduit par des responsables métier qui examinent le portfolio stratégique tous les trois mois et qui le revoient, pour certains, tous les mois pour être certains qu’aucun ajustement n’est nécessaire. Le portfolio passe ensuite en « value stream », les équipes métiers planifiant quand une offre doit sortir et déterminant comment coordonner les actions. Par la suite, le projet passe en réalisation conjointe métier/SI, le métier faisant les spécifications et les tests au fur et à mesure des développements. Enfin viennent les phases d’intégration, de recette globale et de mise en production, le tout dans la même culture, avec le même vocabulaire.

Sur quelle échelle de temps la performance de la DSI s’inscrit-elle ?

Il existe deux échelles de temps à la performance. Il y a la performance d’aujourd’hui, qui concerne tout ce que nous venons de dire. Et il y a la performance de demain. Cette performance future couvre, compte tenu des cycles technologiques, les deux ou trois prochaines années. Donc si vous souhaitez instaurer une culture commune, projet pour lequel vous devez tabler sur trois ans en moyenne, et si en plus vous devez changer de technologie entre-temps (migration dans le cloud ou le SaaS…), il y a de fortes chances que vous manquiez de temps.

Une des dimensions de la performance de la DSI est donc de savoir quel est mon « coût de demain ». Cette dimension est très difficile à objectiver parce que c’est la première que le directeur financier vient regarder de près, par souci d’économie budgétaire. Et ce n’est pas non plus celle où les DSI sont les meilleurs en termes d’arguments pour défendre leurs choix.

Typiquement, tout le monde a en tête l’IA générative qui est réellement apparue il y a un an. Une DSI qui, dans trois ans, n’en déploierait pas du tout, ferait partie des DSI ringardes, même si aujourd’hui la manière d’y aller n’est pas totalement évidente. Il faut donc constamment être en mode « démonstrateur » et former les équipes pour savoir comment cette technologie s’intègre au SI (profondément ou en surface…), alors même que cela ne se traduit pas immédiatement en EBITDA pour l’entreprise.