2024, année de l’intelligence digitale et de l’e-sport ?

Pour sa première chronique de 2024, année marquée par les futurs Jeux Olympiques en France, Imed Boughzala revient sur une discipline reconnue comme sport depuis 2017, mais absente du programme des Jeux : l’e-sport. L’industrie très compétitive et lucrative des jeux vidéo incarne de nombreuses tendances du numérique.

2024 année de lintelligence digitale et de le-sportTout d’abord, je profite de la parution de cette chronique pour souhaiter à mes lectrices et lecteurs une bonne année 2024 pleine d’intelligence digitale. L’année 2024 est l’année sportive par excellence puisque les jeux olympiques s’annoncent pour bientôt à Paris. Pourtant reconnu officiellement comme sport en 2017 par le Comité international olympique (CIO), l’e-sport ne fera pas parties des épreuves aux JO. Un pas que le CIO n’est pas près de franchir malgré le fait que beaucoup de jeunes et de moins jeunes le pratiquent dans des conditions qui ne sont pas très loin des compétitions sportives classiques (entrainement, préparation, sélection, équipements, récompenses, sponsoring…).

L’e-sport, electronic sport ou sport électronique parfois appelé jeu vidéo de compétition, « désigne la pratique sur Internet ou en LAN party d’un jeu vidéo seul ou en équipe, par le biais d’un ordinateur ou d’une console de jeux vidéo » (d’après Wikipédia). C’est un phénomène mondial en pleine expansion qui a su conquérir des millions de fans à travers la planète. L’e-sport a évolué à pas de géant depuis ses modestes débuts dans les années 1990. Il représente bien plus qu’un simple loisir devant un écran d’ordinateur. En effet, l’e-sport consiste à pratiquer des jeux vidéo de manière compétitive, mettant en compétition des joueurs professionnels ou semi-professionnels dans des tournois de grande envergure.

Dans cette chronique, nous explorerons l’univers fascinant de l’e-sport, son histoire, sa croissance exponentielle, et les défis auxquels sont confrontés les joueurs professionnels.

Symbole de la discipline

Le phénomène de l’e-sport

L’essor de l’e-sport commence vraiment à la fin des années 1980 avec les premiers jeux en réseau multi-joueurs et, à partir des années 1990, sur Internet. Pendant les années 2000 et 2010, l’e-sport gagne de plus en plus de notoriété, et des tournois dotés de prix conséquents commencent à émerger sur la scène internationale.

Les jeux vidéo les plus populaires dans le domaine de l’e-sport sont : League of Legends, Dota 2, Counter-Strike : Global Offensive, Overwatch, et bien d’autres. Les compétitions professionnelles de ces jeux attirent des milliers de spectateurs dans des arènes gigantesques, tandis que des millions d’autres les suivent en streaming. Par exemple, la League of Legends World Championship a attiré plus de 100 millions de téléspectateurs en 2020, dépassant ainsi la finale du Super Bowl en termes d’audience.

Les joueurs professionnels

Devenir un joueur professionnel d’e-sport demande bien plus que de simples compétences en jeu. Les joueurs doivent faire preuve d’une coordination précise, d’une stratégie élaborée, et d’une compréhension profonde du jeu au plus haut niveau. En outre, ils sont soumis à une pression mentale intense pour maintenir leur performance au plus haut niveau.

Les récompenses financières pour les joueurs professionnels d’e-sport sont devenues phénoménales. Des salaires élevés, des contrats de sponsoring, des gains de tournois et même la possibilité de créer des marques personnelles font de l’e-sport une carrière lucrative. Les équipes professionnelles offrent également des installations de formation de pointe et des coachs pour aider leurs joueurs à atteindre leur plein potentiel.

Les meilleurs acteurs mondiaux du esport se rencontrent lors de tournois officiels, organisés par exemple par l’eSports World Convention (ESWC), la Major League Gaming (MLG), la Cyberathlete Professional League (CPL) ou encore l’Evolution Championship Series (EVO), pour ne citer que quelques organisateurs.

L’Industrie de l’e-sport

L’industrie de l’e-sport a attiré l’attention de grandes entreprises, d’équipes sportives traditionnelles, et de célébrités. Des investissements massifs sont faits dans les ligues, les tournois, et les équipes. Les revenus proviennent de diverses sources, notamment les sponsors, les droits de diffusion (dont le streaming), la publicité, et la vente de produits dérivés. Il est désormais courant de voir des compétitions d’e-sport diffusées sur des chaînes de télévision traditionnelles, ce qui témoigne de la croissance de ce secteur. Le marché mondial de l’e-sport a été estimé à 2,96 Mds € en 2022. La France se positionne sur le marché avec un chiffre d’affaire estimé à 50 M€ en 2019. Parmi les sponsors on, trouve des marques endémiques au secteur du jeu vidéo et de l’électronique telles que Intel, Asus, Alienware ou Micromania, en France des marques grand public telles que EDF ou Volvic sponsorisent désormais les équipes de joueurs professionnels. Cet intérêt est mondial, et concerne de plus en plus de marques de grande consommation, parmi lesquelles Coca-Cola, Redbull, Gilette ou Adidas, ce qui explique partiellement l’augmentation de la taille du marché.

The International un tournoi e-sport annuel du jeu vidéo Dota 2 organisé au KeyArena de Seattle

The International, un tournoi e-sport annuel du jeu vidéo Dota 2, organisé au KeyArena de Seattle.

Les enjeux et les critiques

Bien que l’e-sport connaisse un succès fulgurant, il n’est pas exempt de controverses et de critiques. Les inquiétudes concernant la santé mentale des joueurs professionnels et la dépendance/addiction aux jeux vidéo sont réelles. On constate que certaines pratiques peuvent nuire à la santé des joueurs, comme le fait de rester exposé de longues heures à un écran, ce qui peut provoquer entre autres, une fatigue oculaire. Une preuve encore d’intelligence digitale à développer chez les joueurs. On constate aussi la pratique du dopage chez certains joueurs, notamment pour diminuer la fatigue, s’entraîner plus longtemps et surtout pour améliorer la concentration pendant les compétitions. Les débats sur la réglementation, l’éthique, et la reconnaissance de l’e-sport comme un sport à part

Alors que l’e-sport continue de gagner en popularité et en reconnaissance, il est clair que ce phénomène n’est pas près de s’essouffler. Que ce soit en tant que joueur professionnel, fan enthousiaste ou investisseur, l’e-sport offre un avenir prometteur et passionnant pour tous ceux qui s’y intéressent. Il y a tout un écosystème de joueurs, managers, coachs, sponsors, équipementiers, marques/publicitaires, parieurs, etc. Plusieurs écoles de management proposent depuis plus d’une vingtaine d’années des formations en management du sport (par vocation, reconversion de sportifs, sectorisation du management…). Il sera de même pour le management du e-sport. Les géants du numérique comme Google et Microsoft recherchent depuis longtemps à recruter des joueurs chefs de guilde (Communauté de joueurs, notamment pour les jeux en ligne massivement multijoueurs – MMOG, de l’anglais Massively Multiplayer Online Game) pour des postes de management à distance pour leurs capacités de leadership virtuel, de gestion de stress, de gestion de l’activité collective et collaborative, etc. Du coté des écoles d’ingénieurs, plusieurs mènent des recherches liées aux jeux vidéo. Par exemple, l’École Nationale Supérieure d’Informatique pour l’Industrie et l’Entreprise (ENSIIE), une école à Evry, associée à l’Institut Mines-Télécom, mène des recherches sur les réalités immersives en lien avec l’e-sport et possède un cluster dédié aux Jeux Vidéos – le C19.

Sans oublier, la gamification, « ludification » en français, est un terme apparu dans les années 2000 par Jesse Schell, professeur à l’université de Carnegie Mellon. Ce principe s’appuie sur la motivation que peut générer le jeu lorsque l’engagement apprenant ou professionnel n’est plus suffisant. Les enseignants l’utilisent comme une modalité pédagogique pour apprendre en jouant. Les entreprises y ont de plus en plus recours que soit dans leurs processus de recrutement ou bien pour stimuler la productivité de leurs collaborateurs ou développer l’esprit d’équipe – « team building ».

Bonne année 2024 !