L’irruption de l’IA générative promet de changer viscéralement l’expérience client proposées par les entreprises. Au point d’en prendre totalement le contrôle ? Pas si sûr.
S’il est un département des entreprises qui est transformé depuis des années par la révolution numérique, c’est bien l’expérience client. Et cela n’est pas près de s’arrêter. Selon une étude de Cision publiée en mars 2024, 70 % des entreprises prévoient d’utiliser l’IA pour améliorer leur expérience client dans les années à venir. Et selon le rapport CX Trends de Zendesk de 2024, 70% des responsables de la « customer experience » déclarent que l’IA générative a conduit leur organisation à prendre du recul et à réévaluer l’ensemble de leur expérience client. Comme chez SNCF Connect & Tech.
Cette division de l’entreprise ferroviaire française travaille sur trois sujets principaux. Ils existaient déjà avec l’IA et se renforcent avec l’IA générative. Le premier est la rapidité d’exécution des tâches : « Typiquement avec notre algorithme, nous pouvons générer des réponses avec dix secondes de latence. Cela génère des textes et permet de gagner du temps sur la saisie manuelle », précise Charlotte Percher-Brard, responsable du département data science de SNCF Connect & Tech. Le deuxième point névralgique est la qualité de ce que l’entreprise délivre et la pertinence de ses réponses qui augmentent. Le troisième est la facilité de maintenance dans leurs process opérationnels : « accélérer le travail des conseillers, éviter la double maintenance et les tâches manuelles que nous pouvons assez facilement automatiser », poursuit la datascientist.
Récupérer des données
Pour Sébastien Weill, VP Product Management chez Forterro, fournisseur de logiciels et de services ERP, le plus important des bénéfices apportés par l’IA est une meilleure réactivité dans les réponses ainsi qu’une disponibilité à tout moment. Un autre aspect important apporté par l’IA est l’augmentation de l’efficacité opérationnelle, selon le dirigeant : « l’IA va pouvoir traiter un premier niveau de support, les demandes les plus simples, pour permettre à l’humain de se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée. » Enfin, l’utilisation de l’IA va permettre de récupérer les données des échanges avec les clients de façon structurée, ce qui représente une source d’informations supplémentaires : « Ces données vont nous permettre d’obtenir un feedback essentiel pour améliorer, à la fois la relation client, mais également les produits et services que nous dispensons », précise Sébastien Weill.
Avec des outils tels que les chatbots, les systèmes de recommandations personnalisés et l’analyse prédictive, la relation client n’est plus la même. Le chatbot est un très bon vecteur pour répondre aux demandes simples. Pour les demandes complexes, les conseillers clients ne seront pas remplacés de sitôt. Ainsi chez SNCF Connect & Tech, le chatbot permet plus de 600 000 interactions mensuelles avec les clients. Les systèmes de recommandations personnalisés sur le site internet accompagnent, par exemple, le client dans sa recherche de trajet en train, en recommandant le trajet le plus pertinent pour nos utilisateurs. Quant à l’analyse prédictive, SNCF l’utilise plutôt à destination de ses collaborateurs avec un objectif de productivité, en utilisant des algorithmes de prévision des ventes, par exemple. « Et effectivement depuis un peu plus d’un an, nous concentrons nos forces sur l’IA générative pour renforcer le travail des conseillers », informe Charlotte Percher-Brard.
Commencer par des sessions terrains
Alors, l’IA est-elle devenue le chef d’orchestre de la relation client ? Que nenni, répondent en cœur les experts. « Je ne pense pas que l’on puisse dire que l’IA orchestre la relation client. Si on arrivait à ce stade, cela signifierait pour moi que le projet de mise en place de l’IA a été un échec. L’IA doit être vue comme un outil et pas comme une fin en soi. Concernant la relation client, l’objectif reste la satisfaction de ce dernier et il sera très difficile pour des entreprises n’utilisant pas l’IA de satisfaire à des exigences de plus en plus nombreuses et spécifiques », constate Sébastien Weill.
Pour Charlotte Percher-Brard, dire que l’expérience utilisateurs est orchestrée par l’IA aujourd’hui sous-entend que la relation avec le client pourrait vivre uniquement avec l’IA, ce qui n’est pas le cas chez SNCF Connect & Tech : « Nous constatons qu’il est possible d’utiliser un LLM générique, mais si on veut qu’il fonctionne bien, nous avons besoin de l’expertise humaine. C’est pourquoi dans nos exercices de construction d’IA, nous commençons toujours par des sessions terrain pour comprendre le besoin, l’expertise que l’on va chercher à améliorer ». Une fois que la solution est développée, la division data science accompagne la prise en main avec une phase de suivi d’utilisation de l’outil pour s’assurer qu’il réponde dans le temps au besoin initial : « Chez nous L’IA est présente mais comme un catalyseur. Elle est utilisée pour booster des compétences et des expertises que l’on continue à travailler avec les collaborateurs », conclut la datascientist.
Le contrôle de l’expérience client par l’IA n’est pas encore advenu. Heureusement, il y a encore beaucoup à faire sur la personnalisation des parcours et comment accompagner au plus près les besoins des utilisateurs. Le tout sans déshumaniser la relation. Un vœu pieux ?