Grâce à l’IA et au quantique, le français Qubit Pharmaceuticals veut gagner cinq années de R&D

Dans la pharmaceutique, les technologies de rupture promettent une accélération dans la découverte de nouveaux médicaments. Avec une approche hybride du quantique et de l’intelligence artificielle, Qubit Pharmaceuticals annonce des avancées notables en réduisant fortement le nombre de qubits nécessaires à la découverte de molécules.

Dans la recherche pharmaceutique, l’importance de l’IA ne fait que croître. En effet, selon Robert Marino, CEO de Qubit Pharmaceuticals, près de 10 % des molécules actuelles en phase d’essais cliniques ont été découvertes grâce à ces technologies. Mais cette influence reste encore limitée. En raison de la nécessité d’importantes bases de données pour entraîner des modèles, l’intelligence artificielle bénéficie aux cibles traditionnelles sur lesquelles la littérature est plus fournie. « Notre positionnement est d’aller chercher des cibles nouvelles pour lesquelles il existe peu de données », indique Robert Marino, dont l’entreprise fondée en 2020 compte aujourd’hui 60 employés répartis entre Paris et Boston (États-Unis). Pour ce faire, l’entreprise mise sur une collaboration entre les calculs de haute performance par IA et le quantique.

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Le processus de découverte d’un médicament selon le format « design-make-test » consiste à modéliser des molécules, les synthétiser en laboratoire et les tester ensuite dans des essais cliniques. « Pour optimiser ce processus, il y a des problèmes mathématiques très complexes à résoudre », précise le CEO de Qubit Pharmaceuticals. Selon lui, on oppose trop souvent, à tort, le quantique et l’intelligence artificielle alors qu’il estime que dans la résolution de ce type de problèmes, le partage des tâches est idéal. « Nous avons réussi à diviser par 10 ou 20 le nombre de synthèses et de tests pour valider des molécules », explique Robert Marino.

En effet, selon le même concept utilisé dans l’industrie, la start-up a mis en place des jumeaux numériques de molécules, grâce à la combinaison du quantique et des calculs de haute performance, pour observer leurs comportements. « Certaines molécules bougent énormément et d’un point de vue de la simulation et de leurs interactions, c’est très complexe. » Cette analyse dans le virtuel permet un tri significatif qui traditionnellement se déroule en laboratoire. « Le quantique permet d’améliorer cette carte des interactions et de trouver des positions pertinentes de cibles », poursuit Robert Marino.

La réduction des qubits grâce aux ordinateurs classiques

Pour tenter d’améliorer les performances des ordinateurs dans l’utilisation du quantique, Qubit Pharmaceuticals s’est associée à Sorbonne Université pour développer l’émulateur Hypérion-1, soutenu à près de 8 millions d’euros par France 2030. « Nous avons réussi à réduire le nombre de qubits nécessaires pour faire de la physique quantique », se réjouit Jean-Philip Piquemal, directeur du laboratoire de chimie théorique à Sorbonne Université, et cofondateur de Qubit Pharmaceuticals. Un qubit représente une unité dans l’informatique qui repose sur cette caractéristique de la physique quantique selon laquelle il peut se trouver simultanément dans deux états différents.

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« Le nombre de qubits nécessaires peut être divisé par 10 ou par 100, ce qui va accélérer la mise en application des machines actuelles dans la pharmaceutique », indique le chercheur qui estime que près de cinq années pourraient être gagnées. « Fin 2023, nous avions annoncé des calculs de chimie quantique sur 40 qubits. Quelques mois plus tard, nous parvenons à résoudre des équations qui nécessiteraient 250 qubits logiques », poursuit Robert Marino. Pour réussir cette avancée, dans le cadre du projet Hypérion-1, Qubit Pharmaceuticals et Sorbonne Université ont développé de nouveaux algorithmes qui décomposent un calcul quantique afin que certains soient résolus sur un matériel classique.

Une telle stratégie permet de répartir les calculs en utilisant le meilleur hardware nécessaire, qu’il soit quantique ou classique, pour améliorer la complexité des algorithmes nécessaires pour calculer les propriétés de certaines molécules. « Ces travaux montrent la nécessité de progresser conjointement sur le développement du hardware et du software », explique Jean-Philip Piquemal, qui s’enthousiasme : « C’est en réalisant des percées sur les deux fronts que nous pourrons entrer dans l’ère de la “quantum utility” pour la découverte de médicaments à très court terme ». Avec cette approche hybride, il est ainsi possible de réaliser n’importe quel type de calcul de chimie quantique, ce qui n’est pas restreint aux molécules d’intérêt pharmaceutique, mais concerne aussi les catalyseurs (chimie, énergie) ou les matériaux.