Territoires numériques : Les collectivités à l’épreuve de la loi REEN

La loi « Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique » prévoit que les communes de plus de 50 000 habitants définissent, au plus tard le 1er janvier 2025, une stratégie numérique responsable. La conférence annuelle de l’Arcep sur les Territoires connectés, le 26 septembre dernier, s’est faite l’écho des leviers d’action possibles et des difficultés auxquelles les collectivités sont confrontées

Parmi ces leviers d’action, la gestion des terminaux, qui représentent 80% de l’impact environnemental du numérique, est essentielle : on peut limiter le sur-équipement, communiquer au sein de sa collectivité, privilégier l’achat de matériel reconditionné… « Toutefois, les retours d’expérience montrent que ce n’est pas toujours facile, notamment en raison d’un problème de sourcing », souligne David Marchal, directeur exécutif de l’expertise et des programmes de l’Ademe. L’écoconception des produits et services numériques constitue un autre levier d’action important.

L’achat de matériel écoresponsable n’est cependant pas toujours simple, comme le souligne Céline Colucchi, déléguée générale des Interconnectés. « Dans nombre de cas, les collectivités peuvent avoir du mal à trouver des fournisseurs répondant aux critères du numérique responsable, déclare-t-elle. Des territoires comme la Métropole de Lyon se sont emparés très tôt du sujet en formant les fournisseurs potentiels. C’est pour eux un avantage concurrentiel de savoir répondre à ces projets ».

Côté datacenters, l’Ademe propose de soutenir des études d’aide à l’implantation. « Ce sont de gros consommateurs d’énergie et aussi de gros producteurs de chaleur et la question de leur localisation et de la façon de récupérer plus facilement leur chaleur fatale se pose, affirme David Marchal. Nous avons bien sûr conscience que l’équation permettant de choisir l’implantation d’un datacenter comporte de multiples facteurs, comme la disponibilité du foncier, la proximité avec les usages et la disponibilité des réseaux électriques et télécoms. Et qu’il existe des obstacles tels que les freins économiques et de business model à cette valorisation de la chaleur ».

Pour accompagner l’élaboration de ces stratégies de numérique responsable, l’Ademe a lancé, en collaboration avec le CNRS et l’INRIA, le programme Alt IMPACT, pour former aux gestes de la sobriété numérique. Son financement est assuré par les CEE (Certificats d’Economies d’Energie). Elle prévoit également de financer des chargés de mission dans les collectivités à l’échelle régionale pour accompagner leur déploiement. Une phase d’expérimentation est en cours en Nouvelle Aquitaine, en Bretagne, dans le Grand Est et en Corse.

Une boîte à outils développée par l’ANCT

Impact environnemental du numériqueA partir d’un certain nombre de projets locaux concrets, l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires a, pour sa part, accompagné 21 territoires de profils et tailles variés. « Nous les avons aidés à définir leur stratégie et à constituer une boîte à outils, qui soit accessible à l’ensemble des collectivités, raconte Laurent Rojey, son directeur général délégué au numérique. La mobilisation des collectivités nous a beaucoup impressionnés. A chaque fois, un couple élu-agent public suivait le projet, avec à chaque étape une très forte implication. Malgré tout, une hétérogénéité très marquée demeure selon l’antériorité et la maturité de la collectivité en matière de numérique, et plus spécifiquement de numérique responsable, et bien sûr, en fonction de sa taille », constate-t-il. L’ANCT a donc développé un module spécifiquement dédié aux petites collectivités de moins de 3 500 habitants. Elle va par ailleurs proposer au début de l’année prochaine une nouvelle offre d’ingénierie intégrant un module dédié au numérique responsable.

L’ANCT étudie également la question du reconditionnement des équipements. « C’est un levier puissant mais sa mise en oeuvre n’est pas simple, notamment en raison de la difficulté de structurer localement des filières, estime Laurent Rojey. Il souligne le frein que constitue l’effacement des données. « Il est nécessaire d’avoir une solution sécurisée facilement accessible pour effacer les disques durs et garantir qu’aucune donnée ne se retrouve dans la nature, explique-t-il. L’ANCT s’y emploie avec l’ANSSI, en lien avec Emmaüs Connect et l’association OGO.

Témoignage : Tours Métropole Val de Loire s’engage pour un numérique plus soutenable

« Nous avons été accompagnés par l’ANCT pour la définition de notre stratégie numérique responsable. Cela a été un vrai catalyseur et a donné du rythme à notre démarche que nous avions déjà engagée comme la loi REEN nous y invitait, témoigne Véronique Chatain, directrice Transformation Numérique du territoire à la Métropole, qui assistait à la conférence. Nous avons ainsi pu adopter notre stratégie en février dernier et elle est en cours de mise en œuvre ».

Cette stratégie s’appuie sur trois piliers. Tout d’abord, réduire l’impact environnemental de ses SI, en portant l’accent sur l’écoconception des services numériques, notamment en formant les équipes internes. Dans le but d’associer l’ensemble du territoire aux nouvelles pratiques, pilier n°2 de sa stratégie, elle réfléchit à la façon de sensibiliser les publics, d’organiser une filière locale de reconditionnement ou encore de favoriser les initiatives en faveur de l’inclusion numérique.
« Le 3ème pilier consiste à s’appuyer sur le numérique pour préserver l’environnement par exemple avec le déploiement de notre projet « icône », un réseau LoRa que l’on veut le plus mutualisé possible », continue-t-elle. Ce pilier intègre également la dimension éthique du numérique comme la mise en place d’un cadre de confiance pour l’IA.

« La mise en place de cette démarche, avec le concours de l’ANCT, nous amène à envisager le numérique différemment et cela irrigue nos différentes actions. Ce qui pourrait être compliqué, c’est de maintenir l’effort, que tout cela devienne un réflexe parfaitement intégré par tous ».