Quels usages et quelle éthique pour le numérique au service de la santé mentale ?

A l’occasion de la Journée Mondiale de la Santé Mentale célébrée 10 octobre dernier, nombre d’initiatives ont vu le jour, certaines orchestrées par des acteurs du numérique, au moment où une étude d’OpinionWay pour Indeed indique que plus d’un salarié sur trois estime que rester dans son entreprise actuelle met en péril sa santé mentale.

Cet indicateur a été appuyé par plusieurs statistiques révélées par la start up Teale lors de cette Journée Mondiale. « Aujourd’hui, un salarié sur deux est dans un état de santé mentale dégradé, 55% ressentent un stress excessif et 23% sont dans un état critique, selon les standards de l’OMS. Pour marquer la Journée Mondiale de la Santé Mentale, Teale a décidé d’ouvrir sa plate-forme gratuitement à partir de ce jour, pour une durée de trois mois », a déclaré Julia Néel Biz, cofondatrice et CEO de la start up, qui recevait à cette occasion ‌la Secrétaire d’Etat chargée de l’Intelligence Artificielle et du Numérique, Clara Chappaz.

Cette dernière a rappelé l’annonce de Michel Barnier de faire de la santé mentale la Grande cause nationale de l’année 2025 et elle a insisté sur l’importance des solutions innovantes pour accompagner les salariés dans cette démarche. Faciliter l’accès aux soins psychologiques grâce aux technologies numériques figure d’ailleurs parmi les cinq propositions (voir notre encadré) soumises au gouvernement par Teale.

Agir avec les pouvoirs publics

Simon Dawlat, CEO de Batch, société spécialisée dans les plate-formes d’engagement client, a par ailleurs partagé son expérience. « Nous utilisons la plate-forme depuis 2021, a-t-il raconté. Avec une centaine de salariés, dont la moyenne d’âge est de 28 ans, nos équipes, et notamment les plus jeunes, ont pris le covid de plein fouet. Ce sont eux qui ont amené ce sujet sur la table. Teale nous a permis de matérialiser la problématique, de la nommer et d’en parler. L’indépendance des collaborateurs dans l’usage de la solution est très importante, a-il souligné. Ni l’équipe dirigeante ni les RH n’ont accès à ce qui s’y passe et néanmoins, c’est un excellent moyen pour libérer la parole en interne et démystifier le sujet. Cela a permis de détecter des cas potentiels de burn out et de les accompagner avant qu’ils ne s’aggravent ».

Une autre initiative marquante du 10 octobre est celle du Collectif MentalTech, qui a dévoilé un rapport, nommé « Intelligence artificielle et santé mentale. Définir les frontières entre innovation, science et éthique ». Selon celui-ci, la recrudescence des troubles de l’humeur, les consultations d’urgences en psychiatrie ou encore le tabou de la santé mentale sont autant de facteurs favorisant l’émergence d’outils numériques et d’innovation, pour améliorer la précision des diagnostics, la personnalisation des traitements et l’accès aux soins.

Le rapport met également en lumière le rôle prometteur, mais non sans danger, de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé mentale. En effet, ces avancées technologiques indispensables soulèvent des interrogations cruciales quant à la protection des données et à l’éthique. Le Collectif appelle donc à la mise en place d’un cadre de « numéricovigilance » autour de dix axes majeurs, afin de garantir une utilisation responsable et transparente des innovations tout en maximisant leurs bénéfices pour les patients.

Les 5 propositions de Teale au gouvernement

Chiffrer le coût pour les finances publiques : conduire une évaluation, par exemple par l’IGAS (Inspection Générale Interministérielle des Affaires Sociales), de l’impact budgétaire, pour les finances publiques, des conséquences directes et indirectes de la mauvaise santé mentale en entreprise (arrêts maladie, prises en charge hospitalières, pertes de productivité…).

Lancer un groupe de travail (inter) ministériel : mettre en place un cycle de réunions de travail sous la responsabilité d’un ou plusieurs ministères, réunissant représentants syndicaux, patronat et experts en santé mentale, afin de définir une liste de propositions concrètes remédiant aux conséquences de la dégradation de la santé mentale en entreprise.

Sensibiliser la population : faire de la santé mentale une priorité nationale avec des campagnes de sensibilisation visant à réduire la stigmatisation et à favoriser la prévention dans les écoles, les entreprises et les collectivités. Encourager, voire imposer, des actions de formation sur la santé mentale au travail auprès des dirigeants et des employés : identification des signaux faibles, premiers gestes en santé mentale…

Faciliter l’accès aux soins psychologiques : développer des dispositifs pour les rendre plus accessibles, tant techniquement grâce au numérique, que financièrement via l’extension du remboursement des consultations chez le psychologue par la Sécurité Sociale.

Inciter les entreprises à plus de prévention : encourager fiscalement les entreprises à intégrer des programmes de santé mentale pour préserver la santé mentale de leurs collaborateurs. Soutenir et accompagner la mise en place d’un label officiel reconnu par l’Etat, certifiant les entreprises qui agissent concrètement sur ce sujet.