Écoconception web : les sites e-commerce et du CAC 40 reculent, l’IA générative arrive en force 

L’agence Razorfish France et le collectif Green IT ont dévoilé, lors du GreenTech Forum à Paris, la troisième édition du baromètre de l’écoconception digitale 2024. Outre les interfaces des sites e-commerce et du CAC 40, celles des principaux acteurs de l’IA générative ont été étudiées pour la première fois. 

Le baromètre de l’écoconception digitale mesure et note les sites web les plus représentatifs de l’économie française (CAC 40 et TOP 40 e-commerce) en fonction de leur performance environnementale. Cette année, il a inclus l’analyse des interfaces des IA génératives les plus utilisées par les entreprises et les consommateurs, parmi lesquelles celles de ChatGPT, Mistral AI ou encore Dall-e. 

Le CAC 40 ralentit ses efforts d’écoconception, le e-commerce recule 

Au total, l’ensemble des 80 sites web français les plus représentatifs obtiennent une note d’écoconception digitale en dessous de la moyenne (30/100). Ce score est en régression de deux points par rapport à la moyenne de 2023. « Pour un milliard de pages vues sur ces sites, cette baisse de deux points correspond à 40 000 kg de CO2e, soit 833 333 trajets en métro ou 3,6 millions de km en vélo électrique », déclare Ombeline Nguyen, Directrice du département stratégie & data chez Razorfish France. 

Évolution du baromètre de l’écoconception digitale sur les 80 sites étudiés © Razorfish France / Green IT  

 

Les sites corporate du CAC 40 obtiennent un score de E, soit une note moyenne de 39/100. Contrairement à l’année dernière où ils avaient progressé de six points par rapport à 2022, ils stagnent cette année. En 2023, 75 % des acteurs du CAC 40 avaient progressé (avec des augmentations allant jusqu’à 28 points par rapport à 2022). Cette année, 45 % des sites régressent avec une baisse allant de 2 à 21 points par rapport à 2023. 

Quant aux 40 sites web e-commerce étudiés, leur note moyenne est de 20/100 cette année, soit un score de F(en régression de trois points par rapport à 2023).  

Évolution sur trois ans des sites du CAC 40 et du TOP 40 e-commerce © Razorfish France / Green IT  

 

Les deux secteurs qui arrivent « en tête » sont le voyage / transport (31/100, soit -5 points vs 2023) et la distribution alimentaire (29/100, soit -2 points vs 2023). Suivent le secteur automobile / mobilité et la distribution non alimentaire. 

Les sites e-commerce classés par secteur d’activité © Razorfish France / Green IT  

 

« Malgré la complexité inhérente d’un site e-commerce, il existe un rapport de 1 à 5 en matière de performance environnementale pour un même service rendu, au sein d’une verticale sectorielle donnée. Par exemple, pour un achat alimentaire, les sites web des distributeurs ont des niveaux d’écoconception variant de 11/100 (note F) à 52/100 (note D) », déclarent les auteurs du rapport. 

 Les notes mini et maxi des sites e-commerce par secteur d’activité © Razorfish France / Green IT 

 

Un des principaux facteurs permettant d’améliorer une page est d’aller droit à l’essentiel. C’est ce que rappelle Samuel Sainton, Consultant analytics senior chez Razorfish France : « L’écoconception digitale consiste à permettre à l’utilisateur d’atteindre son but avec le moins de ressources possible. Si l’on compare les home pages de deux entreprises A et B (secteur du voyage) dont les scores sont respectivement de 23/100 et 40/100, nous constatons un écart d’un facteur 3 sur le nombre d’éléments de la page (critère DOM : Document Object Model) et d’un facteur 4 sur le poids de la page. Les avis fournis par une société tierce, les images et les liens hypertextes contribuent à complexifier les pages ». 

 Comparaison entre deux sites de voyage © Razorfish France / Green IT 

 

Pour limiter l’impact environnemental des pages longues, Samuel Sainton met en avant une astuce : l’utilisation de la technique du « lazy loading » (chargement différé) : « Cette méthode permet de ne charger que ce qui est vu à l’écran. Il faut savoir que, en général, un utilisateur ne voit que 50 % d’une page. Le lazy loading permet de diminuer le nombre de requêtes et le poids de la page, ce qui contribue à améliorer son score ».  

Les interfaces utilisateur de l’IA générative passées au crible 

Pour la première fois dans leur baromètre, Razorfish France et le collectif Green IT se sont penchés sur les interfaces des IA génératives les plus utilisées. 25 % des Français déclarent en effet y avoir aujourd’hui recours selon l’IFOP (contre 16 % en mai 2023). « Nous voyons apparaître depuis un an dans la presse des articles évoquant les impacts environnementaux de l’IA. De premiers chiffres sortent, mais nous savons qu’il est très compliqué de les quantifier précisément. Ce que nous avons cherché à faire, très humblement, c’est d’estimer ce qui est mesurable. Nous avons étudié la partie émergée de l’iceberg, c’est-à-dire le front office de ces applications, à travers leurs interfaces utilisateur, celles qui servent à prompter et à afficher les résultats. C’est forcément incomplet, mais nous avons malgré tout constaté des écarts significatifs entre elles », commente Ombeline Nguyen.  

L’étude porte sur 12 IA génératives : six textuelles et six créatives (génération d’image). Elles ont été évaluées avec l’algorithme EcoIndex pour les positionner sur une échelle de performance environnementale allant de A à G. Les six IA textuelles sont ChatGPT, Claude (Anthropic), Copilot (Microsoft), Gemini (Google), Mistral AI et Perplexity. Les six IA créatives sont Civitai, Dall-e, Firefly (Adobe), Leonardo AI, MidJourney et Pixlr. 

Les IA textuelles évaluées ont un score moyen de C avec un EcoIndex de 55/100 au chargement des interfaces. C’est nettement mieux que les sites web institutionnels du CAC 40 ou que les acteurs du e-commerce. Après le lancement du premier prompt, Mistral AI arrive en tête avec un score de 69/100, devant ChatGPT (63/100) et Perplexity (55/100). Mais après cinq prompts, la performance environnementale s’effondre au fur et à mesure de l’avancée du protocole de test, obtenant le score final de E (EcoIndex de 27/100). 

Les résultats après un prompt et après cinq prompts © Razorfish France / Green IT 

 

« Nous avons étudié – sur une série de cinq prompts – l’impact de chacun d’entre eux. Le premier prompt fait perdre 13 points de score. Les suivants font perdre cinq puis quatre points. Le dernier en fait perdre deux », détaille Samuel Sainton. 

L’écart moyen entre chaque prompt (text-to-text) sur une série de cinq © Razorfish France / Green IT 

 

Les auteurs de l’étude se sont ensuite posé la question de savoir si un prompt complexe valait mieux que cinq prompts simples (le prompt complexe rassemblant les cinq prompts simples). La réponse est sans appel : un prompt complexe est mieux noté que cinq prompts individuels. Dans la catégorie des « IA assistant » (ChatGPT, Mistral, Claude…), le bénéfice est de 13 points. Dans la catégorie des « IA Search » (Copilot, Gemini, Perplexity…), il est de 31 points.  

Comparaison entre un prompt complexe et cinq prompts simples. © Razorfish France / Green IT 

 

IA créatives : un impact environnemental plus lourd que les IA textuelles 

Enfin, dans la catégorie des IA créatives, les impacts environnementaux sont plus importants que dans celle des IA textuelles. Le score moyen d’écoconception est de D (40/100) au lancement des interfaces, il tombe ensuite à F (18/100) après six prompts. Que ce soient MidJourney, Dall-e ou encore Firefly, les IA créatives scorent en dessous de 30/100 avec des notes de E, F ou G. 

Comparaison entre l’EcoIndex moyen des IA créatives et textuelles au lancement de l’interface © Razorfish France / Green IT