IA, cybersécurité, mobilité… Les défis numériques du maire de Nevers et des villes médianes

Denis Thuriot, maire de la ville de Nevers depuis 2014, a plus d’une casquette. Président de Nevers Agglomération et conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, il préside aussi la mission Ecoter-France et Territoires Numériques depuis novembre 2023. Cette structure associative regroupe depuis 1997 des collectivités territoriales et des entreprises. Elle assure un rôle de diffusion d’informations, de veille, de conseils sur les choix de technologies d’information et de communication. A l’occasion du Salon des maires et des collectivités, l’élu nivernais fait le tour de ses enjeux numériques.

 

Le Salon des maires (19-21 novembre) est-il un rendez-vous important pour vous et la mission Ecoter ?

Notre présence sur cet événement est une belle opportunité pour rencontrer de nombreux élus et, surtout, pour les informer ou les alerter sur des sujets où ils sont encore peu engagés, comme la cybersécurité ou d’autres technologies innovantes. L’événement attire beaucoup de visiteurs. C’est un moment clé pour faire de la sensibilisation. Par ailleurs, la mission Ecoter va se réunir en début d’année pour définir une nouvelle feuille de route, avec l’objectif d’être présents dans plusieurs salons autour du numérique, de l’open data et d’autres technologies. Nous voulons montrer aux élus que nous pouvons les accompagner, les conseiller et leur faire bénéficier de notre expertise. Sur l’open data, il est nécessaire de mieux cibler ce qu’on choisit d’ouvrir, d’être sélectif et pertinent.

Un conseil à donner aux élus en matière d’approche du digital ?

En tant que président de la commission numérique de l’association Villes de France, qui regroupe les villes de 10 000 à 100 000 habitants, je partage souvent cette idée : lorsqu’on veut développer un « territoire intelligent », il ne suffit pas de le déclarer, il faut savoir par où commencer. On peut s’attaquer aux mobilités, à l’information aux voyageurs, aux bibliothèques ou encore au paiement sans contact. Mais finalement, on réalise qu’il faut avancer de manière transversale, en trouvant les solutions les mieux adaptées à son territoire, tout en jouant un rôle de chef d’orchestre.

La Mission Ecoter et le réseau des villes médianes (10 000 à 100 000 habitants) innovantes leur offrent le moyen de gagner du temps. Nous avons appris en menant des essais et des projets, ce qui aujourd’hui permet à d’autres de s’y mettre plus vite. Avec Ecoter, nous intégrons aussi des entreprises privées dans nos réflexions, pas seulement comme fournisseurs de solutions, mais comme partenaires à part entière. Cela enrichit nos démarches et profite à nos adhérents, qu’ils soient de grandes ou de petites collectivités.

La cybersécurité devrait être prise à bras le corps par les collectivités. Mais les budgets suivent-ils ?

La cybersécurité, c’est un sujet que je défends activement, notamment au sein de la mission Ecoter, parce que peu de collectivités s’y investissent vraiment au niveau national. Quand je me suis présenté en 2014 aux municipales, on n’en parlait presque pas. Aujourd’hui, rares sont les collectivités qui s’y engagent sérieusement, car cela demande des budgets conséquents. Par exemple, à Nevers, nous avons décidé d’allouer 250 000 euros sur trois ans pour améliorer notre niveau de protection. Pour se protéger correctement, il faudrait que chaque collectivité y consacre environ 10 % de son budget IT.

Les attaques sont de plus en plus sophistiquées. Les petits hôpitaux, par exemple, sont particulièrement vulnérables, car moins bien protégés que les grandes structures. La mission Ecoter avait rédigé un livre blanc sur la cybersécurité, que j’avais remis à Jean-Noël Barrot lorsqu’il était secrétaire d’État au numérique. Rien de très concret n’en est sorti au niveau du gouvernement. Pourtant, l’exemple de villes comme Angers, bloquées pendant un temps après une cyberattaque, montre l’importance d’investir pour éviter des catastrophes. L’an dernier, j’ai ajouté une subdélégation à la cybersécurité à l’un de mes élus, déjà chargé du numérique responsable. Peu de communes disposent d’un élu ou même d’agents spécifiquement dédiés à cette question, alors que c’est un enjeu de sécurité collective. Ce défi ne touche pas que les collectivités, mais aussi nos fournisseurs et nos citoyens. Une faille chez nous peut contaminer d’autres acteurs. C’est pourquoi, au sein de la mission Ecoter, nous essayons de pousser davantage de collectivités à s’engager dans une vraie politique de cybersécurité.

Concernant l’IA, appliqué à la vie des collectivités, quels sont vos espoirs ou craintes ?

A mes yeux, l’essentiel est d’avancer dans le développement d’un territoire intelligent à l’échelle de l’agglomération de Nevers. Je vois l’IA comme un outil utile pour réduire la pénibilité ou simplifier des tâches comme l’accueil. Cependant, il faut en garder la maîtrise. Les premières Assises nationales de l’éthique du numérique se tiendront à Nevers du 9 au 11 avril 2025, en partenariat avec la Mission Ecoter et le réseau SIIVIM (Sommet International de l’innovation en Ville Médiane).

La mobilité intelligente a-t-elle changé le visage de Nevers ?

Nous avons bien avancé sur le stationnement en surface en centre-ville avec l’installation de capteurs sur une bonne partie des places existantes. Idem pour les parkings souterrains. Grâce à l’appli Nevers Agglo dans ma poche, les gens peuvent savoir en temps réel s’il y a une place libre dans la rue où ils veulent aller. C’est un vrai gain, à la fois de temps et de carburant, voire d’électricité pour ceux et celles qui ont renoncé au moteur thermique. L’objectif de fluidifier la circulation et d’éviter que les gens tournent inutilement a été atteint. Quant aux véhicules autonomes, nous avons été pionniers dans le test de la navette autonome Navya en milieu public avec Keolis.

Quelles sont vos ambitions en matière de numérique responsable ?

Depuis octobre 2022, nous avons obtenu le label Numérique Responsable niveau 2, attribué par l’Institut du Numérique Responsable (INR) et l’agence Lucie. C’est une reconnaissance pour trois ans, et nous avons déjà passé un audit de renouvellement. Tout cela demande des efforts constants de la part de nos 1100 agents à l’échelle de la ville et de l’agglo.

Concrètement, cela exige de sélectionner des matériels plus économes et de changer nos usages. Cette acculturation prend du temps. Elle passe souvent par de petits gestes, comme éteindre son ordinateur correctement, à arrêter de collecter des données inutiles. Notre but est de rester souverains sur nos données, tout en évitant de gaspiller de l’énergie ou des ressources en collectant des données de façon inutile par exemple.