Cloud : En 2025, les DSI veulent piloter par la valeur autant que par les coûts

La maturité grandissante des entreprises en matière de cloudification de leurs systèmes d’information renforce leurs exigences pour choisir et piloter les usages cloud avec les métiers. Lors du dernier IT Excellence Sprint d’Alliancy, cette priorité du « pilotage par la valeur » pour l’année à venir, a aussi posé la question des compétences au sein des directions des SI.

Quelles sont les priorités cloud 2025 des directions des systèmes d’information ? La nouvelle édition de l’IT Excellence Sprint, organisé par Alliancy en partenariat avec Elastic, Cohesity, Mega International et Pluralsight, s’est tenue le 19 novembre dernier au sein de l’Aéroclub de France, à Paris, pour répondre à cette question. L’occasion pour les chief information officers réunis d’évoquer leurs préoccupations concernant leurs transformations cloud et de confronter leurs visions du marché.

La soirée, préparée par Alain Issarni, ex-DSI de la CPAM et de la DGFIP, et ancien CEO de l’opérateur français de cloud souverain Numspot, a permis aux CIO d’échanger à partir des témoignages et des questionnements de quatre de leurs pairs. Ainsi, Yovan Obrenovitch, DSI de la Française des Jeux, Julien Gaffet, directeur général adjoint et Group CTIO de la banque Oney (groupe BPCE), Jacques Bouldoires, directeur général et DSI de iMSA (le GIE informatique de la Mutualité Sociale Agricole), et Djilalli Kies, DSI de l’opérateur d’infrastructures et de réseaux TDF, ont animé les échanges tout au long de la soirée à partir de leurs propres expériences.

La question des priorités des DSI se pose aujourd’hui alors qu’à de rares exceptions près, les organisations privées comme publiques ne sont plus dans l’optique de décommissionner complètement leurs propres datacenters. C’est plutôt la coexistence des systèmes dans des modèles hybrides – on-premise, cloud privé, cloud public – avec une amélioration de leurs propres fonctionnements en interne, en s’inspirant des bonnes pratiques portées par le cloud, qui a leur faveur. Mais cela ne va pas sans conséquences.

Yovan Obrenovitch rappelle ainsi que « tout le monde commence aujourd’hui à faire la différence entre les promesses du cloud telles qu’elles étaient faites il y a quelques années et la réalité actuelle des organisations ». Si le cloud amène bien de l’élasticité et de la standardisation, notamment autour des chaînes de développement, il ne s’agit pas pour autant de gains indifférenciés. « On ne peut pas être dans une logique all-in », résume le DSI, qui a expliqué comment son entreprise a soigneusement cartographié son système d’information pour choisir ses combats cloud.

Une relation vivante avec les métiers, pour les responsabiliser sur le cloud

Dans ce contexte, il estime que l’un des défis principaux qui échoient à tout DSI se projetant sur un avenir cloud est celui du pilotage par la valeur. Derrière cette expression, c’est en fait la bonne relation IT-métier qui est interrogée. « Derrière le sujet du FinOps, c’est-à-dire du contrôle des coûts du cloud, il y a une question plus difficile : comment mesurer la valeur apportée ? ». C’est une réflexion générale de plus en plus forte pour les DSI, mais qui devient incontournable quand on entre dans des modèles « opex » portés par le cloud (c’est-à-dire des paiements récurrents et à l’usage, plutôt que des investissements, NDLR), qui imposent d’avoir une relation vivante, très forte, avec les métiers, afin de les responsabiliser », souligne le DSI de la Française des Jeux.

D’autant que ce sont bien les métiers qui donnent le ton de cette transformation. « Est-ce que vous avez vraiment eu le choix, en tant que DSI, d’aller vers le cloud, face aux attentes des métiers ? » interroge Jacques Bouldoires, de l’iMSA. Lui-même considère en effet que la transformation cloud de son organisation, comme celle de beaucoup d’autres, a été précipitée par le choc Covid et la nécessité d’accélérer la sortie de services essentiels face à l’urgence pandémique. Avec en toile de fond, l’importance de ne pas rater le virage d’un nouveau pilotage coût/valeur pertinent pour l’entreprise.

« On est rapidement rattrapé par le pilotage des coûts quand on avance vite sur le sujet cloud. Mais cette évaluation des coûts n’a de sens que si elle est mise en face d’une objectivation de la valeur créée, de façon maîtrisée… Je pense d’ailleurs que c’est pour cela qu’on voit aujourd’hui chez certains des retours en arrière très violents dans leur transformation cloud, car cela n’a pas été anticipé », reconnaît ainsi un des invités de la soirée.

Or, les DSI se retrouvent face à un effet ciseaux : d’un côté, on leur vante la simplicité de l’accès aux solutions cloud, mais de l’autre, sans encadrer les usages et les maîtriser, les coûts peuvent vite devenir incontrôlés face à une valeur pas toujours au rendez-vous. « Le paradoxe, c’est que dans ce contexte, il faut, au sein de l’entreprise, un niveau de compétence presque supérieur à celui qu’elle avait sur ses infrastructures historiques, afin de bien comprendre ce qui se passe chez elle et sur le marché. Or, ces compétences sont rares et se retrouvent souvent plus chez les acteurs du cloud eux-mêmes que dans nos organisations », note Yovan Obrenovitch.

Urgence d’agir face au boom de l’intelligence artificielle

« Comment je maîtrise mes coûts, ma sécurité, l’impact sur l’architecture… ce sont autant de points qui nécessitent d’avoir des compétences en interne », abonde Djilalli Kies, le DSI de TDF. « Au-delà de la façon de piloter le cloud, ce qui apparaît, c’est la nécessité de définir ce que l’on doit absolument maîtriser pour ne pas être en risque, à travers une gestion de ces nouvelles dépendances et une vision plus globale sur la résilience de son activité », pointe-t-il.

Le boom de l’intelligence artificielle rend cette préoccupation encore plus aiguë, à l’approche de 2025. « Sans cloud, on ne peut pas parler d’IA. Mais cela tire de nombreux autres sujets : shadow IT, développements à la main des métiers, rupture dans le dimensionnement des projets… Autrement dit, l’IA vient percuter la relation IT-métier, et la DSI doit s’efforcer d’avoir une expertise interne qui lui permette de ne pas se laisser déborder », analyse Jacques Bouldoires. Pour lui, cette pression ne peut que pousser les équipes IT à devenir encore plus « business partners », comme le veut l’expression consacrée.

Pour Julien Gaffet, directeur général adjoint de la banque Oney et son chief information and technology officer, le premier enjeu du cloud se situe dans la capacité à démontrer les gains en termes de qualité de service, de monitoring, de gestion des changements sur l’activité… en parallèle de la maîtrise des coûts. « Il y a encore beaucoup de fausses idées qui circulent sur le FinOps », met-il en garde, en soulignant que le levier de la diminution des coûts reste encore trop souvent le point central des réflexions de ceux qui ne maîtrisent pas les tenants et aboutissants de la transformation cloud. « De notre côté, nous avons avant tout communiqué en interne et en externe pour montrer l’effet sur la qualité de service. C’est un moyen de faire aussi d’une telle transformation un élément de fierté d’entreprise », souligne-t-il, pour expliquer le focus nécessaire sur le pilotage par la valeur.

Lui aussi reconnait que ces enjeux de pilotage sont intrinsèquement liés à l’autre défi majeur pour l’avenir mis en avant par ses pairs : « L’enjeu des compétences, des nouveaux métiers, de l’évolution des équipes… L’importance de la gestion du changement à ce niveau dans nos organisations ne peut pas être ignorée ». Vu par les DSI en cette fin d’année 2024, le cloud n’a donc jamais été autant un défi humain, plus qu’un sujet technique.

IT Excellence Sprint 2024 : les éclairages des partenaires de l’événement

Pilotage par la valeur, gestion différente des compétences… Ces deux priorités fortes, ressorties des témoignages des DSI lors la rencontre du 19 novembre, n’ont pas manqué de faire réagir les partenaires associés à la rencontre. Après avoir écouté les réflexions des invités lors des ateliers, les représentants d’Elastic, Cohesity, Mega International et Pluralsight ont chacun eu la possibilité de présenter leur vision sur les sujets clés de la soirée. Le dîner-débat qui a suivi a permis aux participants de confronter leurs idées et d’approfondir les discussions sur les thématiques à explorer collectivement en 2025.