200 dollars de ChatGPT : business as usual ou signe annonciateur des nouvelles fractures numériques ?

[BILLET D’HUMEUR] L’annonce fait partie du « shipmas », cette opération marketing sous forme de calendrier de l’avent qui rythme les derniers jours de l’année pour OpenAI. La sortie d’un abonnement « ChatGPT Pro » de 200 dollars par mois (contre 20 dollars pour la version « ChatGPT Plus » qui prévalait jusque-là) n’a pas manqué de faire réagir.

 

En effet, cet abonnement promet l’accès « à la pointe des avancées en matière d’IA ». Il s’agit en particulier de pouvoir utiliser la version « pro » du modèle de dernière génération o1, qui utilise encore plus de puissance de calcul pour fournir des réponses pertinentes aux problématiques complexes. Selon OpenAI, ce modèle « produit des réponses plus fiables, plus précises et plus complètes », en particulier pour les activités exigeantes de data science, de programmation ou celles demandant « l’analyse de la jurisprudence ». L’offre coexiste d’ailleurs avec celle plus classique pour les entreprises, appelée « Team », pour 25 ou 30 dollars par mois et par utilisateur (que les organisations ne sont d’ailleurs pas toujours à l’aise de payer), mais avec un accès limité au modèle o1 (non « pro », donc). Pour ceux qui n’ont pas des problèmes « complexes » à résoudre donc.

Cependant, dans un monde où l’intelligence artificielle impose son omniprésence, elle fera des gagnants et des perdants, en agrandissant des fractures numériques déjà de plus en plus visibles. La gradation des usages, des tarifs (et de la consommation énergétique associée) que semble annoncer le business model d’OpenAI laisse entrevoir un avenir fait d’IA pour les plus riches et d’IA pour les pauvres.

Pour l’heure, ceci ne concerne que des IA génératives avec des interfaces textes (ou vocales dans le cas de ChatGPT Pro). Mais la démocratisation prochaine des Agents IA, de plus en plus autonomes, comme autant d’assistants du quotidien, étendra cette problématique à de nombreux autres aspects de la vie dans quelques années. Les 200 dollars d’un abonnement premium permettront alors d’acheter du temps, de la facilité, de l’intelligence… plus encore qu’aujourd’hui.

Alors bien sûr, on peut se dire que tout le monde n’a pas besoin de la puissance de calcul induite par un modèle comme o1pro. Et qu’à ce titre, le tarif exact de cette offre est moins une histoire de moyens que de besoins. Après tout, c’est l’argumentation même d’OpenAI, qui vante l’intérêt pour un nombre restreint d’activités professionnelles. Mais, jusqu’à présent, la réalité du développement de l’IA générative nous montre que nous ne sommes qu’au tout début de l’histoire, et que chaque modèle remplace les précédents dans la grille tarifaire. Il n’y a pas de raison qu’OpenAI s’arrête en si bon chemin sur cette course à une plus grande capacité et à des modèles toujours plus fins et ambitieux. À terme, toute la question résidera donc dans l’écart qui existera entre les versions « premium » qui se paieront rubis sur l’ongle, et celles « gratuites » qui seront financées autrement (par la publicité ou l’utilisation des données des utilisateurs ?). En ce sens, un abonnement à 200 dollars ressemble surtout à un ballon d’essai pour une entreprise qui cherche encore ses chemins de développement commerciaux.