L’enjeu de s’accorder sur une gouvernance internationale de l’IA grandit à l’approche du Sommet parisien pour l’action sur l’IA de février. Le rapport de l’OPECST, dirigé par des élus, donne ses recommandations pour l’évènement et pour développer la souveraineté française.
Donald Trump a nommé le 6 décembre son « tsar de l’intelligence artificielle », David Sacks. À sa manière americanocentriste, le président américain soulève l’enjeu d’un leadership mondial pour l’IA. « La tâche de David sera de faire des Etats-Unis le leader mondial incontesté dans les domaines de l’IA et de la cybersécurité », a-t-il déclaré sur son réseau Truth Social. Ce défi de désigner une gouvernance internationale pour l’IA est également souligné par Paris, qui en a fait un des 5 thèmes principaux de son Sommet pour l’action sur l’IA du 10 & 11 février 2025. Sans surprise, il apparaît également parmi les 18 recommandations de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) dans le rapport remis par le Sénat et l’Assemblée Nationale en décembre. Le document, qui tente de dresser un bilan des technologies d’IA et d’anticiper les tendances qui s’en dégagent, dénombre une dizaine de projets de ce type dans le monde, de la part de l’Unesco ou du G7 entre autres. Une accumulation peu efficace, déplore le rapport d’experts, qui recommandent de placer cette gouvernance sous l’égide de l’ONU, seul acteur légitime dont les « compétences s’étendraient de la coordination internationale de la régulation de l’IA à la lutte contre la fracture numérique mondiale ». Les travaux de l’OCDE et de l’UE montrent que l’approche de la régulation mondiale de l’IA doit être multidimensionnelle. La gouvernance va donc permettre de réguler l’IA de la manière la plus coordonnée possible. Une coordination essentielle, car toute une chaîne de valeur doit être encadrée, des microprocesseurs aux applications pour les consommateurs, en passant par le stockage de données. Et, qui dit gouvernance mondiale, dit cadre législatif commun pour tout le monde. Les industries européennes, restreintes par l’IA Act, verraient leurs concurrents américains et chinois soumis aux mêmes contraintes. De quoi faire revenir des investisseurs et redonner de la compétitivité à l’Europe.
Une bonne IA chez soi plutôt qu’une très bonne chez les autres
Et justement, de la compétitivité, c’est bien ce qu’il manque à la France d’après le rapport nommé « Chat GPT, et après ? » Celui-ci regrette l’abandon du plan « France IA » de François Hollande en 2017 et aussi la stratégie d’Emmanuel Macron de 1,5 milliards d’euros, défaillante car sans pilote. Aujourd’hui, les sommes françaises investies sont dérisoires. En mai 2024, le président Macron a annoncé un plan d’investissement de 400 millions d’euros, 67 fois moins que la recommandation de la Commission de l’IA qui estimait les fonds nécessaires à la compétitivité française à… 27 milliards d’euros. C’est là que peux intervenir l’Union européenne. Annoncer un programme européen de coopération en IA est une des propositions du rapport. Celui-ci mentionne également une coalition avec les pays partageant une vision similaire à la France sur l’IA, à savoir l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie. Une entraide en Europe permettrait d’atteindre des objectifs plus ambitieux, comme celui de développer une chaîne de valeur autonome de l’IA au niveau européen. « Il vaut mieux une bonne IA chez soi qu’une très bonne chez les autres », a déclaré Alexandre Sabatou, député RN et co-auteur du rapport, lors d’une conférence de presse. Cela donnerait une autonomie stratégique à l’UE, leur permettant d’instaurer des valeurs européennes dans l’IA comme la démocratie.
Développer la souveraineté en prenant exemple à l’international
Les valeurs européennes ne peuvent primer pour l’instant face à des IA entraînées sur des bases de données et des LLM anglo-saxons. Ces derniers contribuent d’ailleurs à renforcer l’hégémonie américaine sur tous les territoires, provoquant de réels enjeux culturels. Pour lutter contre cette problématique d’uniformisation culturelle et renforcer l’image de la France, le rapport mentionne un besoin de créer des bases de données francophones, en s’appuyant sur l’INA par exemple, pour entraîner les LLM. Une idée directement inspirée des Espagnols, mais qui soulève une problématique autour des droits d’auteurs de ces données. Les auteurs du rapport envient la grande campagne de formation, des scolaires aux professionnels, de nos voisins finlandais. Un suivi qui tend aussi à renforcer la démocratie.
Mais, s’il y a bien un exemple à suivre pour faire grandir l’attractivité de la France, c’est celui des Pays-Bas où l’écosystème public et privé sont rassemblés autour de projets transdisciplinaires, et où les chercheurs sont amenés à travailler en entreprise pendant 3-4 ans pour mettre en application leurs recherches. Cette synergie entre le privé et le public permet aux chercheurs de s’orienter naturellement vers des projets plus concrets, et donne aux entreprises une compréhension essentielle des outils qu’ils développent. Grâce à cette approche, et donc plus de moyens, la recherche publique hexagonale pourrait rattraper son retard sur celle du privée et éviter la fuite des cerveaux français aux Etats-Unis. Investir dans un supercalculateur serait une véritable plus-value. Reste que, pour que tout le monde s’accorde, des discussions doivent avoir lieu, c’est une autre proposition du rapport de l’OPECST. À quand un Grenelle de l’IA ?