A chaque acteur public, sa stratégie « dev » : mutualisation aboutie des moyens au sein de nombreuses collectivités territoriales ou dosage soigneux de l’externalisation dans les structures plus intensives en « capital dev », le curseur voyage au gré des besoins. Un point est certain : les exigences en formation ne cessent de croître au sein du secteur public, d’autant plus que des technologies émergentes comme l’IA générative y poussent fortement.
La variété des stratégies et des équipes de développeurs, répond à la variété des acteurs publics elle-même. Dans la ville de Rennes, à Cannes ou encore au sein l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), les besoins en développement diffèrent et répondent à des cultures organisationnelles qui ne se ressemblent pas : mutualisation des moyens et intégration territoriale des politiques du numérique, d’un côté, pragmatisme stratégique du taux d’externalisation et cadre réglementaire prégnant, de l’autre. Tout est affaire de circonstances.
Avec ses 7000 agents et 300 métiers, Rennes Métropole, qui a moins de ressources de développement en interne que la région Bretagne, s’appuie au maximum sur les structures préexistantes. « Leurs développeurs font du build, puis développent avant de mettre en œuvre. Nous ne sommes pas trop dans cette culture-là. Nous avons quelques développeurs pour le fonctionnement de notre réseau en interne et nos 250 applications métiers environ », décrit Norbert Friant, qui pilote la direction des services numériques (DSN) de Rennes Métropole.
Près de 1000 kilomètres plus au Sud, au sein de la communauté d’agglomération de Cannes Pays de Lérins, les choix opérés sont différents. « Notre communauté d‘agglomération dispose d’un service informatique mutualisé avec la ville de Cannes. Il comprend 27 personnes mais n’a pas d’activité de développement en propre. C’est un arbitrage historique de la collectivité qui n’a pas souhaité internaliser ce type compétences. Quand nous avons besoin de développements spécifiques, nous passons par des prestataires extérieurs », déclare William Michel, à la tête de la direction Innovation et Territoire connecté de la communauté d’agglo.
« Pour préparer le monde de demain, le secteur public sait-il séduire les développeurs ? »
réalisée en amont de l’édition 2025 du Master Dev France, dont Alliancy est partenaire. Vous souhaitez témoigner de votre expérience sur la question ?
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Le besoin de souplesse des organisations prime
Avoir ou non des développeurs en interne est toujours le résultat d’un arbitrage stratégique, opérationnel et…économique, taux journalier moyen (TJM) oblige ! Le degré de technicité du besoin, et donc de son coût final, entre concomitamment en ligne de compte. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), la caisse nationale des Urssaf, a une position très claire sur ce sujet : « Actuellement, au sein de notre DSI, nous réinternalisons une partie de nos besoins en développement, qui représentent environ une vingtaine de postes. L’an passé, toutes fonctions confondues (chefs de projets, référents techniques, architectes réseaux), nous avons recruté à peu près 250 personnes. Cette année, je pense que cela tournera autour de 100 à 150 personnes », explique Jean-Baptiste Courouble, DSI de l’Acoss. Le DSI avait décrit les ambitions de ces plans de recrutement ambitieux à Alliancy, l’an passé. La structure a tendance à garder en interne les postes qui nécessitent une réelle expertise, que ce soit sur le plan fonctionnel ou technique. Pas de « zéro » externalisation en vue pour autant. « Nous devons garder ce volant d’externalisation car il nous permet d’agir à la fois sur le plan de charge et l’expertise requise en matière de technologies émergentes, par exemple, pour mener à bien notre stratégie », complète Jean-Baptiste Courouble.
Diplômes : le seuil des exigences en hausse
« Aujourd’hui, nous ne recrutons pas à moins de BAC+3. Pour les alternants, nous n’avons pas de soucis à trouver des candidats, le vivier est large », admet William Michel dont la direction entretient un partenariat direct avec les universités et écoles locales. S’il lui est tout à fait possible de créer les modalités de stage nécessaires pour accueillir des stagiaires et alternants pour des recrutements, le cadre est plus contraint. William Michel ne peut pas embaucher un collaborateur sans d’abord ouvrir un poste, monter un jury de recrutement et privilégier d’abord les candidatures de personnes postulant en interne. « C’est structurel, ce sont les règles », souligne le responsable qui ajoute que « même si nous avons un quota de recrutement limité, nous représentons une direction qui est plutôt privilégiée ».
En Bretagne, terre de cybersécurité et d’électronique s’il en est, les diplômés de l’ISTIC IT & Electronique de Rennes ou bien ceux ayant choisi de se spécialiser dans les Réseaux et les Télécoms sont très appréciés. Tout comme les étudiants ayant décroché un BTS, comme le BTS CIEL (cybersécurité, informatique et réseaux). « Ce sont souvent des personnes très pragmatiques et qui ont déjà acquis une expérience projet. Nous avons besoin de faiseurs, de gens qui délivrent les projets, de cols bleus du code pour ainsi dire », souligne Norbert Friant.
Des formateurs conscients des défis à relever
Le monde de la formation se bat également pour valoriser ce pragmatisme. Simplon est un organisme de formation qui s’inscrit dans l’économie sociale et solidaire (ESS). Depuis sa création en 2013, la structure accompagne à la fois des demandeurs d’emploi sur des formations, sur des métiers en très forte tension, dont les filières du développement logiciel. Elle en fait de même auprès de salariés, qui veulent monter en compétences sur leur poste ou sont en reconversion.
Face à des métiers en tension et qui changent vite, Simplon a systématisé une approche certifiante avec des titres professionnels reconnus par France Compétences, l’institution de régulation et financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage. « Avec le groupe La Poste, nous avons reconverti cinq promotions de postiers en développeurs web entre 2016 et 2021 et une autre en 2023 également. Ces cursus contribuent à activer un ascenseur social au niveau des grilles RH internes car on passe à des niveaux BAC+4 », mentionne Mathieu Giannecchini, directeur général adjoint de Simplon.
La structure a également anticipé la demande en compétences IA. Elle a mis en place une formation diplômante de développeur en IA. « L’enjeu pour un développeur est de pouvoir ses compétences en IA Gen pour gagner en productivité au quotidien et rendre de nouveaux services aux usagers dans la sphère publique. Je ne saurais que trop conseiller aux personnes qui souhaitent rejoindre la filière du développement de se concentrer sur ces sujets désormais incontournables », conclut Mathieu Giannecchini. Les développeurs de demain ne seront pas tout à fait les mêmes qu’hier, dans le secteur public comme ailleurs.