Piloter une ESN : Cyril Malargé refuse l’attentisme

Pour sa première chronique dédiée à la transformation des entreprises de services du numérique (ESN), Sylvain Fievet revient sur l’annonce des résultats d’un acteur emblématique, Sopra Steria. Il souligne comment le cap décidé par son dirigeant, Cyril Malargé, apparait clairement.

 

Les crises révèlent les dirigeants. Nous y sommes. Après des années de croissance quasi automatique, les ESN affrontent un marché en ralentissement. Moins de projets, des décisions d’investissement différées, des budgets resserrés. L’heure n’est plus à l’optimisation progressive, mais à la réinvention. Or, les ESN ne sont pas que des structures industrielles, elles sont le reflet de leurs dirigeants. Dans cette période de turbulences, certaines naviguent à vue. D’autres, au contraire, rebattent les cartes et accélèrent sur les terrains de jeu qui comptent vraiment. 


Cyril Malargé et Sopra Steria : un CEO au cap assumé
 

Sopra Steria ne s’enferme pas dans l’attentisme. En 2024, malgré un chiffre d’affaires en léger recul (-0,5 % à 5,78 milliards d’euros), la rentabilité progresse (+0,4 point à 9,8 %). Mais au-delà des chiffres, ce qui marque, c’est le repositionnement stratégique : 

  • Recentrage sur les offres à forte valeur : cybersécurité, cloud, intelligence artificielle. 
  • Industrialisation du modèle : structurer des offres packagées plutôt que de multiplier des projets unitaires. 
  • Réorganisation autour d’un pôle software renforcé : l’objectif n’est pas de sortir du logiciel, mais de le réintégrer différemment dans la stratégie du groupe. 

Sopra Steria ne cherche pas à maintenir coûte que coûte un modèle ancien, mais à créer de nouveaux leviers de croissance. « La transformation du groupe est un engagement de long terme, ce n’est pas une réponse à court terme à une situation de marché. Nous devons sans cesse nous réinventer pour offrir plus d’impact à nos clients. » explique Cyril Malargé.


Industrialiser sans perdre l’essence d’une ESN
 

L’ESN traditionnelle repose encore trop sur la multiplication des effectifs et des projets. Une approche parfois enfermée dans l’entre-soi du secteur. Cyril Malargé prend un autre chemin. Il repense la manière dont Sopra Steria délivre de la valeur : Lignes de services unifiées pour une approche plus cohérente ; direction des Opérations Groupe pour garantir une exécution plus efficace ; investissements ciblés pour éviter la dispersion et maximiser l’impact. C’est un virage exigeant : industrialiser sans tomber dans la standardisation. Mais c’est la condition pour rester un acteur structurant du numérique européen. 


L’intelligence artificielle : transformation subie ou intégrée ?
 

Tout le monde parle d’IA sur le marché, mais qui l’intègre réellement dans son fonctionnement ? Chez Sopra Steria, l’IA ne semble pas être un élément d’offre parmi d’autres, elle transforme l’entreprise de l’intérieur. En résumé : 

  • Tous les collaborateurs sont formés aux fondamentaux de l’IA pour éviter une approche trop cloisonnée. 
  • Des agents d’IA générative sont intégrés aux outils de développement pour accélérer la productivité. 
  • Une vision assumée : « L’intelligence artificielle n’est pas un sujet conjoncturel, c’est un changement de paradigme. » 

Là où d’autres hésitent encore, Sopra Steria choisit donc d’en faire une brique structurante. Le récent partenariat entre Sopra Steria et Mistral AI illustre aussi cette volonté de ne pas seulement suivre l’évolution technologique, mais d’en être acteur. L’accord vise à proposer des solutions d’IA avancées et souveraines aux organisations européennes. Là encore, pour Cyril Malargé : « Nous voulons donner à nos clients l’accès aux meilleures solutions d’intelligence artificielle, avec un cadre qui respecte leurs exigences en matière de sécurité et de souveraineté. »

Loin d’une simple annonce de façade, ce partenariat traduit une approche stratégique en travaillant avec des acteurs européens pour proposer des solutions en alternative aux géants américains. Il s’agit de concevoir des offres packagées en IA adaptées aux besoins des grandes organisations et du secteur public, mais aussi de faire évoluer les modèles de Sopra Steria en intégrant ces briques dans ses services existants. 

 

Les ESN ont-elles encore l’audace de changer ? 

Ce coup de projecteur rapide sur les choix de Cyril Malargé ouvre en fait des questionnements plus large :

Qui sont les dirigeants qui osent repenser leur modèle, plutôt que d’attendre un retour à la normale ?
Qui accélère sur les nouvelles technologies, au lieu d’attendre que le marché les y pousse ?
Qui transforme ses équipes pour préparer l’avenir, plutôt que de s’accrocher à l’existant ? 

L’ESN de demain ne ressemblera plus à celle d’hier. Et ce sont les choix des dirigeants aujourd’hui qui façonneront cette transformation. Je vous invite dans ce contexte à suivre mes prochains coups de projecteurs dans ces chroniques, sur ces dirigeants qui ne se contentent pas d’optimiser, mais qui inventent le futur des ESN.