DeepSeek : la Silicon Valley vit son “moment Spoutnik” 

 

[Billet d’humeur] En 1957, l’Amérique assistait, stupéfaite, à la mise en orbite inattendue du satellite soviétique Spoutnik. Soixante-huit plus tard, le cauchemar recommence mais vient d’Asie, cette fois.

 

Fin janvier 2025, le chinois DeepSeek a rebattu les cartes et prouvé au monde entier que l’intelligence artificielle de demain ne se jouerait pas uniquement entre San Francisco et Mountain View. Une claque pour la Silicon Valley, convaincue d’être intouchable et maîtresse incontestée du jeu technologique. Un rappel pour les Américains obligés d’admettre qu’ils n’ont (toujours) pas le monopole du génie. Pour les titans outre-Atlantique la sanction fut de taille. Le 27 janvier, deux jours à peine après la sortie du moteur d’IA open source chinois, plus de 1.000 milliards de dollars de valeur sur les marchés financiers mondiaux se sont envolés, dont 589 milliards de dollars de capitalisation en un jour pour Nvidia qui perdait 17 % à Wall Street. Historique ! 

Le modèle d’IA de la start-up chinoise, jusqu’alors méconnue, rivalise avec les meilleurs et, selon elle, sans les milliards de dollars d’investissement ni l’arsenal de données accumulé par ses concurrents américains. Moins de bruit, plus d’efficacité, ce sursaut asiatique met en lumière un paradoxe : alors que l’on voyait la Silicon Valley poursuivre son rythme effréné d’innovations, elle semble aujourd’hui prise de court. À l’Ouest, rien de nouveau ? La question se pose. Car, pendant que les mastodontes de la tech peaufinent des versions successives de leurs modèles en jonglant avec des contraintes économiques et éthiques, d’autres réussissent des sauts quantiques.  

Plus qu’un exploit technique, cette montée en puissance de DeepSeek envoie un signal fort et positif : l’innovation n’est pas l’apanage d’un seul hémisphère mais émerge là où l’audace et la rigueur se rencontrent. Là où la volonté de repousser les limites prime sur le simple capital. Le phénomène DeepSeek nous rappelle que l’IA n’a pas de passeport et que la prochaine révolution pourrait très bien se jouer ailleurs. Pourquoi pas en France, au CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), où l’approche open source en matière de modèle d’IA est déjà à l’étude.