Après DeepSeek, les géants de l’IA générative ont-ils perdu leur avantage ? 

 

Le Chinois DeepSeek a bousculé le monde de l’IA générative avec son interface à bas coût mais très performante, au point de remettre en cause l’hégémonie des mastodontes comme OpenAI qui a évoqué le sujet lors de la conférence Human[X] à Las Vegas cette semaine.

 

Ces deux dernières années, une poignée de ces assistants IA s’étaient imposés, de ChatGPT à Claude (Anthropic), en passant par le Gemini de Google, grâce à des investissements de plusieurs milliards de dollars pour attirer les meilleurs ingénieurs et déployer les capacités adéquates (puces, serveurs, centres de données). DeepSeek a lui produit son modèle R1 avec moins de processeurs, en se passant des puces les plus avancées, pour un coût affiché de six millions de dollars seulement, même si plusieurs spécialistes le disent très sous-estimé. Pour beaucoup, plus qu’une révolution, cet épisode a mis en évidence un mouvement à l’oeuvre depuis plusieurs mois déjà, celui de la « banalisation » (commoditization) des interfaces d’IA générative. « Il devient de moins en moins onéreux de lancer un modèle et la question de savoir vers lequel vous allez est de moins en moins importante », explique Thomas Wolf, cofondateur de la plateforme d’IA en accès libre Hugging Face. « Les gens vont vers un univers multi-modèles », poursuit-t-il. « Avoir le choix, c’est formidable. » Le polytechnicien voit dans l’accueil mesuré qu’ont réservé le milieu et les médias au dernier lancement d’OpenAI (GPT 4.5), fin février, l’illustration de cette tendance. 

 

Une inégalité entre les modèles

 

« Ce n’est pas vrai » que tous les modèles se valent, a réagi Kevin Weil, responsable produit chez OpenAI, lors de la conférence HumanX sur l’IA à Las Vegas. « Nous n’aurons plus jamais 12 mois d’avance » sur la concurrence, « mais nous sommes encore devant de 3 à 6 mois », a-t-il affirmé. Avec ses 400 millions d’utilisateurs particuliers, la start-up californienne bénéfice, selon lui, d’un effet de taille qui lui confère un avantage lié aux données tirées de cette fréquentation de masse, utilisées pour améliorer constamment ses modèles. « Je pense que vous allez rester devant, mais l’écart va se réduire et, dans une multitude de cas, vous deviendrez interchangeable » avec d’autres interfaces, lui a répondu Jeff Seibert, patron de la start-up Digits (comptabilité et IA). « Pour les applications les plus avancées, il y aura une différence, mais pour l’essentiel des autres usages, cela n’aura pas de grande importance », a-t-il insisté. « Donc, mon conseil aux entrepreneurs et aux investisseurs, c’est de s’assurer que vous pouvez passer facilement d’un modèle à un autre. » 

 

Des coûts de conception en baisse

 

Une meilleure utilisation des puces et de nouvelles techniques d’optimisation des modèles (appelé renforcement) ont fait chuter le coût de conception d’un LLM (large language model), le moteur qui se cache sous le capot de ChatGPT ou de Gemini (Google). L’ascendant que prend l' »open source », c’est-à-dire la publication d’un programme pour utilisation libre et gratuite, contribue également à démultiplier les plateformes IA générative. « La valorisation des spécialistes des grands modèles comme OpenAI et Anthropic », parmi les rares désormais à résister à l' »open source », « a probablement atteint un pic, à mesure que se dissipe l’influence liée à leur précocité », selon Angelo Zino, du cabinet CFRA. Cela n’a pas empêché la société japonaise d’investissement SoftBank, connue pour son bilan contrasté dans la tech, d’injecter, en février, 40 milliards de dollars au capital d’OpenAI. 

 

Continuer à lever des fonds

 

L’opération valorise l’entreprise à 300 milliards de dollars, quasiment le double de ce qu’elle pesait l’an dernier. « OpenAI conserve un rayonnement à la Google (et son moteur de recherche), parce qu’il est le plus connu », avance Fen Zhao, de la société de capital-investissement Alpha Edison. Début mars, Anthropic a, lui, levé 3,5 milliards, ce qui évalue le chantre de l’IA responsable à 61,5 milliards de dollars. « Si vous engloutissez un milliard de cash par mois, ce qui est le cas, je crois, d’OpenAI, vous devez continuer à lever de l’argent, jusqu’à ce que votre chiffre d’affaires dépasse ce montant et j’ai du mal à voir comment ils vont y arriver », a commenté, à Las Vegas, Jai Das, de la société de capital-investissement Sapphire Ventures.