Hervé Sortais, nouveau directeur France de l’ESN indienne Wipro, nous dévoile la stratégie qu’il a mise en place depuis son arrivée en août 2014.
Quels sont vos objectifs de croissance en France ?
L’Europe continentale est pour Wipro une zone de croissance potentielle très forte. En France, nous réalisons autour de 150 millions d’euros, soit 20 à 25 % du chiffre d’affaires de Wipro en Europe continentale. Notre objectif est de tripler ce chiffre d’ici trois à cinq ans. Notre rythme de croissance va dépendre de notre capacité à accompagner la transformation digitale de nos clients, mais aussi de la croissance externe. Nous sommes en veille active pour racheter une entreprise sur le marché français, positionnée sur un secteur ou un métier qui nous intéresse. Mais cela peut aussi être une entreprise européenne avec une forte activité en France, où dans un des autres pays ciblés, le Benelux et les pays nordiques. Il y aura un arbitrage à faire au niveau européen. Ce qu’on va regarder c’est comment cette acquisition va nous permettre d’accélérer notre stratégie. Avoir quelques ingénieurs Java en plus, cela n’a pas beaucoup de sens pour nous qui en avons déjà des milliers en Inde. Par contre, avoir des ingénieurs Java avec une expertise du métier de l’assurance, ou de l’automobile, là oui. Nous prévoyons de recruter en France 100 personnes en deux ans, sur nos différents sites : à Paris, Clermont-Ferrand, Rennes et Toulouse. Mais une opération de croissance externe nous permettrait d’avancer encore plus vite.
Est-ce un changement de cap pour Wipro France ?
C’est un changement dans la continuité. Chez Wipro, nous sommes assez à l’aise avec l’évolution du marché. Nous sommes très présents aux États-Unis, pays en avance sur la transformation digitale. Au niveau français, nous étions peut-être restés un peu trop sur nos acquis. L’idée maintenant, c’est de travailler plus en amont avec nos clients et nos prospects, d’être dans une démarche de co-construction pour faire naître les projets qui vont leur faire de gagner des ventes ou réduire leurs coûts. Aujourd’hui, lors des appels d’offres, si vous n’avez pas participé à la réflexion en amont, vous n’avez quasiment aucune chance. Nous avons donc fait évoluer notre manière de vendre.
C’est-à-dire ?
Nous avons des équipes dédiées à l’innovation, avec des rôles types: des « idéateurs », des « créateurs » et des « prototypeurs ». Derrière, cela peut déboucher sur une réflexion plus générale avec application de ces innovations à toute l’entreprise. Nous avons également fait évoluer le concept de SLA (Service Level Agreement). Au lieu d’évaluer la disponibilité en terme techniques, nous validons avec le client des critères métiers, qui parlent à tous les utilisateurs finaux. Nous parlons donc de BLA (Business Level Agreement). Cela fait partie de toute une plateforme de services baptisée Service Next Generation et que nos clients apprécient beaucoup.
Quels secteurs ciblez-vous plus particulièrement en France ?
Nous pensons avoir encore une marge de progression sur les groupes du CAC 40. Chez Wipro, nous avons mis en place une organisation mondiale pour répondre aux défis de nos clients, qui eux-mêmes ont souvent une présence mondiale. La philosophie du groupe a toujours été d’accompagner nos clients à long terme. Nous voulons les aider à se transformer pour gérer les challenges de leurs marchés. Wipro, ce sont 143 000 collaborateurs dans 59 pays, et seulement 1 044 clients. Nous avons peu de clients, mais nous sommes aux petits soins avec eux. En France, nous avons une belle dynamique dans le manufacturing, dans l’aéronautique (Airbus), l’automobile (Michelin), mais nous sommes aussi présent dans les télécoms (SFR/Numéricâble), l’électronique (Schneider Electric), la bancassurance (Cacib, Credit Agricole Corporate Investment Banking), etc.
Vous avez passé dix ans chez Volkswagen, est-ce que les constructeurs français vous intéressent ?
Je suis persuadé que nous pouvons aider les constructeurs français et les grands sous-traitants à se moderniser et entrer à fond dans l’ère numérique. Ils sont en permanence en recherche d’économies et de synergies. Si vous prenez le modèle de concession à l’ancienne, il y a encore beaucoup à faire. Par exemple, on pourrait imaginer, en après-vente, une application qui pourrait suivre les pièces qui ont été remplacées ou non sur une voiture, alors qu’aujourd’hui cela reste encore très opaque pour le client.
Côté produit, nous avons aussi beaucoup de ressources pour les aider sur l’« ingeneering ». Nous avons plus de 500 personnes qui travaillent sur les logiciels de modélisation 3D de Dassault Systèmes ou de Siemens. Dans les applications possibles, grâce au Big Data, on peut modéliser des nouveaux modèles en tenant compte des pièces déjà usinées et cela fait faire des grosses économies d’échelles.
Gartner vous a placé en 2014 comme « leader » sur sa nouvelle catégorie « Test d’applications ». Une réaction ?
C’est une grande fierté pour nous. Wipro a toujours été en pointe sur l’industrialisation, d’ailleurs c’était une des premières ESN à avoir été certifié CMMI-5. Il faut beaucoup de ressources et des processus d’automatisation très poussés. Si vous regardez la suite du classement vous retrouverez aussi CapGemini et Accenture, également très présents en Inde. Mais chez Wipro, notre conception de l’offshore est différente. Nous impliquons nos centres de services (Inde, Pologne, Roumanie) de bout en bout. Le local pilote la relation client, avec l’expertise métier, et gère ensuite en lien étroit avec les centres de services qui interviennent, si besoin, à chaque étape, y compris lors des étapes à plus forte valeur ajoutée. Bien sûr, l’Offshore reste un argument important, en termes de coût, mais la différence aujourd’hui, elle se fait sur l’accompagnement client.
L’ESN Wipro en France
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