Une nouvelle ère commence, celle de la robotique collaborative, la cobotique. De quoi peupler l’usine du futur d’une armada de robots, renommés « cobots » pour l’occasion.
Les robots industriels ne sont pas bien malins. Rapides, précis, infatigables, champions des tâches répétitives, certes, mais pas vraiment intelligents. Alors, lorsqu’il est question d’usine du futur, progrès de l’intelligence artificielle aidant, d’aucuns évoquent, avec un peu d’angoisse parfois, l’arrivée d’une nouvelle génération de robots hyperdoués, autonomes et capables de gérer des tâches complexes. Cela se produira peut-être mais, pour l’instant, le développement de la robotique s’effectue surtout dans une direction bien différente et bien plus pragmatique : la voie de la cobotique, mot-valise pour désigner une robotique collaborative. Et avec le cobot, on est loin du Golem…
Une diffusion encore limitée
Les robots actuellement utilisés dans l’industrie sont le plus souvent des machines lourdes, dont les bras se déplacent à haute vitesse et qui offrent une grande précision. C’est tout leur intérêt. Ce faisant, ils peuvent manipuler des charges importantes, et effectuer leurs tâches très rapidement avec une extrême minutie. Mais il y a un revers à la médaille. D’abord, ce sont des dangers publics. Si par mégarde un employé est heurté par le bras travaillant à pleine vitesse, le coup peut être mortel.
Sachant cela, la loi impose aux robots de travailler à l’intérieur de cages de façon à éviter tout accident. Autre inconvénient de ces machines : leur prix, même s’il baisse constamment, il reste à la hauteur de leurs performances, c’est-à-dire élevé. Enfin, ils souffrent d’un autre travers : les robots actuels sont difficiles à programmer ou, du moins exigent pour cette tâche un savoir-faire de haut niveau. Tout cela explique en partie la diffusion fortement limitée de ces outils dans les PME-PMI.
Une start-up danoise fondée en 2005, Universal Robots, a changé tout cela. Elle est partie d’une feuille blanche pour concevoir un robot léger, très facile à programmer et d’un coût dérisoire, moins de 30 000 euros. A l’instar du micro-ordinateur face au mainframe, il offre de médiocres performances tant en précision qu’en vitesse et en capacité de mouvoir des charges lourdes. On ne le verra jamais souder des caisses d’automobiles et, en cela, il ne remplacera jamais les robots évolués qui resteront indispensables. Mais qu’importe ! Ces caractéristiques ouvrent un immense et nouveau champ d’application à la robotique dans les PMI notamment. Avec un tel outil, il devient plus simple d’automatiser une multitude de tâches comme l’assemblage, l’emballage, le chargement-déchargement de machines, etc. Il est facile de faire passer le robot d’une application et d’un poste à un autre en fonction des besoins. Surtout, léger et peu rapide, il est sans danger et peut donc travailler en toute liberté à proximité et en lien avec les humains. Il est « collaboratif ». Une vraie révolution qui permet d’envisager une prolifération de robots dans l’usine du futur (et, déjà, dans celle d’aujourd’hui…).
Le succès a été au rendez-vous pour Universal Robots, qui vient d’être rachetée par l’Américain Teradyne. Sa gamme compte désormais trois modèles qui manient des charges maximales de trois, cinq ou dix kilos respectivement. Le Danois en a déjà vendu plus de 4 000 dans le monde entier et indique que quelque 80 % d’entre eux travaillent à proximité immédiate des employés. Cela intéresse d’ailleurs autant les grands groupes que les PME. L’usine américaine de BMW emploie ainsi un de leurs robots pour déposer des joints sur les portes de ses voitures au sein même de la ligne de production. Universal Robots a fait école. D’abord, l’Américain Rethink Robotics, fondé en 2008, a conçu un robot du même type, « Baxter », avec deux bras, suivi récemment d’un modèle à un seul bras, « Sawyer ». Mais surtout, les grands du secteur se sont, après un peu d’hésitation, engouffrés dans la brèche. On a ainsi pu voir apparaître à la dernière foire de Hanovre des robots de cette nouvelle génération chez Fanuc (le CR35 iA, qui soulève malgré tout jusqu’à 35 kg), chez ABB (Yumi, pour « you and me », avec deux bras) ou encore Kuka (deux modèles pour des charges de 7 ou 14 kg). La liste s’allonge sans cesse. Aucun doute, l’ère de la robotique collaborative a bien commencé ! Il ne reste qu’à espérer que les entreprises françaises sauront en profiter pour rattraper leur retard criant en matière d’utilisation de robots…
Pour aller plus loin, retrouvez l’intégralité de notre dossier sur l’usine du futur