Comme le disait Claude Lévi-Strauss, « Nous sommes nos outils », et nos données personnelles font partie intégrante de nous. Il devient alors indispensable de s’interroger sur la valeur des big data pour un meilleur encadrement éthique.
Au commencement de l’ère numérique, la valeur de l’informatique s’exprimait dans la création des outils destinés à manipuler les données, puis dans l’élaboration des processus manipulant ces outils. Aujourd’hui, nous nous rendons compte que la valeur se trouve en partie dans la donnée elle-même. On remarque que la personne a une influence directe sur la valeur de marché de ses données personnelles.
Dans ce contexte, on imagine qu’un individu peut gérer à sa guise son patrimoine numérique, en le renouvelant continuellement et automatiquement. La donnée contient une valeur « individuelle », qui peut être manipulable. Une partie de la valorisation interne de la donnée provient du profil, de sa pertinence et caractéristique et, en définitive, de la personne elle-même. En outre, cette valeur intrinsèque de l’information dépend du pourquoi, du comment et dans quelles limites on s’en sert. La valeur ne se trouve pas seulement dans la donnée seule, mais également lorsque celle-ci est confrontée à une multitude d’autres. Les big data en tant que telles ont une valeur interne, qui prend de l’importance et s’exprime, dès qu’on l’utilise dans un cadre d’un processus ou d’une activité professionnelle. En effet, la valeur intrinsèque de la « data » reste silencieuse et dénouée d’intérêt s’il n’y a pas d’algorithmes pour l’exploiter et l’exprimer.
Quelles sont les limites ?
Dès lors, la valeur des données impose que nous nous interrogeons sur le champ des « limites » associé aux risques d’utilisations autour des big data. Ainsi, il ne peut avoir un usage optimal, efficient, cohérent et durable de ces données sans une éthique relative des big data. Une valorisation de la donnée offre un moyen de faciliter les discussions à propos de l’organisation de l’alignement dans les actions, les pratiques commerciales et les comportements individuels autour du traitement des big data.
Par conséquent, notre approche d’évaluation éthique se
compose d’une échelle de valeurs comprenant : la
valeur intrinsèque** relative à la donnée ; la valeur de gestion*** associée à la donnée et à l’algorithme de traitement, et la valeur d’exploitation**** relative à l’information. Il apparaît essentiel d’établir une « éthique algorithmique » des big data, comme étant la pierre angulaire d’un écosystème de confiance à construire avec le marché. Cette valorisation éthique des données deviendra l’un des maillons de la responsabilité légale, ainsi que des futures réglementations entourant le traitement de ces « données massives ».
Un tel contexte contribue à rendre plus vigilant les utilisateurs et les instances publiques sur l’exploitation de ces données numériques et à se demander jusqu’où peuton échanger sa vie privée pour une meilleure commodité ? Peut-être cela passe-t-il par la création d’un droit de propriété des données individuelles, afin de permettre aux personnes de se protéger davantage et de se responsabiliser vis-à-vis de leurs données personnelles, tout en bénéficiant d’une partie de la valeur financière issue par leurs exploitations.
* Consultant et chercheur associé (PhD) pour Keosys
**Stratégie & méthodologie, organisation & réglementaire, structure & technologie, relation & culture.
*** Pilotage, mise en forme, cycle de développement, et opérations.
**** Bienfaisance, justice, non-malfaisance, autonomie.