Impact de la réforme du droit des contrats sur les contrats informatiques

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats qui entrera en vigueur le 1er octobre prochain impactera nécessairement le domaine des contrats informatiques.

Philippe Glaser, associé Taylor-Wessing

Philippe Glaser, associé Taylor-Wessing France

Ainsi, le devoir d’information précontractuel dont le non-respect est sanctionné par la nullité du contrat contraindra les prestataires à fournir à leurs clients une information sur les éléments déterminants du contrat que ceux-ci peuvent ne pas connaitre.

Ce devoir d’information devra amener le rédacteur d’acte à s’assurer de fournir l’exhaustivité des informations concernant l’objet du contrat et de justifier de la délivrance de cette information.

S’agissant de la validité du contrat, le nouvel article 1143 du Code civil qui concerne l’abus de l’état de dépendance dans lequel se trouve un des cocontractants et qui débouche pour l’autre partie sur un avantage manifestement excessif devrait là encore donner lieu à un contentieux nourri au regard de la position et du poids de certains fournisseurs.

Ainsi conviendra-t-il à l’avenir de veiller à rappeler les concessions consenties ou les avantages recueillis par la partie dite la plus faible pour éviter tout risque de nullité.

 

On retrouve aussi dans l’ordonnance la consécration de la jurisprudence Oracle / Faurecia qui répute non écrite toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur  (telles les clauses de garantie d’éviction, de prescription et plus seulement les clauses limitatives de responsabilité).

Mieux, l’article 1171 répute non écrites toutes les clauses (clause de révision de prix, d’indemnisation, d’ester en justice, etc.) des contrats d’adhésion, nombreux dans le domaine informatique, créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Ainsi, et à titre d’exemple, les contrats cadres, de licence ou les conditions générales de contrats d’hébergement seront concernés.

De même, dans les groupes de contrats que l’on retrouve souvent en matière de financement informatique (vente assortie d’une location financière par exemple), l’article 1186 prévoit que la caducité liée à la disparition d’un élément essentiel sera étendue à l’ensemble des contrats lorsque leur exécution est nécessaire à la réalisation d’une même opération (disparition du matériel financé, nullité de la vente…).

 

Particulièrement novateur, le nouvel article 1195 du Code civil permettra, en cas de « changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat », de demander une renégociation du contrat si son exécution devient excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas entendu en assurer le risque.

Le juge pourra même intervenir en cas d’échec dans les discussions entre les parties afin de réviser ou de mettre fin au contrat, sauf sans doute pour les contrats au forfait.

La sanction du non-respect d’une obligation des parties est elle aussi impactée par la réforme puisque notamment, le créancier d’une obligation pourra suspendre l’exécution de sa propre obligation lorsqu’il considérera qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance.

Autant dire qu’un projet informatique pourra être valablement interrompu si le prestataire considère que son client ne s’exécutera pas à l’échéance.

L’exécution en nature est consacrée et permettra en cas de non-respect d’une obligation par un prestataire de solliciter un autre professionnel pour achever les prestations en cas de refus du débiteur de l’obligation d’agir ainsi.

Le client pourra même décider de lui-même de solliciter une réduction du prix en cas du non-respect par le prestataire de ses obligations et s’il n’a pas encore payé, de réduire lui-même ledit prix, le juge s’assurant a posteriori du bien-fondé d’une telle mesure.

Enfin, l’ordonnance n’a pas omis, dans les cas de résolution, de prévoir les conditions de restitution afin d’éviter les difficultés habituelles où de nombreux livrables ont d’ores et déjà été livrés sans que le fournisseur puisse imputer une partie de ceux-ci sur les sommes qu’il aurait à restituer.

 

On le voit, les changements sont importants et les modalités d’intervention du juge accrues.

Il n’est pas certain que la réforme permette de simplifier le contentieux informatique bien qu’une grande partie de la jurisprudence actuelle a été codifiée à l’occasion de l’ordonnance du 10 février 2016, ordonnance qui devrait être prochainement ratifiée.