Le téléphone que nous avons dans nos poches se double toujours d’une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Nous vivons en effet dans la hantise permanente de la panne, du vol ou de la maladresse qui l’endommagera fatalement. Cette crainte ne tient pas tant à notre attachement à notre appareil, ou même à son prix, mais à l’inévitable cascade de désagréments que nous anticipons. Les hotlines injoignables, les conseillers incapables d’une réponse précise, les délais interminables, les allers et retours mystérieux entre distributeur, atelier et fabricant, les pièces qui n’existent plus, les clauses obscures et limitatives des contrats, le devis exorbitant… Et tout cela en étant privé d’appareil.
Les consommateurs sont légitimement las de ces services après-vente d’un autre temps, qui ne correspondent plus aux rythmes du monde dans lequel nous vivons, qui sont restés figés dans une vision matérielle des dommages quand l’essentiel du préjudice est désormais immatériel. Notre smartphone, notre tablette ne sont pas des appareils comme les autres.
À travers nos usages quotidiens, nos données et nos applications, ils font plus que partie de notre vie ; ils sont devenus notre vie elle-même. Et en être démuni, ne serait-ce que quelques heures, c’est se retrouver soudain exclu de sa propre existence. C’est un sentiment intolérable, et c’est pourquoi il est plus que temps de réinventer un service après-vente qui soit réellement à la hauteur de l’enjeu. Un autre SAV hors garantie des appareils connectés est possible, à condition de repartir d’une feuille blanche et d’en poser les principes fondamentaux à l’aune des besoins actuels.
Tout commence par l’attention que doit recevoir le client. Avoir cassé son téléphone n’est pas anodin. Ce peut même être parfois dramatique. Il faut donc être pris en charge par quelqu’un qui sache faire preuve d’écoute et d’empathie, qui prenne rapidement la mesure de la situation et qui comprenne que la priorité est de sécuriser les données si c’est encore possible. Il faut en finir avec un premier niveau qui se borne à enregistrer et transmettre l’incident, ce qui est à la fois exaspérant et improductif. Le client doit d’emblée avoir affaire à une personne compétente. Une expertise minimale suffit en général pour remédier sur place et rapidement à la plupart des pannes, qu’elles soient mécaniques, électroniques ou logicielles. Convenablement formé, le premier niveau peut donc intervenir sur le champ et, quand ce n’est pas possible, du moins évaluer la gravité du problème de façon à indiquer clairement quelles sont les options possibles. À cet égard, la transparence des prix, des délais, des conditions et du processus sont désormais essentiels pour des consommateurs qui ont trop souvent la sensation d’être pris au piège par manque d’information.
L’un des enjeux clés d’un SAV repensé est la réactivité. Il est inconcevable de rester longtemps sans téléphone. Proposer un appareil de remplacement est un minimum trop rare et pourtant encore insuffisant. Tout le service doit être conçu pour répondre en quelques heures à la majorité des cas. Les smartphones et les tablettes, ce sont environ 17 000 pièces détachées. C’est considérable, mais avec une analyse fine de la fréquence des incidents et de l’évolution du parc, ce n’est pas un défi logistique insurmontable. Stocks, laboratoires, boutiques… plus que la densité de ce maillage, c’est sa pertinence qui va ensuite conditionner la capacité de réaction. Par exemple, être présent dans des lieux de passage comme les centres commerciaux ou les gares permet au client de laisser et récupérer facilement son appareil, sans détour inutile. Ce dispositif doit en outre intégrer étroitement les canaux à distance. La présence physique est naturellement indispensable, mais la grande partie de la population qui n’habite pas à proximité d’un centre urbain doit aussi pouvoir être prise en charge via une approche multicanal qui ne la pénalise ni en termes de coûts ni de délais.
De l’accueil à la compétence des conseillers, de l’implantation du réseau à l’organisation de la logistique, de la transparence de l’information à l’intégration canaux digitaux, ce n’est rien moins qu’une rupture radicale que réclame aujourd’hui le SAV des appareils connectés. Mais c’est désormais la seule solution pour combler le fossé immense qui s’est creusé entre ce qu’attendent les consommateurs et ce que peuvent, veulent ou se contentent de leur proposer les distributeurs.