Sur un marché encore dominé par les monopoles historiques près de dix ans après sa libéralisation, la digitalisation est en passe de changer la donne. Mieux informés grâce au web, les Français sont aussi de plus en plus nombreux à passer par Internet pour souscrire un nouveau contrat d’énergie. Chez EDF, on estime que 50% des nouvelles souscriptions pourraient se faire en ligne en 2017. Mais le tournant de la digitalisation pourrait profiter avant tout à ses nombreux concurrents, qui multiplient les offres et services pour répondre aux besoins des clients connectés.
Des offres de plus en plus diversifiées et de plus en plus digitales
Sur un marché qui compte aujourd’hui une trentaine de fournisseurs, le digital permet aux acteurs de se démarquer en lançant des offres innovantes. Premier fournisseur alternatif en nombre de clients, Direct Energie fut le premier à miser sur les offres tout-internet, dotées d’un service client 100% en ligne. Pour la part croissante des clients prêts à se passer d’un service client téléphonique, c’est la promesse de remises supplémentaires importantes par rapport aux tarifs réglementés des fournisseurs historiques. Ce modèle d’offre inspiré des opérateurs de téléphonie low cost s’est aujourd’hui généralisé chez les grands fournisseurs, à l’exception d’EDF. Le fournisseur historique d’électricité s’adresse en effet à ce créneau encore très vaste de consommateurs qui considèrent une plateforme téléphonique comme un élément de rassurance indispensable.
Les offres vertes, qui permettent de consommer une électricité issue de centrales renouvelables, sont l’autre grand élément de différenciation, proposé par de nombreux fournisseurs alternatifs. Parce qu’un électron n’est pas traçable sur le réseau, cette innovation a dû attendre la mise en place des garanties d’origines, des certificats numériques que les fournisseurs peuvent acheter pour attester de l’origine renouvelable de leur électricité. Preuve de leur attrait, Engie, le fournisseur historique de gaz, a récemment fait le choix de convertir l’intégralité de ses offres d’électricité à l’énergie verte.
Avec la généralisation des compteurs communicants Linky et Gazpar, à horizon 2020, la prochaine étape sera celle des offres 100% à la carte. Si les Français ont aujourd’hui la possibilité d’opter pour une tarification double, avec un prix variant selon l’heure de la journée, ils n’ont en fait aucune prise sur les tranches horaires des heures pleines et des heures creuses. Demain, le client équipé d’un compteur Linky disposera de bien plus d’options pour choisir un contrat adapté à la temporalité de sa consommation d’électricité.
Le service client 2.0 pour optimiser sa consommation
Alors que les marques repensent leur service client en ligne pour satisfaire les clients connectés, les fournisseurs d’énergie ne dérogent pas à la règle. Autrefois de simples commodités, l’électricité et le gaz naturel sont devenus sujets à de nombreuses interrogations, en particulier concernant le juste prix de l’énergie. Les réseaux sociaux deviennent dès lors des plateformes stratégiques, où les fournisseurs se doivent de proposer une relation plus fluide et personnalisée. Nouveau venu sur le marché, le fournisseur ekWateur fonde même sa présence digitale sur une tonalité décalée qui lui permet de créer un lien émotionnel avec les consommateurs.
Les clients connectés aujourd’hui demandent toujours davantage de services de la part de leurs marques fétiches. Les principaux fournisseurs historiques et alternatifs l’ont bien compris, lesquels ont lancé des applications mobiles dédiées pour leurs espaces clients. Dans ces espaces, le consommateur a désormais la possibilité de surveiller sa consommation mois par mois, et reçoit même des conseils personnalisés sur la façon de réaliser des économies. Premier pas vers les smart homes, Engie propose déjà la Zenbox, un équipement qui permet de surveiller sa consommation en temps réel via des modules de télérelève… avec à la clé, la possibilité d’optimiser sa consommation et de réaliser des économies substantielles.
Plus que de simples pourvoyeurs d’électrons, les fournisseurs sont en passe de devenir des acteurs de la transition énergétique. Cette mission prendra une nouvelle dimension avec l’arrivée des compteurs intelligents, lesquels permettront un suivi en temps réel de la consommation dans tous les foyers français. Chez certains fournisseurs, on a déjà déployé des offres compatibles.
Web ouvert contre web fermé
Alors que le web contribue chaque jour à l’information des consommateurs, la moitié d’entre eux ignorent encore qu’il leur est possible de changer de fournisseur d’énergie*. Les plateformes digitales proposées par les fournisseurs, si elles constituent une avancée réelle en termes de service client, ont d’abord été pensées pour entretenir le statu quo. Agissant comme des espaces fermés destinés à retenir le client, elles permettent aux fournisseurs historiques de limiter la fuite de clients en direction de fournisseurs alternatifs souvent plus compétitifs. Avec l’application EDF&Moi, téléchargée plus de 2 millions de fois, un client en situation de déménagement peut renseigner son adresse pour souscrire un contrat dans sa nouvelle habitation. Malheureusement, ce processus laisse le consommateur dans l’ignorance concernant la possibilité de faire jouer la concurrence.
Pourtant, des solutions existent déjà pour les clients souhaitant choisir leur nouveau fournisseur sur une base rationnelle. Premier acteur de l’information des consommateurs en ligne sur le marché de l’énergie, Selectra propose un comparateur qui référence l’ensemble des offres dont les prix sont rendus publics par les fournisseurs, soit aujourd’hui plus de 70 offres pour le seul segment des particuliers. L’internaute accède ainsi aux offres les moins chères, en fonction de son profil de consommation.
De la situation actuelle à la réelle prise du pouvoir par les consommateurs, on peut mesurer le chemin qui reste à parcourir en se tournant vers nos voisins du nord. Au Royaume-Uni et aux Pays-bas, l’immense majorité des consommateurs sait qu’elle peut changer de fournisseur, et n’hésite pas à faire jouer la concurrence à l’expiration de son contrat. Les monopoles historiques français, faute d’être bien préparés à la révolution à venir, pourraient bien s’exposer à d’importantes pertes de parts de marché.
*Baromètre 2016 du Médiateur de l’énergie