Dîner « Assurance santé et prévoyance » du 8 novembre 2016
« Stratégie digitale vs service aux assurés : où placer le curseur de la transformation du monde de l’assurance santé ? »
Deux ans après son premier dîner consacré à la transformation des assureurs et mutualistes, la rédaction d’Alliancy a souhaité faire le point sur les changements culturels et organisationnels opérés par ces acteurs. Autrefois concentrés sur les évolutions réglementaires et la question de l’ouverture des données, les participants ont fait part de leurs stratégies digitales, prises en étau entre une demande hétérogène des adhérents pour les services numériques et une réalité technique encore perfectible pour les organisations. Quelles sont les nouveaux angles d’attaque qui leur permettront d’aboutir à une transformation réussie ?
Les invités de ce dîner-débat du 8 novembre 2016 ont partagé leurs expériences et leurs visions de leur métier, qui ne sera plus tout à fait le même demain.
Photos : Guillaume Ombreux
Aux côtés de Catherine Moal, rédactrice en chef d’Alliancy le mag, Sylvain Fievet, directeur de publication, est revenu sur la nécessité de se transformer pour des acteurs de l’assurance santé et la prévoyance, face à l’arrivée de petits et grands concurrents qui viennent grignoter des morceaux de la chaîne de valeur.
Pour lancer le débat, Sylvain Fievet a interrogé les directeurs généraux, CDO et directeurs de la transformation présents sur la maturité digitale de leurs assurés et les offres qu’ils proposent pour s’adapter à la demande, avant de poser la question de la nouvelle gouvernance dans l’entreprise. Les échanges se sont également portés sur les besoins en compétences des organisations ainsi que la place laissée à l’externalisation.
Sophie Chastain-Lopez, directeur client, développement et innovation d’EOVI MCD Mutuelle
« Toute la profession opère une course à la qualité de service dans lequel le numérique est un levier fondamental et dans laquelle Eovi-Mcd Mutuelle est largement engagée. Nous sommes convaincus que le digital est un outil formidable pour déployer une politique d’offres servicielles et non plus seulement assurantielles et procurer une expérience client plus rapide, plus fluide, plus personnalisée et donc de grande qualité. Ce même levier représente également, par exemple par les réseaux sociaux, un accélérateur fort de l’exposition, par les promoteurs ou détracteurs, de la satisfaction autour de ces mêmes services mais aussi de la marque...
Pour accompagner notre transformation, nous avons privilégié la création d’une direction de la transformation. Véritable colonne vertébrale elle structure et coordonne les programmes, facilite et fertilise la digitalisation qui s’opère et qui concerne bien l’ensemble des directions de la mutuelle. En complément, une cellule innovation identifie, développe, accompagne et promeut les bonnes pratiques, solutions et usages numériques, nouvelles expertises et compétences …nécessaires à notre transformation. »
Stéphane Dedeyan, directeur général délégué de Generali France
« Aujourd’hui, il existe deux types de transformation. La première s’opère par l’extérieur avec des partenariats et des investissements dans des start-up. La seconde correspond à la transformation de l’assureur par l’intérieur. Cette dernière demande de lancer beaucoup de longs chantiers et notamment de faire tomber les silos du système d’informations. Sur 10 ans, le travail mené par Generali sur sa base de données client correspond par exemple à un investissement de 100 millions d’euros ! En parallèle de ce travail de fond, nous avons aussi mis en place depuis 2013 des cellules créatives d’une dizaine de personnes dans lesquelles nous traitons un sujet dans un temps limité. Si un collaborateur est face à un problème, ou a détecté un besoin chez un client, il fait appel à des volontaires qui réfléchissent à la question dans un mode agile. Le vrai sujet, c’est de ne jamais lâcher sur le travail de fond, de combiner avec des victoires rapides, tout en restant ouvert et connecté au monde des start-up. »
Hervé Drouet, directeur général d’Apria RSA
« En tant que délégataire de gestion et opérateur de solutions professionnelles, nos enjeux sont de deux ordres : la digitalisation de nos relations avec nos clients, assureurs et assurés, et la dématérialisation de nos process de traitements. Pour les clients, nous poursuivons une stratégie continue d’enrichissement de nos téléservices sur tous les supports, de création de communautés, et de promotion de leur usage par les assurés, dans une logique « multicanal ». Vis-à-vis des porteurs de risques, nous développons des plateformes et des extranets. En ce qui concerne les processus de traitement, nous avons l’ambition de passer à une dématérialisation à 360° du dossier de l’assuré. Même si dans les métiers de la santé la dématérialisation est déjà forte grâce au circuit des feuilles de soins électroniques et des échanges entre assurance maladie obligatoire (AMO) et assurance maladie complémentaire (AMC), il reste encore beaucoup de pièces administratives à fournir, sans oublier tout le circuit des réclamations, qui se fait par papier. De plus, avec la généralisation du tiers payant, les professionnels de santé vont devenir bénéficiaires exclusifs des flux en AMO et majoritaires en AMC, et vont devoir être totalement intégrés à nos process dématérialisés, ce qui est un enjeu important pour l’ensemble de la profession compte tenu des niveaux de « maturité digitale » différents selon les spécialités médicales. »
Claude Espinas, directeur de Canon Business Services en France
« Aujourd’hui, les acteurs de l’assurance santé doivent concilier la modernisation de leurs systèmes de production existants et des contraintes réglementaires toujours plus importantes. Nous avons pu le constater avec la loi sur l’Accord National Interprofessionnel et l’entrée en application de Solvabilité 2. Pour mener à bien leur transformation digitale, ils ne peuvent plus se focaliser uniquement sur le front office. L’amélioration de la relation avec l’adhérent doit passer par une refonte globale du système d’informations avec un effort important sur le back office. Les banques et les opérateurs télécoms se sont lancés depuis des années dans cette digitalisation et les résultats sont probants, malgré un poids du réglementaire qui ne faiblit pas. Les assureurs et mutualistes ont donc toutes les chances d’y arriver rapidement . Reste à déterminer quels périmètres ils peuvent externaliser, quelles compétences intégrer pour se concentrer sur leur cœur de métier. »
Matthieu Havy, directeur général de Génération
« Nous avons observé que l’adhérent entre de plus en plus dans une relation numérique avec le gestionnaire, parce qu’il a déjà une expérience digitale dans d’autres secteurs. De plus, l’administration l’impose. Chez Génération, le digital est le premier média avec 10.000 connexions par jour contre 5.000 appels par jour. Cependant, nous n’échangeons pas avec lui sur les réseaux sociaux car ce n’est pas suffisamment sécurisé et parce que la santé relève de la sphère privée. Cette relation numérique est donc plutôt naturelle mais elle nécessite tout de même du contact humain. Si l’assuré veut accéder à une information simple, il se dirige vers le digital mais quand sa requête est complexe, il privilégie le contact téléphonique »
Philippe Lagrange, directeur général de la MGP – TECHNAE
« Depuis quelques années, nous opérons la transformation digitale à l’intérieur de notre système d’information ; ce qui ne nous interdit pas de faire appel à de la prestation externe. La connaissance « client » est un véritable enjeu pour l’entreprise ; et selon moi il y a 2 manières pour aborder ce sujet ; alimenter le système d’information pas l’ajout de nouvelles données (opération coûteuse et chronophage) ou exploiter d’avantage et différemment nos données déjà en notre procession pour les transformer en information à haute valeur ajoutée (la connaissance « client » passe aussi par une relation étroite entre celui qui vend au départ et celui qui gère et perçoit une vente potentielle). Je crois beaucoup à l’exploitation de cette donnée. »
Olivier Le Henaff, directeur général délégué, directeur de la transformation chez Aviva
« Il ne faut pas oublier que la direction informatique fait tourner notre business au quotidien. Notre matière première est l’information. Si le SI ne tourne plus, on ne fait plus notre métier. La question à se poser est donc la suivante : comment peut-on inculquer la culture d’innovation à l’intérieur de la DSI ? Chez Aviva, nous avons pris le parti de ne pas nommer de CDO et d’injecter plutôt la culture digitale à deux endroits clés : au sein de la DSI, avec des personnes qui ont la capacité de développer des sites, et également au marketing, avec des personnes spécialisées dans la relation et dans la conception de l’interface client. Nous faisons en sorte que les deux départements se parlent. La DSI et le legacy doivent continuer à tourner mais doivent aussi préparer l’avenir. Le digital va donc bien au-delà de « l’application » et l’enjeu est de savoir comment il va s’intégrer au sein d’un système d’information souvent conçu autour des produits d’une part et des systèmes de distribution d’autre part alors que par nature les systèmes digitaux doivent être transversaux.»
Henry Mathon, directeur général de la mutuelle Prévifrance
« Nous vivons le digital de manière très concrète car nous menons actuellement un projet de transformation orienté développement et organisation. L’enjeu est de passer d’une organisation flux papier à une organisation flux électronique. Ce projet concerne à la fois le front office, le back office, le système d’informations et les RH. Il s’articule autour de quatre grands objectifs : permettre aux adhérents de gérer leurs contrats de manière plus autonome, utiliser au mieux l’ensemble des moyens à disposition pour communiquer avec eux, disposer d’une solution d’adhésion en ligne et automatiser au maximum les tâches récurrentes et chronophages. »
Pol-Henri Minvielle, directeur délégué de CCMO Mutuelle
« Notre portefeuille étant représentatif de toutes les générations, nous en avons une partie qui est peu sensible au digital. En tant que mutuelle, nous avons le devoir de prêter attention aux adhérents les moins sensibles au numérique afin qu’ils ne se sentent pas rejetés par ces évolutions. Nous devons donc porter nos efforts sur tous les canaux de communication. Sur la question des ressources humaines, en tant que mutuelle de taille moyenne, il est compliqué de disposer de toutes les compétences en interne. Pour les projets innovants que nous menons, tels que VisioDroits avec les syndicats de pharmaciens sur la gestion des droits et la tarification en ligne, nous faisons donc appel à des partenaires leaders sur le marché comme Cegedim pour nous apporter les compétences technologiques dont nous avons besoin. »
Emmanuel Morandini, directeur général délégué du groupe April
« L’intégration du digital dans le legacy peut vite devenir un vrai casse-tête pour nos institutions et notamment chez certains assureurs, avec au passage des investissements de plusieurs millions d’euros. Dans les back office, et plus globalement dans les organisations toute entières, il est assez difficile de déployer facilement ces nouvelles démarches ; venir « plaquer » ces nouveaux modes de production, de distribution… sur une organisation non préparée , un peu ancienne en terme de culture , de mode managériale et de technologie n’est pas aisée… Comment faire coexister cette réalité technique avec une demande de services toujours plus innovants ?
Chez April, l’ADN de l’innovation est présente depuis longtemps et la culture du groupe tout entier est centrée autour de ces sujets ; pour accélérer encore le déploiement du digital, nous avons créé un comité numérique avec un groupe de trentenaires qui pousse toute l’entreprise. Nous considérons que c’est toute l’organisation qui doit se transformer, au-delà de la nomination d’un CDO. L’innovation est vraiment une question de management. »
Magali Noé, Chief Digital Officer chez CNP Assurances
« Nous avons choisi de nous transformer avant tout de l’intérieur, sans exclure ce que d’autres peuvent nous apporter. Du fait de notre taille, notre organisation est par nature peu agile. Dans le cadre d’Open CNP, nous nouons des partenariats et investissons dans des start-up innovantes comme Alan, une jeune entreprise qui a créé une assurance complémentaire santé digitale. Le métier de CDO est vraiment au cœur de cette transformation et subit cependant des pressions à la fois du monde extérieur, des dirigeants et des collaborateurs. Un bon CDO doit pouvoir relever le défi de transformer cette pression en accélérateur d’innovation. »
Christian Pasquetti, directeur général de la MGEFI
« Quand un internaute passe une commande sur Amazon et se retrouve quelques minutes plus tard sur le site de sa mutuelle, il peut avoir du mal à comprendre que l’expérience client soit complètement différente. Ces grands acteurs ont créé un standard qui nous oblige à nous transformer, sinon nous finirons par avoir un vrai problème d’alignement. Un de nos enjeux majeurs est donc de développer notre réactivité et notre interactivité avec le client.
Pour cela, j’ai opéré une profonde transformation de la MGEFI en lançant le projet d’entreprise Calipso qui met l’accent sur la digitalisation de nos processus. Cela a nécessité aussi l’apport de nouvelles compétences au sein du comité de direction, profondément renouvelé, en créant une direction des systèmes d’information. Grâce à cette impulsion, les changements culturels sont en route… »
Pascal Pigot, directeur général d’Unéo
« Pour accélérer notre transformation, en complément du comité des managers, nous avons institué un laboratoire d’innovation et de transformation. Les membres ne sont pas permanents mais participent en fonction des sujets et sur la base du volontariat. Sur un sujet posé d’innovation ou d’organisation par exemple, s’il n’est pas démontré un intérêt pour l’adhérent, cela signifie que le sujet n’a pas d’intérêt majeur pour la mutuelle mais si une idée émerge, ce n’est ni le directeur général, ni le comité de direction qui se prononce sur la réalisation d’un POC mais l’encadrement de proximité. Le directeur a pour mission de donner une orientation et un cadre mais au quotidien c’est le manager qui fait tourner la boutique et les équipes. Son implication dans la transformation est fondamentale. »
Frédéric Rousseau, directeur général adjoint en charge du développement chez Humanis
« Les assureurs maîtrisent leur chaîne de A à Z, de la distribution au client au paiement du sinistre. Aujourd’hui, le principal risque auquel ils doivent faire face est l’arrivée d’un nouvel acteur, beaucoup plus agile et disruptif, qui a décidé de grignoter un petit morceau de la chaîne de valeur. Face à ces digital natives, nous avons d’autres cartes à jouer. Pour nous, l’innovation relève beaucoup du bon sens et de l’usage. C’est pourquoi nous faisons évoluer l’organisation d’Humanis, notamment en intégrant des nouveaux talents et faisant évoluer les pratiques de management pour que ces nouvelles compétences soient opérantes dans un modèle d’activité traditionnel»
Etienne Fauveau, responsable Assurance, Banque et Services Financiers de Canon Business Services en France
« Face aux enjeux de l’assurance santé, nous constatons que l’externalisation n’est plus tabou, y compris dans le monde mutualiste et paritaire. C’est un véritable levier de transformation pour les décideurs. Pour autant, Il doit s’agir d’une externalisation responsable, conforme aux valeurs du secteur, et dont les priorités sont la recherche de conformité et d’efficacité des processus avec, pour finalité, l’amélioration de la satisfaction client. »
Nous remercions pour leur présence à ce dîner :
- Sophie Chastain-Lopez, Directeur Client, Développement et Innovation d’EOVI MCD Mutuelle
- Stéphane Dedeyan, directeur général délégué de Generali France
- Hervé Drouet, directeur général d’Apria RSA
- Claude Espinas, directeur de Canon Business Services en France
- Matthieu Havy, directeur général de Génération
- Philippe Lagrange, directeur général MGP – TECHNAE
- Olivier Le Henaff, directeur général délégué, directeur de la transformation chez Aviva
- Henry Mathon, directeur général de la mutuelle Prévifrance
- Pol-Henri Minvielle, directeur délégué de CCMO Mutuelle
- Emmanuel Morandini, Directeur Général Délégué groupe April
- Magali Noé, Chief Digital Officer chez CNP Assurances
- Christian Pasquetti, directeur général de la MGEFI
- Pascal Pigot, directeur général d’Unéo
- Frédéric Rousseau, directeur général adjoint en charge du développement chez Humanis
- Etienne Fauveau, responsable Assurance, Banque et Services Financiers de Canon Business Services en France
Un dîner organisé en partenariat avec :
Canon Business Services est le spécialiste des services de digitalisation et de traitement des processus documentaires et métiers du groupe Canon qui facilitent et accélèrent la transition digitale des professionnels. Présent dans 18 pays de la zone EMEA, ses 4000 collaborateurs accompagnent la transition digitale des professionnels, notamment dans les secteurs l’assurance santé, du caritatif et de l’industrie.
En France, CanonBS regroupe plus de 800 consultants et opérateurs experts, dont 200 spécialisés dans le secteur de l'assurance santé agissant notamment sur ses 6 Centres de Compétences.
De la digitalisation des flux entrants à la gestion de processus métiers complexes : nos clients nous font confiance pour faciliter et accélérer leur transition digitale à travers l’automation et l’industrialisation de leurs flux.
Partenaire de nombreux leaders du secteur de l’assurance santé, Canon Business Services publie pour la première fois, un recueil de témoignages et de bonnes pratiques à destination des décideurs du secteur de l’Assurance Santé sur la question suivante : « Quels leviers pour la digitalisation des back-offices Assurance Santé et Prévoyance ? ».
Il réunit les témoignages et retours d'expérience de dirigeants d'organisations qui ont déjà franchi le pas de la transformation digitale (MALAKOFF MEDERIC, CIPRES ASSURANCES et SMEREP). Retrouvez l’intégralité des témoignages dans le livre Assurance santé digitale de Canon Business Services en téléchargement ici.
« Stratégie digitale vs service aux assurés : où placer le curseur de la transformation du monde de l’assurance santé ? » Les invités de ce dîner-débat du 8 novembre 2016 ont partagé leurs expériences et leurs visions de leur métier, qui ne sera plus tout à fait le même demain.