Oui, les entreprises sont la locomotive économique du pays. Mais doubler le nombre de créations d’entreprises ne rendrait pourtant pas notre économie en meilleure santé, bien au contraire. Plus nous favoriserons la « start-up », moins nous obtiendrons de « scale-up » ! Cela ne semble pas très logique, mais pourtant…
Posons d’abord le cadre en saluant les formidables efforts qui ont été fait ces dernières années pour favoriser l’initiative entrepreneuriale : création du statut d’autoentrepreneur, cadre légal plus souple, meilleur accompagnement, Label French Tech et valorisation du tissu régional… Si tout ceci affiche un succès certain, quelques ajustements semblent impératifs pour éviter que la machine s’enraille !
Les entreprises créent la richesse et les emplois du privé. Les institutions fixent le cadre qui, tout en préservant notre modèle social, favorise la dynamique économique pour que les entreprises se développent et embauchent. La finalité est qu’elles génèrent des revenus pour la collectivité au travers des prélèvements sociaux et fiscaux. Mais pour que cela soit viable, les entreprises doivent avoir dépassé leur seuil de rentabilité.
Ne cédons pas à l’envie d’être comptable
Oui, nous sommes le pays le plus entreprenant en Europe. Mais le nombre des créations a été dopé par le lancement en 2007 du statut d’autoentrepreneur. Les créations de sociétés sont, elles, restées stables.
L’auto-entrepreneuriat, devenu micro-entrepreneuriat, répond certes à une envie d’autonomie et de flexibilité, mais est avant tout une solution de repli quand l’emploi n’est plus disponible dans le bassin local, comme le souligne le World Entrepreneurship Forum.
Bien qu’il constitue une solution immédiate, 60 % des effectifs ne sont pas économiquement actifs et les 40 % restants génèrent un chiffre d’affaires mensuel moyen de 1 140 euros par mois. Une fois les charges payées, ceci correspond à un revenu 20 % inférieur au Smic…Cela pose question, autant sur les charges sociales pesant sur les contrats de travail que sur le cadre du code du travail.
Soyons lucides, le recours au freelance est désormais utilisé pour contourner le coût du travail ainsi que le cadre légal de protection des salariés. Une entreprise préfère aujourd’hui faire travailler des autoentrepreneurs plutôt que de se risquer à embaucher.
C’est un cercle vicieux : la concurrence entre freelance entraîne une baisse des prix de marché, impactant jusqu’aux TPE-PME qui, elles, emploient et payent des charges.
Continuons dans cette voie et nous trouverons au bout du chemin encore plus de casse sociale et de précarité… Il semble que ce n’était pas notre modèle social.
L’auto-entrepreneuriat est pourtant un excellent dispositif s’agissant de générer un complément de revenu comme s’agissant de se tester à l’entrepreneuriat. Ce sont ses vocations originelles !
Dès lors, pourquoi ne pas attribuer un identifiant à chaque Français, à l’instar du numéro de sécurité sociale, lui permettant simplement de réaliser des compléments de revenus et de les déclarer ?
Et, pour les entrepreneurs souhaitant se tester, pourquoi ne pas créer un statut particulier à durée déterminée ? Un statut temporaire au bout duquel l’entrepreneur choisit de transformer son activité en « société classique » ou tout simplement de la stopper.
Start-up, pour mieux les servir, identifions-les
Le sujet de la start-up est probablement celui dont on parle le plus et je le comprends très bien. Ambiance de travail qui sort du cadre, projets innovants, croissance à deux chiffres, embauches par dizaines, le spectre des licornes à l’américaine est dans toutes les têtes… Bref, la start-up, c’est cool.
Les start-ups sont indispensables : elles tirent l’image de l’entrepreneuriat vers le haut, font rêver, donnent de l’espoir, favorisent l’innovation. L’initiative d’Axelle Lemaire et, précédemment, de Fleur Pellerin, autour de la French Tech, a d’ailleurs grandement contribué à cela.
Notons tout de même que, selon différentes sources (G9+, Insee…), les start-ups représenteraient entre 3 et 50 % des créations d’entreprises… Une fourchette plutôt très large. Une étude récente de Trendeo annonce également une médiane de 12 emplois créés par start-up… Il devient donc urgent de poser une définition claire de ce qu’est une start-up pour tirer les enseignements qui s’imposent et améliorer notre performance.
Ne cédons pas non plus aux sirènes de la communication
Bien que l’impact de l’accompagnement sur le taux de survie soit indéniablement positif, l’afflux de subventions qu’a drainé la naissance du Label French Tech a entraîné une multiplication des organismes d’accompagnement avec une concentration des efforts sur les toutes premières phases de création.
Multiplier les initiatives entrepreneuriales, c’est une bonne chose… Dès lors qu’on ne génère pas en permanence la concurrence des start-up nées de la « promo » précédente.
Nous le constatons régulièrement chez Affeeniteam, beaucoup des 4 000 projets déposés se ressemblent. Leurs porteurs recherchent chacun des associés et seront bientôt concurrents. Nous sommes convaincus qu’ils doivent se rencontrer, on devient plus forts ensemble !
Et cette abondance d’initiatives entrepreneuriales intensifie de facto la concurrence y compris pour les start-up en phase critique post-création. Une start-up avait besoin auparavant de 12 à 18 mois pour trouver son modèle économique car le cycle d’arrivée des concurrents leur en laissait le temps. Désormais, avec une arrivée plus rapide de la concurrence, il leur faut donc taper dans le mille très très vite… ou mourir.
Les meilleurs ne sont pas obligatoirement ceux qui trouvent du premier coup le bon modèle, mais ceux qui parviennent à comprendre leurs forces et à se réinventer car elles seront probablement amenées à le faire parfois plusieurs fois au cours de leur existence. L’histoire de Criteo illustre parfaitement ce propos.
Nous devons donc assurer à ces start-ups qui arrivent à la phase charnière du décollage, les ressources financières et les expertises nécessaires à leur pérennisation, ici, en France. Ce sont elles qui vont être notre moteur de création d’emplois et de valeur. A défaut, elles iront créer des emplois dans le pays qui financera leur développement ou pire elles mourront.
Nous avons là tous les ingrédients du succès, notre recette reste à parfaire.