Après deux ans passés au ministère de l’Economie et du Numérique, Emmanuel Macron, le nouveau président de la République connaît très bien les sujets de transformation numérique et dispose déjà de nombreux projets sous le coude.
Emmanuel Macron, tout juste élu vingt-cinquième président de la République, verra de nombreux chantiers prioritaires s’amonceler dès la semaine prochaine. Si son premier projet, tel qu’il l’a souvent rappelé, portera sur la loi de moralisation de la vie publique, suivront très rapidement la réforme du droit du travail et le droit à l’erreur dans le cadre de la simplification de la vie des entreprises (et notamment des PME).
Pour autant, il y a déjà plusieurs mois, il twittait que « Le cœur du défi économique français, c’est de prendre en compte les grandes transitions numérique et énergétique », reconnaissant clairement à la une de son programme que « L’ensemble de notre organisation sociale est redéfinie par le numérique ».
Fin mars, il n’hésitait d’ailleurs pas à apparaître sur la scène du Théâtre des Variétés au centre de Paris, à l’invitation de France Digitale, l’Acsel, Croissance Plus et du Syntec numérique, qui organisaient alors un événement pour interpeller les candidats à la présidentielle sur leurs sujets (Hacking 2017). « Vous montrez que le numérique n’est pas qu’un secteur, il irrigue toute la société, lançait Emmanuel Macron. Derrière, il y a un projet politique, il a des valeurs d’ouverture et de tolérance. Je me retrouve dans la quasi-totalité de vos propositions. Je veux vous aider à réussir ». Ainsi, ses bonnes relations avec de nombreux jeunes patrons du secteur et les quelques organisations représentatives l’auront sûrement persuadé de l’urgence d’agir vite dans ce domaine, même si les contours de cette transformation restent encore à inventer. L’urgence, selon Godefroy de Bentzman, président de Syntec Numérique, serait ainsi de : « Travailler sur le cadre, c’est-à-dire le social au sens large et le fiscal au sens de la capacité d’investissement car le numérique « coûte cher ». Et si des choses ont bien été faites jusqu’ici, elles sont largement insuffisantes »…
De fait, le numérique s’est installé largement dans les foyers français, mais il est clair que « tous » les citoyens n’ont pas le même accès à internet. L’Etat doit donc reprendre la main pour faire bouger les lignes, afin que chacun puisse y « trouver les moyens de gagner en autonomie, d’avoir la capacité d’agir, d’entreprendre et de choisir sa vie ».
Cela ne peut commencer que par une couverture de tous les territoires par le très haut débit (qui devrait être faite avant la fin du quinquennat), ce qui permettrait également aux TPE et PME françaises de mieux s’approprier le sujet. En 2015, une PME française sur trois ne possède pas de site internet et seules 15,8 % de celles-ci ont eu recours à de la vente en ligne (e-commerce)…
Aussi, à l’aune de nouvelles réformes très attendues, revenons sur les grands axes proposés dans le programme d’En Marche !, désormais renommé La République en marche :
Accélérer la transition numérique des services de l’Etat
D’ici 2022, 100 % des démarches administratives pourront être effectuées depuis internet (sauf première délivrance des documents d’identité officiels).
« Nous créerons un compte citoyen en ligne (site et application), qui rassemblera sur une même interface tous les droits, notamment ceux liés à la santé, à la trajectoire professionnelle, à la formation, à la situation fiscale, aux droits civiques ».
« Nous créerons un service public numérique de la justice, avec portail unique d’accès (sur le modèle d’impots.gouv.fr). Les citoyens et leurs avocats y trouveront toutes les informations pratiques et la jurisprudence applicable à leur cas. Ils pourront se pourvoir en justice depuis leur ordinateur, transmettre une requête, des pièces, ou suivre leur dossier depuis leur smartphone. »
« Nous encouragerons le développement de la télémédecine et du numérique dans le domaine de la santé, afin de donner aux médecins la possibilité d’assurer un suivi à distance. »
Donner à l’économie numérique un cadre réglementaire et fiscal adapté
Enfermer l’économie de demain dans la réglementation d’hier, c’est s’interdire de faire émerger les innovations qui porteront la croissance.
« Nous développerons le droit à l’expérimentation dans le respect des impératifs de sécurité, de protection du consommateur et de loyauté de la concurrence. »
« Nous définirons une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle dont le développement va avoir de profonds impacts sur une série de secteurs. Les chercheurs français sont bien armés pour y jouer un rôle majeur. »
« Nous adopterons un cadre fiscal qui encourage l’investissement dans l’innovation, notamment en instaurant un prélèvement forfaitaire unique sur l’ensemble des revenus tirés du capital mobilier et en remplaçant l’ISF par un impôt sur la fortune immobilière. »
« Nous développerons les instruments d’une transparence sur l’usage des données privées par les acteurs du numérique. »
Une Europe ambitieuse à 27 avec un vrai projet numérique
« Nous agirons pour un marché unique du numérique en Europe, qui permettra aux entreprises innovantes de disposer des mêmes règles partout dans l’Union européenne. »
« Nous agirons pour la mise en place d’un Fonds européen de financement en capital-risque pour accompagner la croissance des start-up européennes du numérique (d’au moins 5 milliards d’euros) ».
« Nous renégocierons avec les Etats-Unis le « Privacy Shield », le cadre de protection des données, d’ici 2018, afin de garantir réellement la préservation des données personnelles de tous les Européens. »
« Nous proposerons la mise en en place d’une Agence européenne pour la confiance numérique, chargée de réguler les grandes plateformes numériques pour garantir la protection des données personnelles et la loyauté de leur fonctionnement. »
« Nous nous battrons, au niveau européen, pour une taxe sur le chiffre d’affaires réalisé dans nos pays pour des prestations de service électronique. »
Intervention d’Emmanuel Macron, le 13 avril 2017, encore candidat, sur sa vision de « La France, start-up nation », colloque organisé par nos confrères de Challenges. « Nous devons savoir mener la vraie bataille face aux grands groupes américains ! »
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