Cette licorne de la Silicon Valley, spécialisée dans la gestion de la relation client (CRM) et de l’informatique décisionnelle (BI), très intéressée par l’intelligence artificielle, s’installera cet été à Station F, où elle incubera plusieurs start-up. L’entreprise, qui revendique plus de 101 000 clients dans 140 pays, compte parmi eux des PME comme des grands comptes.
Alliancy. Votre dernière solution Guide (lire encadré) s’appuie notamment sur le Deep Learning pour améliorer la qualité du service client. Comment intégrez-vous l’intelligence artificielle à votre offre globale ?
Mikkel Svane. Nous avons déjà beaucoup investi dans des infrastructures capables d’intégrer du machine learning et suffisamment de capacité pour accueillir de l’intelligence artificielle. Par ailleurs, Zendesk Explore [nouveau nom du logiciel BIME Analytics, NDLR] permet aux utilisateurs de jongler avec un grand nombre de données. C’est un domaine dans lequel nous investissons beaucoup et continuerons d’investir.
Dans ce domaine, comptez-vous aussi vous développer par croissance externe ?
Mikkel Svane. Nous avons une forte culture du développement « maison ». Mais, si l’opportunité d’un rapprochement se présente avec une entreprise qui puisse permettre une accélération de notre développement… Eh bien nous en étudierons la faisabilité.
Si une telle opportunité existe, se trouve-t-elle aux Etats-Unis, en Europe… ?
Mikkel Svane. Il existe dans la Silicon Valley une culture unique au monde pour ce qui est de la création de start-up dans le secteur du numérique. Et je pense que cette culture n’est pas quelque chose de réplicable et d’exportable. Dans tous les cas, ce serait très difficile ! Ce sont des années de construction, d’expériences, un creuset de talents et de tradition. C’est un peu comme le vin et le fromage pour la France. On peut en faire partout, mais les meilleurs restent produits ici. Je ne dis pas qu’il est impossible de rivaliser avec la Silicon Valley dans la création de technologies… Simplement, il existe là-bas une culture forte et particulière difficile de concurrencer. Malgré tout, on crée des start-up à Copenhague [où est né Zendesk en 2006, NDLR], Montpellier, Pékin, Tokyo ou Mumbaï. Le monde est devenu petit, le coup de création d’une société aussi… C’est pourquoi nous ne fermons malgré tout aucune porte.
A vous écouter, Zendesk et BIME Analytics seraient donc des exceptions ?
Mikkel Svane. Pas vraiment parce que la culture au sein de la Silicon Valley est très internationale. Donc, on n’est pas fatalement obligé d’être né là-bas pour y réussir. En revanche, tout le monde y compte une relation ou un partenaire. A ce titre, Zendesk est le bon exemple d’un succès construit en partenariat avec des acteurs de la Silicon Valley.
Quel est le sens de votre participation future à Station F, le projet de Xavier Niel et plus grand campus de start-up au monde ?
Mikkel Svane. Zendesk se veut un promoteur de la « communauté des start-up » et la construction d’un écosystème sur la base d’une telle plateforme est un très bon concept. Il ne s’agit pas uniquement de développement d’entreprise, mais du développement d’une culture d’entreprise et d’une certaine façon de penser. Aussi, autant que nous le pourrons, nous encouragerons ce type d’initiatives.
Concrètement, qu’est-ce que cela implique ?
Mikkel Svane. Nos bureaux parisiens vont déménager au sein de Station F. A l’origine, nous n’avions pas été contactés pour l’intégrer. Mais, en entendant parler du projet, nous y sommes allés de notre propre initiative. Dans les faits, Station F va utiliser nos solutions gratuitement. Les start-up et partenaires auront, quant à eux, un tarif préférentiel qui n’a pas encore été déterminé. Nous créons aussi un incubateur qui devrait accueillir entre 10 et 20 start-up, pour un total de 47 postes disponibles. L’hébergement est à notre charge. Pour le reste, rien n’est formalisé, c’est un peu l’esprit de l’endroit.
Quelles sont les start-up que vous avez déjà choisi d’incuber ?
Mikkel Svane. Deux partenaires de Zendesk : Ottspott et Snapcall. La première a conçu un bot qui génère un numéro de téléphone virtuel à intégrer dans Slack. La deuxième propose un bouton d’appel à insérer sur une plateforme et qui permet de joindre directement un conseiller client. Nous sommes en discussion avec une troisième start-up pour nous rejoindre, dans le domaine de l’intelligence artificielle et des bots.
Comptez-vous investir dans ces start-up ?
Mikkel Svane. Nous n’avons pas de plans préétablis à ce sujet. Nous voulons accompagner une communauté de start-up et la voir grandir. Bien sûr, nous espérons que certaines d’entre elles connaîtront le succès et utiliseront nos solutions ! [Rires]
Est-ce une façon pour vous de faire davantage connaître Zendesk auprès des entreprises françaises ?
Mikkel Svane. C’est une façon d’être davantage connectée à cette communauté des start-up dont je parlais et de prendre le pouls de l’innovation. Mais, ce qui est vrai à Station F l’est également ici à Montpellier où nous prenons part à l’organisation d’événements et le temps d’échanger avec cette communauté.
Dans vos locaux, à San Francisco comme à Montpellier, les espaces de détente prennent une place importante. En France, vous travaillez notamment avec des entreprises salariant des personnels handicapés (Esat). Imposez-vous ces standards sur l’ensemble de vos sites ?
Mikkel Svane. Oui. Partout dans le monde où nous intégrons de nouveaux bureaux, nous allouons une part du fonds de notre fondation Zendesk Neighbor Foundation. Dès lors, on identifie avec quelles organisations nous pouvons travailler. Ce peut-être un investissement en temps comme en argent.
Comment souhaitez-vous faire évoluer votre implantation montpelliéraine où travaillent aujourd’hui 40 personnes ?
Mikkel Svane. Nous voyons ce bureau comme un bureau d’ingénierie et de développement. On veut donc y investir dans des talents humains à même de développer notre solution Zendesk Explore.
Quels avantages voyez-vous à être installés à Montpellier et non à Paris ? Vous auriez pu déménager les bureaux de BIME Analytics au moment du rachat…
Mikkel Svane. Oui, mais nous avons trouvé ici une équipe investie qui donne de son temps et de son talent au développement de notre solution. Il y a un réseau qui se développe bien ici avec un terreau pour recruter qui est favorable… Au final, cela paraît évident, mais le travail est réalisé par les collaborateurs de l’entreprise et non par l’entreprise elle-même. Donc, aider Nicolas Raspal et Rachel Delacour [les cofondateurs de BIME Analytics, ndlr] à développer ce bureau, est très important pour le dirigeant que je suis.
Quelle est la typologie de vos clients français ? Est-elle différente de celle que vous pouvez constater ailleurs dans le monde ?
Mikkel Svane. Non, pas vraiment. Notre distribution est ici la même que partout dans le monde. Nous avons des petites entreprises, de jeunes entreprises à forte croissance… On a par exemple Le Slip Français, mais nous avons également des entreprises dont le business est assis dans le domaine de l’énergie notamment avec des sociétés comme Lampiris [une filiale belge du Groupe Total, NDLR] ou Direct Energie. Et puis des sociétés traditionnelles qui font l’usage de Zendesk pour revisiter de fonds en comble leur relation client.
Financièrement, comment projetez-vous l’activité de l’entreprise à l’horizon 2020 ?
Mikkel Svane. Nous sommes une société cotée au Nasdaq. J’ai récemment fait l’annonce que nous atteindrons le milliard de dollars de chiffre d’affaires en 2020. Ca veut dire que nous devons développer beaucoup de croissance car nous avons généré 312 millions de dollars de ventes en 2016 et projetons entre 415 et 425 millions en 2017.
Quel virage devez-vous prendre pour ne pas vous faire ubériser ?
Mikkel Svane. Dans notre secteur, le succès vient de la croissance. C’est la vie des entreprises comme la nôtre de voir une concurrence tenter de nous doubler… Et c’est une bonne chose qui nous maintient en garde pour assurer le meilleur service qui soit.
Si la croissance est la clé, quid de la rentabilité puisque Zendesk a enregistré une perte opérationnelle de 103 millions de dollars en 2016 ?
Mikkel Svane. Nous sommes une entreprise qui a grandi rapidement et qui continue de le faire. Nos investisseurs apprécient nos taux de croissance. La rentabilité n’est pas un objectif en soi ! Nous continuons à améliorer notre taux de marge opérationnelle pour montrer que nous faisons preuve d’une meilleure efficience dans notre gestion. Mais, atteindre la rentabilité, dans notre secteur, est directement corrélé à la croissance. En 2017, nous aurons un cash flow positif, ce qui signifie que nous produirons plus de trésorerie que ce que nous en utiliserons.
L’IA au service du client
Guide, la dernière solution de Zendesk, s’appuie sur les connaissances collectives et le Deep Learning pour améliorer la qualité du service client. Résultat : la résolution des problèmes de support est plus rapide pour les clients. « Ces derniers veulent surtout des réponses adaptées à leur situation, déclare Adrian McDermott, président des produits chez Zendesk. Zendesk Guide aide à leur délivrer des connaissances personnalisées et à les contextualiser en fonction du parcours du client. » Zendesk Guide introduit deux capacités de résolution rapide et d’amélioration du service client : l’appli Knowledge Capture et Answer Bot. La première convertit les interactions client en opportunités de capture et partage d’informations afin d’enrichir la base de connaissances. Answer Bot utilise l’information de la base de connaissances, combinée avec du Deep Learning, pour automatiser les réponses aux questions des clients.
* Licorne de la Silicon Valley valorisée 2,7 milliards de dollars, Zendesk a annoncé son implantation sur le campus géant de Station F en plein cœur de Paris, en parallèle de l’inauguration de nouveaux locaux à Montpellier, où la société californienne a installé un bureau de R&D après le rachat de BIME Analytics en 2015.
Consultez également Alliancy n°17 » Où en est l’IA dans l’entreprise » à commander sur le site.