Jérémy Giacomini, directeur digital & relation client de Foncia, détaille le parti pris organisationnel du spécialiste de l’immobilier et la transformation technologique et culturelle que vit l’entreprise ces dernières années.
Alliancy. Quel est le périmètre de responsabilité de votre poste et son influence sur la culture client de Foncia ?
Jérémy Giacomini. J’étais précédemment en charge du marketing digital, mais la direction digital & relation client dont j’ai pris la tête en 2015 est plus agnostique : elle a vocation à être complètement transversale. Elle se place au même niveau que la DSI, sous un patron commun. C’est la garantie que notre vision de la transformation digitale puisse se positionner au-dessus de la mêlée. Aujourd’hui le métier de Foncia, et notre responsabilité tant de mon point de vue que celui du DSI, c’est bien la relation client.
Cela n’a pas toujours été le cas ?
Jérémy Giacomini. Historiquement, Foncia faisait surtout de la gestion de biens, sans trop se poser la question du client lui-même. En termes de culture d’entreprise, cela ne fait que quelques années que l’on a véritablement redécouvert nos clients, « derrière les bâtiments ». Cette vision métier d’administrateur de biens a par ailleurs fortement influencé notre héritage technologique. Par exemple, nous avons eu des partis pris historiques autour de notre ERP comptable, et pas du tout d’un CRM. Autrement dit, la culture client d’une entreprise influe profondément sur la nature de son système d’information, au risque parfois de gêner de futures adaptations !
A ces deux aspects, il faut ajouter le fait que Foncia a mené beaucoup d’acquisitions, ce qui a naturellement conduit à une sédimentation et une fragmentation du système d’information. Pour suivre les clients, cela créé des manques, avec par exemple une multiplication des interlocuteurs entre la gestion du bâtiment et la gestion de la location elle-même… En clair, de mauvais outils et de mauvaises habitudes posent ensuite problème pour créer une culture client à même de répondre aux enjeux actuels. C’est donc tout l’intérêt de l’organisation retenu aujourd’hui par Foncia : elle permet de peser à la fois au niveau technique et culturel, en ayant une vision unifié de ces deux aspects qui s’influencent mutuellement.
A vos yeux, qu’est-ce qui vous a permis de passer un cap ?
Jérémy Giacomini. Dans les grandes entreprises, il est possible de mettre en place beaucoup de chose, sans pour autant adopter véritablement une nouvelle culture. Ainsi, beaucoup d’organisations se mettent à « faire de l’agile » ces dernières années, mais pour autant, les effets restent très circonscrits… derrière, au quotidien, il y a toujours un ERP lourd et une vision très limitées des interactions avec les clients, par exemple. C’est précisément ce que l’on voulait éviter.
Dans notre cas, le marketing a donc voulu servir de fer de lance pour impulser des changements mais aussi générer une prise de conscience. Il y a trois ans, nous avions en effet mené une refonte totale de nos sites internet. Cela a changé fortement l’expérience du client mais du même coup, cela a créé un décalage vis-à-vis de nos propres collaborateurs qui n’avaient pas le même niveau d’informations. Il fallait trouver un moyen de mieux faire circuler l’information, de créer de la transversalité. Depuis 2015, nous avons changé de DSI et cela a débloqué de nombreux sujets. Le nouveau DSI a par exemple une vraie appétence pour un système d’information ouvert. En même temps, la création de mon poste a permis de faire dépasser l’idée que la relation client n’était pas seulement une histoire de CRM. A partir de là, les planètes étaient mieux alignées pour apporter des changements pérennes. A condition que la stratégie de l’entreprise le permette.
Quels ont été les étapes clés pour ces changements ?
Jérémy Giacomini. D’abord, il faut avoir un excellent référentiel client « froid », puis ajouter progressivement le référentiel « chaud », avec l’ambition ensuite de commencer à gérer la vue temps réelle du client et un historique unifié à tous les niveaux. Cette dernière étape est évidemment la plus difficile et ce chantier est encore à réaliser. Pour en arriver là, il faut fluidifier les changements à la fois technologiques et culturels. Nous devons donc mener un travail d’acculturation très important au digital, pour que nos collaborateurs ne ressentent pas une « crainte » du fait de la capacité offerte par le numérique à être complètement transparent vis-à-vis du client. En parallèle, nous avons dressé un constat technologique critique sur notre ERP fermé, qui ne faisait pas assez bien circuler les données. Or, c’est un point critique si l’on veut permettre à nos collaborateurs de relever cette mission de transparence et de développer la même vision que le client sur sa situation. Nous avons donc fait émerger une nouvelle vision de l’ERP en intégrant du bus de services et de l’API management, pour faire le lien avec des briques applicatives externes. Nous savons que nous ne pouvons plus tout faire nous-mêmes : pour profiter des nouvelles fonctionnalités qui peuvent changer nos interactions avec les clients, nous devons être ouvert et nous connecter avec l’extérieur.
Le changement a-t-il été à la hauteur de vos espérances ?
Jérémy Giacomini. Si la relation client est devenue plus importante pour l’entreprise, il y a évidemment des aspects qui devront se gérer sur le long terme, en montant le plus haut possible dans la structure, et en faisant redescendre les décisions à la base de l’entreprise. Je dois reconnaitre qu’elle n’est pas encore devenue un automatisme partout. Il ne faut pas oublier en effet que nous sommes un réseau d’agences locales. Cela pose donc naturellement la question de l’équilibre entre le central et le local pour gérer la relation : la qualité de l’information est souvent plus forte dans les agences, mais les outils et la vision stratégique sont portés en central, avec un impact notable sur la gestion des données utiles. Il y a donc un curseur à placer de plus en plus finement avec le temps. En la matière, le lien que nous avons établi en termes d’organisation entre CDO, marketing et DSI est déjà un moteur fort pour favoriser cette diffusion culturelle et technologique. Dans beaucoup d’entreprise, ces mondes sont encore trop séparés. Mais une fois cette première barrière tombée, la transformation continue. Après ces trois entités, il faut intégrer les ressources humaines, et le métier historique de l’entreprise dans la démarche de transformation, car sans l’humain, rien n’est possible !