[EXCLUSIF] Salons, conférences, livres et tribunes, l’industrie du futur défraie la chronique depuis au moins 2 ans maintenant. Une récente enquête du Lab de Bpifrance montre que 62 % des dirigeants industriels sont sensibilisés au sujet, savent qu’il faut agir vite et ont lancé quelques initiatives pour développer les News Techs en interne et pour gagner en compétitivité. Installation d’un robot collaboratif, digitalisation d’une partie des Process, test d’impression 3D sur une partie des références ou des outils, mise en place d’objets connectés pour mieux tracer les produits et piloter les opérations… les opportunités sont nombreuses dans ce Nouveau Monde qui s’annonce d’ores et déjà comme « l’after Lean » : le Teslisme, qui succède au Toyotisme.
Pourtant, seuls 10 % de ces dirigeants estiment parvenir à vraiment profiter du mouvement. Pourquoi ce paradoxe ? Comme toujours dans le monde industriel, l’intelligence pour élaborer un chemin de mise en oeuvre adapté est au moins aussi importante que la pertinence de la cible : complexité pour créer une roadmap cohérente, manque d’ambition et de clarté dans les gains attendus, trop forte délégation du top management qui considère le projet comme « un sujet IT de plus », manque d’investissement dans la structure projet, ressources et compétences rares, difficulté à s’entourer de bons partenaires… les causes d’échec sont multiples.
Les cinq facteurs clés du succès du Teslisme
Alors comment faire pour profiter de cette nouvelle ère où numérique et industrie s’hybrident continuellement ? Notre observation des pionniers du Teslisme nous a appris au moins 5 facteurs clés de succès :
1. « Penser chaîne de valeur » : dans un monde d’hyperréactivité où stratégie et exécution s’alimentent en permanence, les modèles d’affaires deviennent liquides : réfléchir en continu « en dehors de la boîte » pour développer des services innovants, conquérir de nouveaux marchés ou adapter la stratégie d’intégration de la supply chain devient crucial pour éviter de subir des disruptions.
2. « Choisir les bonnes données et les bonnes technologies, bichonner ses talents et s’entourer des bons partenaires » : dans un monde d’hyperconcentration, la capacité à mobiliser les compétences au bon moment est au moins aussi importante que la capacité à générer des idées nouvelles. L’écosystème et l’attractivité deviennent des clés de réussite.
3. « Test & learn mais transformer de façon systémique, en mettant l’homme au coeur » : accepter l’échec, se montrer rapide et agile dans la mise en oeuvre, mais toujours privilégier des transformations qui adressent à la fois les aspects technologiques, stratégiques et humains pour garantir la pérennité du changement.
4. « Adapter les modes de leadership et horizontaliser le pilotage » : avec l’hyperconnexion qui devient la norme, les leaders du futur doivent se mettre au service de leurs équipes, connectées directement avec les clients et les fournisseurs, afin de les aider à améliorer la performance et à capturer les opportunités extérieures.
5. « Surinvestir sur l’architecture projet et sur les compétences de transformation » : avec une vitesse de progrès devenue exponentielle, il est de plus en plus complexe de gérer une équipe pluridisciplinaire pour mener de front les aspects stratégiques, technologiques et organisationnels associés à la transformation des entreprises. Le besoin d’un rôle central d’architecte qui soit capable d’aiguiller, d’accompagner le changement et de communiquer une vision enthousiasmante aux équipes est de plus en plus vital pour que le Teslisme se diffuse dans toute l’organisation.
L’architecte « Industrie du futur » (IF) : un rôle à développer pour catalyser la French Fab !
Ce cinquième facteur clé de succès nous semble d’autant plus important qu’il est souvent méconnu ou sous-estimé. Quel est le portrait-robot de l’architecte IF ?
Crédible dans l’organisation à tous les niveaux et jusqu’au terrain, à l’aise avec l’incertitude, bon communicant, généraliste de la transformation industrielle, mais expert en organisation, l’architecte du futur est celui qui aidera à éclairer les opportunités liées à la 4e révolution industrielle. Il aide à sélectionner les bonnes technologies, à assurer les transitions technologiques, à prioriser les roadmaps, à assurer un lien avec le top management pour garantir son implication et sa pleine compréhension, à accompagner le changement sur le terrain , à entretenir une veille systématique sur l’écosystème. En bref, l’architecte IF est un « Chief Digital officer » industriel, qui allie les compétences et les savoir-faire des experts du digital avec les savoir-être et l’expertise nécessaire pour convaincre dans le monde industriel.
Développons donc massivement des architectes IF ! La compétence est rare et l’investissement pour créer ces rôles est conséquent, mais le jeu en vaut la chandelle : il en va de l’avenir de notre industrie nationale :
• Intégrons ces compétences dans les cursus de la formation initiale et de la formation professionnelle
• Développons ces rôles dans nos PME, ETI, si besoin au départ avec un accompagnement des institutionnels locaux
• Créons des parcours internes de digital-industrie dans les groupes, avec une valorisation équivalente à celle des filières « métier » traditionnelles
• Communiquons positivement sur l’avenir de notre industrie et de ses métiers pour que le secteur redevienne attractif
Depuis 30 ans de nombreux efforts sont faits pour construire des « maisons du Lean » robustes dans la plupart des entreprises industrielles du monde. Avec la 4e révolution industrielle, l’économie est en pleine mutation, il est temps de se doter d’architectes Industrie du futur afin de bâtir des maisons du Teslisme. Soyons précurseurs sur le sujet pour que la French Fab devienne le vaisseau amiral de l’industrie du 21e siècle !