Alors que l’Europe achève de légiférer en 2017 sur l’itinérance au sein de ses frontières il est fondamental de revenir sur la perception qu’en ont aujourd’hui les organisations. L’Europe a en effet décidé de « supprimer ses frontières téléphoniques » à partir du 15 juin 2017, si l’on reprend l’expression de certains médias grands publics. Ce bouleversement est attendu depuis longtemps, mais les impacts exacts sont loin d’être clairs pour toutes les entreprises. Même quand on s’intéresse au sujet, les détails des changements, au-delà des dispositions génériques, sont loin d’être explicites.
Donc oui, il parait important de décrypter le sujet avec les entreprises, encore et encore. D’autant plus que sorti de nos frontières, notamment aux Etats-Unis, il y a une très forte incompréhension sur ce qui est en train de se passer en Europe. Les nouvelles règles ne concernent que les citoyens européens, en Europe ! Pour les entreprises implantées dans de nombreux pays, ce n’est qu’un petit aspect de la problématique.
L’évolution de la perception du sujet de l’itinérance
L’itinérance s’est largement banalisée du point de vue des entreprises, à travers de nombreux usages professionnels différents, pour le meilleur comme pour le pire. Vidéo, forfaits « illimités », connexion permanentes à des réseaux sociaux… les habitudes venues du marché grand public entrent massivement dans les entreprises et donc se retrouvent du même coup quand les collaborateurs voyagent à l’étranger. L’utilisateur ne fait pas forcément attention… et l’entreprise en paye souvent le prix. Même si la perception du sujet est meilleure qu’il y a quelques années, il règne toujours une certaine confusion sur les périmètres géographiques exacts pour lesquels il n’y a pas de frais supplémentaire… par exemple dans le cas d’un pays sur le continent européen mais qui n’est pas membre de l’UE. Ces confusions créent facilement des dérapages.
Les évolutions des offres disponibles pour les entreprises
Les offres « illimitées », pour lesquelles il existe un fair-use auquel succède soit des frais supplémentaires, soit une limitation de la bande passante disponible, existent déjà depuis quelques années. Les opérateurs n’ont pas attendu l’Europe : ils ont anticipé pour faire évoluer leur philosophie vers la pratique des frais supplémentaires. Du point de vue des entreprises, cela contribue à rendre le risque financier plus sensible. La mise en place des nouvelles règles européennes, va en ce sens surtout permettre un effet marketing du type « on vous ouvre la gratuité à de nouveaux pays ».
Quelques recommandations pour les collaborateurs d’une entreprise
L’un des premiers faits à prendre en considération est que les collaborateurs qui voyagent très peu sont plus prompts à exposer l’entreprise à des frais d’itinérance soudain très élevés, car le jour où il se retrouve à l’étranger, ils ne modifient pas leurs usages – ils n’ont pas conscience des impacts. Les statistiques évoquent qu’un tiers des surcoûts seulement proviennent toujours des mêmes utilisateurs : le reste est ventilé au hasard dans l’entreprise, par des acteurs très divers. Autrement dit, le sujet ne concerne pas seulement les voyageurs d’affaire chevronnés, bien au contraire. Les entreprises peuvent passer de nombreuses recommandations ou mettre en place de nombreux systèmes pour maitriser les usages télécoms à l’étranger. L’enjeu principal est de trouver le bon équilibre entre liberté que l’on peut laisser aux collaborateurs et contrôle. Certaines cultures d’entreprise poussent vraiment vers l’un ou l’autre de ces extrêmes, mais cela n’est pas recommandé.
Les surcoûts entraînés sont-ils au final si important ?
Il y a de nombreux exemples de « bill shock » se montant à des dizaines de milliers d’euros pour un seul collaborateur. Mais au-delà des montants concernés, la question prioritaire pour une entreprise est celle de la transparence et de la capacité à prévoir les variations importantes que provoquent ces frais supplémentaires. Le problème devient de plus en plus notable parce que les volumes et les usages se sont démultipliés, et ce qui pouvait ressembler par le passé à des petites vagues, avec des creux et des bosses maitrisables, prend aujourd’hui régulièrement la taille d’un raz de marée. Or, il y a encore une certaine inertie dans les organisations pour s’adapter à cette nouvelle réalité.
Le rôle des Directions des systèmes d’information
Malheureusement, elles ne sont globalement pas assez préparées pour cela. Les forfaits qu’ils ont mis en place il y a déjà quelques années, ne sont tout simplement pas adaptés aux nouveaux usages de consommation data – notamment des populations les plus jeunes qui intègrent de plus en plus les organisations. Quand on a prévu 2 Go de data par personne et que de plus en plus d’individus en consomment 20 sans même s’en rendre compte, tous les avantages d’un pooling plan* partent en fumée par exemple. Les DSI sont par ailleurs très mal équipés pour distinguer les usages personnels, des usages professionnels. Ils n’ont tout simplement pas de visibilité. Des possibilités technologiques existent pour changer cela. Sans s’intéresser aux détails des communications, l’idée est de comprendre la répartition des « grands blocs » d’usage chez les collaborateurs : est-ce qu’on est dans du 50/50 ou dans du 80% pour les usages personnels ? La capacité à être informé est clé pour pouvoir prendre les bonnes décisions : ils en ont l’habitude sur d’autres aspects de leurs métiers de DSI, ce manque est devenu criant ces derniers mois sur la partie des télécoms.
Il s’agit donc d’aller plus loin que de seulement gérer les impacts de l’itinérance…
Les frais d’itinérance sont souvent la partie la plus visible du problème mais le fond du sujet est bien la capacité d’adaptation générale de l’entreprise aux nouveaux usages télécoms de ses collaborateurs. Les voyages à l’étranger sont certes plus fréquents, mais ces nouveaux usages de mobilités ont aussi des impacts bien réels au niveau national. En se préparant à l’un, on se met en ordre de marche pour gérer l’autre.