Truffaut, Etam ou Castorama… les annonces des enseignes pour optimiser la livraison du dernier kilomètre se multiplient. Le rôle des magasins est repensé par les retailers, qui les utilisent aussi comme un lieu de stock. Exemple avec Leroy Merlin, dont son magasin parisien dans le quartier de La Madeleine a mis en place la livraison à domicile pour les articles courants.
Avec la digitalisation des processus de livraison, qui permet une meilleure traçabilité, et la concurrence d’Amazon, en particulier depuis le lancement de l’offre Amazon Prime Now qui propose une livraison chez le client en une ou deux heures, les retailers multiplient les possibilités de livraisons à domicile.
Le nombre de colis livrés augmente chaque année de 15 % en France. « La livraison à domicile n’est pas nouvelle en soi, cela se pratique depuis la nuit des temps, en particulier pour l’alimentaire, les produits encombrants et le bricolage. Ce qui est récent en revanche, c’est la livraison au départ du magasin », explique Michael Levy, CEO de Deliver.ee, un acteur du « ship from store », qui a lancé en début d’année sa solution Mothership pour digitaliser le système de livraison d’une enseigne et lui permettre de livrer un achat dans un créneau de deux heures. L’expédition d’un produit à partir du magasin, plutôt que de l’entrepôt, offre aux retailers un gain de temps, et ainsi un avantage concurrentiel.
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Le magasin Leroy Merlin, situé place de La Madeleine à Paris, propose en ce sens, depuis son ouverture le 19 juin dernier, un service de livraison à la demande. « Quand nous avons préparé notre installation, nous avons échangé avec la population du quartier : la principale problématique était de savoir comment ramener les articles chez soi », rapporte Olivier Studter, directeur du magasin. La livraison à domicile est une attente spécifique de cette clientèle urbaine qui réalise ses achats sans se déplacer en voiture.
Olivier Studter a fait appel à la start-up Steedy pour mener à bien le projet. Les deux équipes ont travaillé en co-construction. « Nous nous sommes adaptés aux besoins du magasin pour que la livraison à la demande soit un outil d’aide à la vente et nous avons réalisé l’application en deux semaines », détaille Pierre Guérin, cofondateur de Steedy. « Nous avions une exigence de qualité de service client car c’est notre image de marque que nous leur déléguons, souligne Olivier Studter. Nous nous sommes rendus dans leurs locaux pour nous rendre compte de la manière dont ils traitent les clients. »
Une stratégie basée sur les initiatives locales
Les clients du magasin, une fois leurs achats effectués, peuvent choisir de se les faire livrer au tarif unique de 20 euros. Des tablettes renvoyant vers l’application sont à leur disposition dans un espace dédié pour recueillir les informations nécessaires et leur attribuer un numéro de casier où déposer leurs produits. « Les clients peuvent se faire livrer dans l’heure ou au créneau choisi. Une notification leur est envoyée au moment du départ de notre coursier, dont ils peuvent suivre la course sur leur smartphone », explique Mathieu Lomazzi, co-fondateur de Steedy, qui a contribué à former les conseillers de clientèle.
Steedy, qui référence plusieurs centaines de coursiers en deux-roues, prend en charge les produits de moins de 15 kg transportables dans des sacs et offre ainsi un service complémentaire à celui de Coliweb et de la start-up Trusk, dédié au transport des achats volumineux. La start-up a effectué plus d’une centaine de courses au cours de l’été. « Il nous faut fournir davantage de pédagogie. Nous voulions mettre en place un processus simple, mais les clients ont des questions avant d’utiliser ce service seuls », constate Olivier Studter.
Les magasins du groupe bénéficient chacun d’une large autonomie. La stratégie d’innovation de Leroy Merlin est portée par des initiatives locales. « L’enseigne centralise l’expertise mais décentralise les projets de satisfaction client. Quand un projet est une réussite, il est étendu à d’autres magasins », explique Olivier Studter. Les deux cofondateurs de Steedy sont surpris d’avoir déjà été contacté par le siège et s’en réjouissent : leur solution sera déployée à la rentrée dans le magasin parisien de Rosa Parks.
L’enjeu dans le secteur reste la présence des clients pour la délivrance. « Les clients sont toujours plus intransigeant sur la livraison, c’est pour cela que des options comme les points relais ou la livraison chez des voisins se développent, analyse Michael Levy. Aux États-Unis, des tests sont menés pour que les livreurs laissent les articles chez la personne mais il y a une notion de confiance pour accepter ce système. » Pour le CEO de Deliver.ee, la prochaine étape sera l’exploitation des données pour améliorer la préparation des commandes. « Il faut en permanence s’adapter aux évolutions des souhaits des clients, le magasin n’a pas fini d’être chamboulé », conclut-il.