Carmila, 3e société de centres commerciaux française, a déployé en un temps record une connectivité gratuite et à très haut débit dans l’ensemble de son parc. Romain Pierry, directeur business development, revient sur ce projet et les perspectives qu’il offre dorénavant aux commerçants et aux clients.
Alliancy. Qu’est-ce qui différencie Carmila des autres grands de son secteur ?
Romain Pierry. Carmila intervient exclusivement dans les galeries marchandes rattachées aux hypermarchés Carrefour, actionnaire à 35% de l’entreprise. En France, Espagne, Italie, nous sommes ainsi présents auprès de 214 centres commerciaux, pour la plupart leaders localement. Nous avons été créés en 2014, avec l’acquisition de centres commerciaux à des tiers. Nous avons donc récupéré des systèmes d’information très variés et morcelés. L’un des enjeux était de repenser et d’harmoniser ces systèmes en partant des besoins des clients. En effet, les typologies traditionnelles de clients de centre commerciaux évoluent. Le client a dorénavant un parcours omnicanal. Il n’a pas choisi entre le physique et le on-line, il veut les deux.
C’est-à-dire ? Romain Pierry. Les clients utilisent leur téléphone pendant les courses, pour regarder des vidéos, écouter de la musique, faire des recherches pour se distraire ou discuter en ligne. Pendant longtemps, les retailers ont gardé la conviction que le smartphone allait sans doute être un moyen pour acheter en ligne tout en étant sur un lieu physique. La réalité est différente, notamment dans les centres commerciaux où la place du loisir est beaucoup plus forte sur les terminaux. Cela s’y prête d’autant plus qu’il y a dans les galeries des espaces d’attentes, de restauration… |
Alliancy Connect : j’actionne cet article !
Vous voulez témoigner ? Rencontrer cette personnalité ? Approfondir ce sujet qui est prioritaire pour vous ?
|
En quoi ces nouvelles pratiques sont un problème pour les centres commerciaux ?
Romain Pierry. La majorité des centres commerciaux ne pouvaient pas répondre à cette demande, du fait de l’absence de connectivité fiable et très haut débit. Nous avons vite acquis la conviction que le différenciateur devait être de fournir à des clients la meilleur connexion internet possible. Pas seulement fournir du wifi, comme il y en a partout maintenant, mais bien offrir une expérience d’excellente qualité. Nous avons mené ce projet d’hyperconnectivité entre septembre 2016 et mai 2017.
Qu’est-ce qui permet de faire les bons choix sur un tel sujet technologique ?
Romain Pierry. Il nous fallait avant tout de la robustesse et de la simplicité de gestion, et donc une capacité du constructeur de gérer l’ensemble de notre besoin. On ne connaissait pas spécialement les solutions « cloud-oriented » proposées par Cisco Meraki, mais cela a été une révélation quand on a compris la facilité d’industrialisation qu’elles incarnaient. Réaliser le paramétrage en central et l’adapter facilement en local est vital quand on est multi-sites. Le cloud a également facilité le suivi temps réel des déploiements des réseaux physiques, qui se sont fait pendant la nuit pour ne pas gêner l’activité quotidienne. C’est aussi un atout en matière de sécurité, grâce aux mises à jour permanentes et automatiques.
Qu’a permis de changer ce projet en 8 mois ?
Romain Pierry. Aujourd’hui, on gère 100% de nos systèmes, réseau, wifi, accès internet… depuis une seule interface pratique. Depuis une tablette, nous accédons à une carte de France de nos centres commerciaux qui indique directement par des points rouges quand il y a des problèmes ou des anomalies de connectivité. Nous recevons une alerte sur une panne et pouvons changer un paramètre à distance directement en un clic. Et on ne se contente pas de gérer le wifi. Nous avons centralisé d’un même tenant la gestion de notre système d’énergie, nos systèmes de comptage, les bornes de jeux… Bref, nous avons un « cœur du réacteur » qui centralise tous les services que l’on peut offrir à nos commerçants et qui permet de nouveaux déploiements d’infrastructures très rapides.
Au-delà des services apportés aux consommateurs, quels ont été les retours des commerçants installés dans les galeries commerciales ?
Romain Pierry. Nos clients directs, nos commerçants locataires, ont été les premiers satisfaits, car ils souffrent bien trop souvent de problématiques de connectivité pour répondre aux besoins de leurs propres clients. Par exemple, ils préfèrent dorénavant se connecter eux-mêmes sur le wifi du centre commercial plutôt que sur leur propre box internet !
Ce projet couvre-t-il l’ensemble de vos centres commerciaux où n’est-ce qu’une première phase d’expérimentation ?
Romain Pierry. Le grand enjeu est toujours de passer de l’expérimentation à l’industrialisation. Un POC peut être un piège quand on veut innover. Nous avions commencé par une expérimentation test pour valider le principe. Au final, on s’est engagé à déployer dès le départ sur 112 centres commerciaux. Cela grâce au travail de 140 personnes issues de 20 entreprises différentes, que nous avons fait collaborer en gérant nous-mêmes en central un macro-planning.
Vos principaux fournisseurs étaient-ils ouverts à cette philosophie ?
Romain Pierry. Il a fallu qu’on travaille de façon différente avec nos fournisseurs car nous voulions avoir la maîtrise globale du projet, ce qui est inhabituel. Nos partenaires, comme Hub One qui a travaillé en tant qu’intégrateur des solutions Cisco Meraki, ont accepté cette démarche, qui s’est révélée efficace grâce à la qualité, la confiance et le professionnalisme de nos interlocuteurs. Quand on veut innover vite, il faut entrer dans des types de fonctionnements très transverses et agiles : on ne voulait pas que le prestataire se retrouve seul à faire le travail. Notre philosophie a été plutôt de constituer une équipe globale, avec eux, et toutes les entreprises, pour garder les délais. Chacun a appris à se soutenir de façon croisé, c’était très nouveau.
Quels ont été la réaction des prestataires ?
Romain Pierry. Ils ont joué le jeu parfaitement. On a pu apprendre beaucoup les uns des autres, grâce aux liens forts qui se sont noués. Culturellement, cela a pu amener des changements dans les façons de fonctionner, mais cela prouve aussi que ces grands prestataires savent s’adapter et se transformer eux-mêmes.
Avez-vous des exemples de services déjà opérationnels ?
Romain Pierry. Nos équipes marketing ont par exemple pu organiser un grand tournoi de jeux vidéo en partenariat avec Nintendo… en temps réel entre plus de 20 centres commerciaux ! Même chose pour les bornes de jeux déployés pour la coupe du monde, devenues opérationnelles en quelques minutes. La qualité de connexion offre aussi de nouvelles perspectives pour les projets d’IoT. Cela ne fonctionne qu’avec de l’hyper-connectivité. Avec SFR, notre opérateur, nous avons pu par ailleurs offrir 50 000 abonnements à leur service de VOD, car on savait que nos clients pourraient les utiliser grâce à cette hyper-connectivité. Cela créé des points de satisfactions pour nos clients, de tout côté. Demain, nous pourrons connecter nos locataires entre eux et amener des services croisés supplémentaires. Il n’y a pas de limites à ce que l’on peut faire d’innovant une fois qu’on a une connectivité de pointe.
Quel est pour vous le point le plus marquants parmi ces changements qui parcourent votre activité ?
Romain Pierry. Il y a quelques années, quand on parlait de projets de modernisation, l’IT inquiétait fortement : trop complexe, trop lourd, trop « lignes de code »… En 2018, on est entré dans une philosophie globale de simplicité, de compatibilité, d’ouverture. Ce n’est plus nos métiers qui s’adaptent aux enjeux réseaux, mais l’inverse.