Dans le cadre de différents projets de recherche, nécessitant l’analyse d’importants volumes de données comme celles en vie réelle, Sanofi fait régulièrement appel à des partenaires extérieurs. C’est le cas notamment du français Quinten, avec qui le laboratoire international collabore depuis 2015.
Comprendre les données des patients dans leur vie quotidienne devient essentiel pour améliorer les soins. Dans un environnement en pleine évolution, caractérisé par la hausse du coût de la santé, par l’augmentation du nombre des malades chroniques et par le vieillissement de la population, l’enjeu des données médicales générées et de leur analyse est donc majeur pour le futur des traitements au moment où de plus en plus de données sont accessibles.
« Le volume de données disponibles dans le monde réel est considérable, souligne le Docteur Bernard Hamelin, Responsable Global, Medical Evidence Generation de Sanofi. Toutes ces informations peuvent nous aider à mesurer les résultats thérapeutiques applicables aux traitements qui nous intéressent. Elles peuvent aussi nous aider à les contextualiser. »
Sanofi souhaite ainsi apporter des preuves supplémentaires en s’appuyant sur différents types de partenariats avec des prestataires extérieurs. En plus des traditionnels dossiers médicaux électroniques et des données de remboursement sur lesquelles le groupe peut se baser dans différents pays, certains fournissent de nouvelles sources d’informations, comme les données comportementales (ou en vie réelle anonymisées).
Par exemple, mi-2017, le groupe a annoncé qu’il renforçait sa collaboration avec l’américain Evidation Health, une société de la Silicon Valley spécialisée dans la mesure des comportements de santé. Pendant trois ans, les deux entreprises exploiteront conjointement la plate-forme d’analyse « Real Life » d’Evidation Health afin de permettre au laboratoire français de mieux comprendre les facteurs qui influencent les résultats cliniques des patients. Objectif : soutenir davantage les patients et professionnels de santé à prendre en charge les maladies, en leur permettant de tirer le meilleur bénéfice des traitements. Côté commercial, le groupe peut notamment accélérer sa R&D, optimiser la population cible et baisser le coût des études cliniques.
Une part importante des résultats thérapeutiques est déterminée par les comportements des patients. Or, près d’un tiers d’entre eux ne prennent pas convenablement les médicaments qui leur sont prescrits, peut-on lire sur le site de Sanofi. Aussi, « améliorer l’observance thérapeutique, ne serait-ce que de 5 à 10 %, selon le professeur Hayden Bosworth, professeur de médecine à l’Université Duke en Caroline du Nord, se traduira par des bénéfices, en termes de santé, comparables à ceux que pourrait générer l’arrivée d’un médicament entièrement nouveau sur le marché ».
Darwin permet à Sanofi de mieux comprendre les bénéfices des médicaments en vie réelle, de faire une analyse coûts/avantages et mieux orienter ses travaux de recherche.
En parallèle, Sanofi a lancé l’an dernier Darwin, sa plateforme de big data, hébergée en partie dans le cloud public d’AWS et son cloud privé. L’outil compile données externes (vie réelle) et internes (essais cliniques), provenant de 350 millions de patients dans 318 maladies et de 45 études, terminées ou en cours.
C’est dans ce cadre que des partenariats « ouverts » ont été passés avec le français Quinten ou les américains GNS Healthcare et Science 37, et que d’autres encore sont envisagés ou en cours, autant avec des start-up que des acteurs académiques (l’Ecole Polytechnique par exemple). « Nous avons des discussions aux Etats-Unis, en France, en Grande-Bretagne, à Singapour, en Chine pour de futurs partenariats », déclare Bernard Hamelin, notant que Sanofi a décidé de vraiment investir pour modéliser ce grand volume de données.
« Ces sociétés nous apportent de nouveaux outils d’analyse ou de nouvelles plateformes, basées notamment sur l’intelligence artificielle, qui nous permettront d’étudier ces données et d’en extraire de nouvelles connaissances au service du développement de nouveaux traitements et d’une médecine plus performante », précise Bernard Hamelin.
Dans le cas précis du partenariat avec Quinten, le dirigeant précise que la société apporte au groupe ses compétences pour analyser ces grands volumes de données, notamment sur les essais cliniques et en extraire des informations et des connaissances permettant de mieux appréhender la diversité des patients. « Nous réfléchissons ensemble aux données dont nous avons besoin, y compris externes », précise Bernard Hamelin car, dans le secteur de la pharmacie, chaque unité (recherche, développement, commercial….) dispose de ses propres bases ».
L’objectif de Darwin est ainsi de cumuler l’ensemble de ces données, internes et externes, pour développer de nouveaux outils prédictifs. « Aujourd’hui, nous avons, grâce aux essais cliniques, une vision « moyenne » et, a posteriori, des résultats obtenus dans chaque base. Nous voulons développer une vision prédictive et ciblée pour pouvoir indiquer que tel traitement, dans tel environnement et chez tel patient aura l’effet attendu. C’est la grande différence entre analyse statistique et analyse expérientielle. On passe du produit au patient et l’on anticipe les problèmes futurs pour mieux les prévenir. »
D’où l’importance de repérer les signaux faibles, de regarder le comportement des patients en fonction d’un traitement et de chercher de nouvelles méthodes pour capturer leurs réactions… C’est pourquoi le groupe travaille aussi, par exemple, sur le port de vêtements connectés pour les malades atteints d’épilepsie avec la start-up parisienne BioSerenity. La société, fondée en 2014 et spécialisée dans les solutions IoT pour patient connecté, travaille actuellement sur quatre grandes pathologies que sont l’épilepsie, le suivi des maladies cardiologiques, le suivi des grossesses et les troubles du sommeil. Installée au sein de l’Institut du Cerveau et de la Moëlle épinière, avec lequel elle partage un laboratoire commun, BioSerenity compte 130 salariés en France, en Chine et aux Etats-Unis où elle a ouvert des bureaux (7,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017).
20 data scientists pour du « raisonnement augmenté »
Après avoir travaillé avec Sanofi sur les données des essais cliniques pour améliorer le ciblage des traitements, Quinten se penche aujourd’hui sur les données en vie réelle. « Les travaux que nous menons ensemble, autour de l’identification de sous-groupes de patients donnent des résultats encourageants. En imaginant de nouveaux usages, on arrive à obtenir de nouvelles performances. C’est pourquoi nous nous sommes engagés sur plusieurs années avec Quinten », explique Bernard Hamelin.
De l’autre côté, ce partenariat permet à Quinten de se renforcer avec la création d’une équipe d’une vingtaine de personnes entièrement dédiée au projet. « C’est une équipe en régie mixte, offrant d’une part la flexibilité et la proximité de la régie classique, et permettant de garantir d’autre part le niveau de qualité et de productivité des missions au forfait, insiste Alexandre Templier, cofondateur de Quinten. C’est une organisation nouvelle pour eux comme pour nous, en termes d’ambitions et de moyens mis en oeuvre, qui présente de nombreux avantages lorsqu’on voit la difficulté pour les grands groupes de développer en interne le type de compétences que nous proposons »
Les obstacles sont en effet nombreux pour les groupes qui souhaitent développer une culture de la valorisation des données et des équipes de data scientists efficaces et génératrices de valeur. Le premier obstacle majeur est celui du recrutement des talents capables de réfléchir avec les différents métiers de l’entreprise, le deuxième est celui de l’animation et de la coordination de ces talents pour produire les résultats attendus, et le troisième, celui de la gestion du changement. « Le secteur de la pharmacie est en retard dans ce domaine, et nous aussi », reconnaît Bernard Hamelin, confiant toutefois dans le fait de réussir à faire rapidement bouger les lignes.